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28/09/2004 | FRANCE | N°01-16986

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 28 septembre 2004, 01-16986


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la Société générale que sur le pourvoi incident formé par la société CED Viandes :

Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué, qu'à la suite d'une saisie que la société CED Viandes avait fait pratiquer entre ses mains, le 3 septembre 1990, au préjudice de la banque irakienne Rafidain Bank, la Société générale a déclaré que sa correspondante lui restait redevable d'une somme de 34 726 5

05,51 francs représentant le montant compensé des soldes de dix-sept "comptes" interne...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la Société générale que sur le pourvoi incident formé par la société CED Viandes :

Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué, qu'à la suite d'une saisie que la société CED Viandes avait fait pratiquer entre ses mains, le 3 septembre 1990, au préjudice de la banque irakienne Rafidain Bank, la Société générale a déclaré que sa correspondante lui restait redevable d'une somme de 34 726 505,51 francs représentant le montant compensé des soldes de dix-sept "comptes" internes, débiteurs à l'exception de trois d'entre eux ; que la société CED Viandes a contesté cette déclaration en faisant valoir que ces dix-sept "comptes" étant juridiquement autonomes, la Société générale n'était pas fondée, en l'absence de convention, à procéder à la compensation de leurs soldes respectifs et qu'en outre, il résultait d'un procès verbal de l'administration des Douanes que le montant créditeur du compte tenu en dollars américains était sous-estimé ; qu'après avoir accueilli pour partie cette argumentation, la cour d'appel a condamné la Société générale à payer à la société CED Viandes le montant cumulé des soldes créditeurs, tels qu'ils avaient été déclarés ;

Sur le second moyen du pourvoi principal, pris en ses quatre branches :

Attendu que la Société générale fait grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen :

1 ) que la compensation suppose, d'après l'article 1291 du Code civil, que les créances réciproques soient certaines, fongibles, liquides et exigibles ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme il avait été soutenu, si l'embargo en vigueur depuis l'arrêté du 4 août 1990 n'avait pas eu pour effet d'empêcher les comptes bancaires litigieux de fonctionner conformément à la volonté des correspondants, toute possibilité de remises réciproques se trouvant désormais interdite, et si ces comptes n'en avaient pas été nécessairement clôturés, leurs soldes constituant dès lors des créances certaines, liquides et exigibles, la cour d'appel a entaché sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;

2 ) qu'en se bornant à suggérer en termes vagues que l'existence de sommes libellées en devises différentes était de nature à empêcher leur compensation, sans examiner concrètement si la convertibilité de ces devises ne les rendait pas fongibles au sens de l'article 1291 du Code civil, la cour d'appel, par adoption de motif, a encore entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de ce texte ;

3 ) qu'en vertu de l'article 1290 du Code civil, la compensation légale s'opère de plein droit par la seule force de la loi, même à l'insu des débiteurs, dès l'instant que ses conditions se trouvent réunies ; qu'il s'ensuit, que la date à laquelle la compensation légale a été spécialement invoquée par l'un des débiteurs réciproques est sans influence sur l'opposabilité de cette exception au saisissant ; qu'en fondant l'inopposabilité à la société CED Viandes de l'exception de compensation légale sur l'incapacité de la banque de rapporter un document ayant date certaine, qui aurait constaté cette compensation antérieurement à la saisie, et sur le fait qu'elle avait continué de servir des intérêts sur les comptes litigieux, la cour d'appel, par adoption de motif, a violé le texte susvisé ;

4 ) qu'en tout état de cause, une saisie diligentée à l'initiative d'un tiers ne saurait priver l'un des contractants de son droit d'invoquer la compensation lorsque les créances et des dettes réciproques sont unies par un lien de connexité ; qu'en s'abstenant de rechercher si les mouvements retracés dans les divers comptes litigieux ne se rattachaient pas à des opérations de crédit identiques ou connexes, et notamment de crédit documentaire ainsi qu'il avait été soutenu, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1290 du Code civil ;

Mais attendu que la Société générale n'ayant jamais démontré que les "comptes" ouverts dans ses livres au nom de la Rafidain Bank auraient été effectivement clôturés avant les opérations de saisie, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder aux recherches évoquées par les première, deuxième et quatrième branches, dès lors dépourvues d'incidence sur la solution du litige, a, abstraction faite du motif erroné mais surabondant, critiqué par la troisième branche, justifié sa décision ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Mais sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche :

Vu l'article 1134 du Code civil ;

Attendu que pour statuer comme il a fait, l'arrêt, après avoir relevé que, contrairement à ce qui était soutenu, les seize comptes litigieux n'avaient pas été ouverts pour y loger des créances litigieuses qui ne se retrouvaient pas dans le compte d'origine, retient, par motifs propres, que si la Société générale ne justifie que de l'ouverture d'un seul compte à l'initiative de la Rafidain Bank, elle établit par la production de ses relevés que les dix-sept "comptes" avaient fonctionné de manière autonome, générant des intérêts comptabilisés sur les soldes créditeurs indépendamment des soldes débiteurs, ne donnant jamais lieu à l'établissement d'un solde global sauf pour les besoins de la déclaration affirmative et, par motifs adoptés, qu'il était impossible de compenser des comptes libellés en dollars américains ou en deutsch marks avec des comptes en francs ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi alors que l'unité d'un compte n'est incompatible ni avec l'existence de chapitres libellés en devises étrangères dès lors que, celles-ci étant convertibles, une balance peut être calculée à chaque établissement de solde, ni avec l'existence d'intérêts différenciés selon les opérations auxquels ils se rapportent, ni avec l'établissement de relevés séparés pendant le cours du fonctionnement de ce compte, sans rechercher si, les comptes litigieux avaient ou non permis de recevoir ou d'opérer des règlements entre les parties ce dont elle aurait alors pu déduire qu'ils avaient une existence contractuelle et qu'ils n'étaient pas seulement, comme il était prétendu, de simples cadres comptables ou comptes d'ordre dont les débits n'entraînaient aucun paiement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

Et sur le moyen unique du pourvoi incident :

Vu l'article 336-1 du Code des douanes ;

Attendu que pour limiter la condamnation de la banque au titre des avoirs détenus par elle, pour le compte de la Rafidain Bank, sur le compte 75 090 139, à la somme de 6 316,04 USD, l'arrêt retient que compte tenu de son caractère succinct et du fait qu'il n'avait pas donné lieu à poursuites et à condamnation, le procès verbal des douanes dont il ressortait que d'après les états trimestriels adressés par la Société générale à la Banque de France, le montant de ces avoirs s'établissait, au 30 juin 1990, à la somme de 345 078 USD, n'établissait pas l'inexactitude de la déclaration affirmative de la banque ;

Attendu qu'en statuant ainsi sans que la Société générale ait justifié ni expliqué la disparité dénoncée par la société CED Viandes, alors que les procès verbaux de douanes, lorsqu'ils sont, comme en l'espèce, rédigés par deux agents des Douanes, sont, en raison de la qualité de ceux, qui en apposant leur signature, en authentifient les constatations et énonciations, des actes publics et authentiques faisant foi jusqu'à inscription de faux, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 novembre 2001, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;

Fait masse des dépens et les met par moitié à la charge de la Société générale et de la société CED Viandes ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société CED Viandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit septembre deux mille quatre.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 01-16986
Date de la décision : 28/09/2004
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

COMPTE COURANT - Définition - Unité du compte - Eléments du compte - Enumération - Comptabilité avec l'unité - Condition.

COMPTE COURANT - Définition - Unité du compte - Eléments du compte - Comparaison avec des comptes multiples

L'unité d'un compte n'est incompatible, ni avec l'existence de chapitres libellés en devises étrangères, dès lors que, celles-ci étant convertibles, une balance peut être calculée à chaque établissement de solde, ni avec l'existence d'intérêts différenciés selon les opérations auxquelles ils se rapportent, ni avec l'établissement de relevés séparés pendant le cours du fonctionnement de ce compte. En conséquence, ne donne pas de base légale à sa décision au regard de l'article 1134 du Code civil la cour d'appel qui se fonde sur de tels éléments pour retenir l'existence de comptes multiples, sans rechercher si les comptes litigieux avaient ou non permis de recevoir ou d'opérer des règlements entre les parties, ce dont elle aurait alors pu déduire qu'ils avaient une existence contractuelle, et qu'ils n'étaient pas de simples cadres comptables ou comptes d'ordre dont les débits n'entraînaient aucun paiement.


Références :

Code civil 1134
Code des douanes 336 1°

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 13 novembre 2001


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 28 sep. 2004, pourvoi n°01-16986, Bull. civ. 2004 IV N° 166 p. 187
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2004 IV N° 166 p. 187

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Tricot.
Avocat général : Avocat général : M. Lafortune.
Rapporteur ?: Rapporteur : Mme Collomp.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Célice, Blancpain et Soltner, la SCP Bachellier et Potier de la Varde.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:01.16986
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