AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur la demande de mise hors de cause des consorts X... :
Dit n'y avoir lieu de mettre hors de cause les consorts X... ;
Sur la demande de mise hors de cause de M. Y... :
Dit n'y avoir lieu de mettre hors de cause M. Y... ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué que Jean-Claude X..., militaire de carrière, circulant sur une motocyclette, a été mortellement blessé en chutant sous les roues d'un ensemble routier conduit par M. Z..., appartenant à la société Sotratep qu'il tentait, sur une avenue comportant deux couloirs dans chaque sens, de dépasser sur sa droite dans l'intervalle existant entre ce véhicule circulant dans le couloir gauche et un véhicule léger, conduit par M. Y..., circulant dans le couloir droit ; que sa veuve, Mme Claudine X..., en son nom personnel et en qualité d'administratrice légale des biens de ses deux enfants mineurs, Stéphanie et Anthony X..., ainsi que MM. Fabrice, Julien, Jean-Jacques et Francis X... et Mme Monique X..., épouse A... (les consorts X...) ont assigné en réparation M. Z..., la société Sotratep et leur assureur la société Azur assurances, en présence de la Caisse nationale militaire de sécurité sociale (CNMSS) et de l'agent judiciaire du Trésor (AJT) ; qu'un jugement a dit que M. Z... et M. Y... étaient tenus de réparer à hauteur de 25 % les dommages subis par Jean-Claude X... et ses ayants droit ;
Sur le moyen unique du pourvoi provoqué, qui est préalable :
Attendu que la société Azur assurances fait grief à l'arrêt d'avoir mis hors de cause M. Y..., alors, selon le moyen, qu'est considéré comme impliqué, dans un accident de la circulation, tout véhicule intervenu, à quelque titre que ce soit, dans la survenance de cet accident ; qu'en subordonnant dès lors l'implication du véhicule de M. Y... dans l'accident survenu à M. X..., à un contact entre les véhicules ou à une manoeuvre perturbatrice de ce véhicule, la cour d'appel a violé l'article 1er de la loi du 5 juillet 1985 ;
Mais attendu que l'arrêt retient que l'accident s'est produit au moment où le camion conduit par M. Z... circulait dans sa voie de circulation ; que Jean-Claude X..., qui circulait dans le même sens et dans la même voie, est arrivé à hauteur du camion, se trouvant à ce moment à la droite de celui-ci, ainsi que l'atteste la présence d'un enfoncement d'un garde-boue en tôle du camion ; qu'aucune trace de choc n'a été retrouvée sur la motocyclette ; que continuant de progresser à sa vitesse, la motocyclette est parvenue jusqu'à hauteur de la cabine du camion puis s'est inclinée sur sa gauche, provoquant en fin de course la chute du motocycliste sur la chaussée et son écrasement par les roues arrières du camion ; que les circonstances de la mise en déséquilibre de Jean-Claude X... sont inconnues ; que l'hypothèse des services de police selon laquelle le déport du motocycliste aurait été dû à un léger écart de la voiture de M. Y... qui cherchait sa route, est contredite par les déclarations d'un témoin qui roulait derrière M. Z... selon qui Jean-Claude X... était passé entre les deux files de véhicules où se trouvaient respectivement, sans moindrement dévier de leur direction, d'une part, M. Z..., d'autre part, M. Y... ; que, dans ces conditions, il n'est pas avéré que le véhicule de M. Y..., qui n'est pas entré en contact avec la motocyclette, ait été impliqué dans l'accident en l'absence de toute manoeuvre perturbatrice de sa part ;
Que de ces constatations et énonciations découlant de son appréciation souveraine des éléments de preuve soumis au débat, la cour d'appel a pu déduire que la seule présence du véhicule de M. Y... à proximité de l'endroit de la chute de la motocyclette ne suffisait pas à en établir l'implication, justifiant ainsi légalement sa décision au regard du texte précité ;
Mais sur le premier moyen du pourvoi principal :
Vu l'article 1382 du Code civil ;
Attendu que l'arrêt fixe le montant des préjudices de Mme X... et de ses enfants soumis au recours des tiers payeurs en déduisant de la perte de revenus annuels consécutive au décès du mari la pension de réversion versée par l'Etat à la veuve ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la pension de réversion devait être prise en compte pour déterminer, au vu des revenus revalorisés du ménage, la perte de revenus de Mme X... et de ses enfants, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le second moyen du pourvoi principal :
Vu l'article 32 de la loi du 5 juillet 1985, ensemble l'article 1er de l'ordonnance du 7 janvier 1959 ;
Attendu, selon ces textes, que les employeurs, y compris l'Etat, sont admis à poursuivre directement contre le responsable des dommages ou son assureur le remboursement des charges patronales afférentes aux rémunérations maintenues ou versées à la victime pendant la période d'indisponibilité de celle-ci ;
Attendu que pour évaluer le préjudice de Mme X... soumis à recours du chef de la perte des revenus de Jean-Claude X... pour la période du 4 au 31 juillet 1994, l'arrêt prend en compte le montant des charges patronales afférentes au traitement versé par l'Etat pendant cette période ; qu'en statuant ainsi, alors que le montant de ces charges, non payées par la victime, ne pouvait donner lieu à une action subrogatoire de l'AJT, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a statué sur les préjudices soumis à recours de Mme B..., veuve X..., de Mlle Stéphanie X... et de MM. Anthony et Fabrice X..., l'arrêt rendu le 15 novembre 2002, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Vu l'article 629 du nouveau Code de procédure civile, condamne M. Y... et la société Azur assurances, in solidum, aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes des consorts X..., d'une part, de la société Azur assurances, de deuxième part, de M. Y..., de troisième part ;
condamne les consorts X..., M. Z..., la société Azur assurances et M. Y..., in solidum, à payer à l'agent judiciaire du Trésor la somme de 2 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit juillet deux mille quatre.