AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu leur connexité, joint les pourvois n° D 01-44.558, E 01-44.559, F 01-44.560, H 01-44.561, G 01-44.562, J 01-44.563 et K 01-44.564 ;
Sur le premier moyen commun aux pourvois connexes :
Attendu que, selon les arrêts attaqués (Nancy, 30 mai 2001) MM. X..., Y..., Z..., A..., B..., C... et Mme X... ont été licenciés pour motif économique le 30 mai 2000, après obtention par l'employeur, le 28 février 2000, d'une autorisation administrative de licenciement compte tenu de leur qualité de représentants du personnel ; que les salariés ayant invoqué la nullité de leur licenciement en raison de la nullité alléguée du plan social, la cour d'appel a décidé que le litige relevait de la compétence prud'homale ;
Sur le premier moyen :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen :
1 / qu'il appartient aux juges de restituer leur exacte qualification juridique aux faits et actes litigieux, sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée ; qu'en l'espèce, sous couvert de demande d'annulation du plan social, les salariés ne faisaient en réalité que contester le caractère économique de leur licenciement ; qu'ils exposaient en effet que le plan social devait être annulé dès lors que le seul but recherché par l'entreprise Brown and Sharpe Roch SA était de "fermer le site de Luneville, la direction Suisse de l'entreprise favorisant son pays au détriment de la Grande-Bretagne et de la France (à noter qu'à la date du 17 novembre Brown Sharpe annonce la vente considérable à Hexagon de l'Affaire de Métrologie Mondiale de tout Brown Sharpe, alors que lorsque la question a été posée à Lunéville s'en est toujours défendue" ; qu'en affirmant néanmoins que MM. X..., Y..., Z..., A..., B..., C... et Mme X... pouvaient s'adresser à la juridiction prud'homale dès lors qu'ils ne demandaient que la constatation de la nullité du plan social, sans redonner à cette demande son exacte qualification juridique, la cour d'appel a violé l'article 12, alinéa 2 du nouveau Code de procédure civile ;
2 / que l'inspecteur du travail est seul compétent pour autoriser le licenciement d'un salarié protégé et que toute contestation visant à remettre en cause le licenciement autorisé d'un salarié protégé reléve de la compétence exclusive du juge administratif ; que l'action individuelle d'un salarié protégé dont le licenciement économique a été autorisé et tendant à voir constater la nullité du plan social, en ce qu'elle tend à obtenir l'annulation consécutive de son licenciement ne peut donc être portée que devant le juge administratif ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 511-1 du Code du travail et la loi des 16 et 24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
3 / que lorsque la demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé s'inscrit dans le cadre d'un licenciement économique collectif, l'inspecteur du travail, seul compétent pour délivrer cette autorisation sous le contrôle du juge administratif, apprécie la validité du plan social ; que l'action du salarié protégé tendant à voir constater la nullité du plan social, en ce qu'elle revient à remettre en cause l'appréciation opérée par l'inspecteur du travail et, partant sa décision, ne peut donc être portée que devant le seul juge administratif ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 511-1 du Code du travail et la loi des 16 et 24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
4 / qu'à supposer que le juge judiciaire soit compétent pour connaître de l'action d'un salarié protégé tendant à l'annulation du plan social, il ne saurait connaître de l'action de ce même salarié tendant à l'annulation de son licenciement, laquelle relève de la compétence exclusive du juge administratif exerçant son contrôle sur la décision de l'inspecteur du travail ;
qu'en l'espèce, MM. X..., Y..., Z..., A..., B..., C... et Mme X... sollicitaient l'annulation du plan social, celle de leur licenciement et la résolution de leur contrat de travail ; qu'en affirmant que le juge prud'homal était compétent non seulement pour l'annulation du plan social, mais également pour statuer sur les demandes subséquentes, la cour d'appel a violé l'article L. 511-1 du Code du travail et la loi des 16 et 24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Mais attendu que les salariés dont le licenciement a été autorisé par l'inspecteur du travail peuvent contester la validité du plan social devant la juridiction judiciaire et lui demander d'en tirer les conséquences qui s'évincent de l'article L. 321-4-1 du Code du travail sans que cette contestation, qui ne concerne pas le bien fondé de la décision administrative ayant autorisé le licenciement, porte atteinte au principe de séparation des pouvoirs ;
Et attendu que la cour d'appel qui a exactement qualifié la demande du salarié en ce qu'elle tendait à l'annulation du plan social, a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le deuxième moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission des pourvois ;
REJETTE les pourvois ;
Condamne la société Brown and Sharpe Roch aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux juin deux mille quatre.