AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique du pourvoi principal et du pourvoi incident, qui est identique :
Vu l'article L. 762-2 du Code du travail ;
Attendu qu'aux termes de ce texte n'est pas considérée comme salaire la rémunération due à l'artiste à l'occasion de la vente ou de l'exploitation de l'enregistrement de son interprétation, exécution ou présentation par l'employeur ou tout autre utilisateur dès que la présence physique de l'artiste n'est plus requise pour exploiter ledit enregistrement et que cette rémunération n'est en rien fonction du salaire reçu pour la production de son interprétation, exécution ou présentation, mais au contraire fonction du produit de la vente ou de l'exploitation dudit enregistrement ;
Attendu que la société Bal du Moulin Rouge a fait appel, en 1988, à des musiciens interprètes pour exécuter et enregistrer la partie musicale d'un de ses spectacles ; que la bande ainsi enregistrée devait être utilisée au cours des séances publiques ; qu'elle a conclu le 11 avril 1988 un accord avec la société civile Spedidam aux termes duquel le producteur (la société Bal du Moulin Rouge), en contrepartie de l'autorisation qui lui était consentie de diffuser les enregistrements, s'engageait à verser à la Spedidam, une rémunération qu'elle reversait aux intéressés, calculée à partir des tarifs figurant en annexe, distincte du cachet versé par le producteur aux artistes en rémunération des services afférents à l'enregistrement, en leur présence physique ; que le producteur ayant été mis en redressement judiciaire par jugement du 16 décembre 1997, la Spedidam a déclaré sa créance, à titre de salaires ;
Attendu que pour décider que la créance avait la nature de salaire et devait bénéficier du "superprivilège" institué par l'article L. 143-10 du Code du travail, l'arrêt attaqué retient que la créance déclarée par la Spedidam, au nom des artistes interprètes dont elle défend les droits, n'est pas fondée sur l'accord qu'elle a signé en leur nom, le 11 avril 1988, lequel réglemente seulement l'utilisation des supports sonores de leur prestation, conformément à l'article L. 212-3 du Code de la propriété intellectuelle, mais représente, en contrepartie des autorisations de diffusion données, la rémunération due aux artistes que la Spedidam a pour mission statutaire de recouvrer collectivement et de répartir par la suite et que s'il est vrai qu'aux termes de l'article L. 762-2 du Code du travail, n'est pas considérée comme salaire la rémunération due à l'artiste à l'occasion de l'exploitation de l'enregistrement de son interprétation dès lors que sa présence physique n'est plus requise, il demeure que ladite rémunération est générée par la prestation réalisée dans le cadre du contrat de travail ;
Qu'en statuant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'elle y était tenue, si la rémunération due aux artistes interprètes était fonction du salaire reçu par eux pour la production de leur interprétation, exécution ou présentation ou au contraire fonction du seul produit de l'exploitation de l'enregistrement, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 mars 2002, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne la société Spedidam et Mme X..., ès qualités, aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un juin deux mille quatre.