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16/06/2004 | FRANCE | N°02-20979

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 16 juin 2004, 02-20979


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant tant sur le pourvoi incident relevé par la société Delpierre que sur le pourvoi principal formé par l'administration des Douanes :

Attendu, selon l'arrêt confirmatif déféré (Douai, 30 septembre 2002), que la société Delpierre mer et traditions (société Delpierre) ayant importé des longes de thon par l'intermédiaire de la société de droit costaricien Borda Azul qui s'approvisionnait sur le navire Teguise, l'administration des Dou

anes, après avoir dressé un procès-verbal pour fausse déclaration d'origine concer...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant tant sur le pourvoi incident relevé par la société Delpierre que sur le pourvoi principal formé par l'administration des Douanes :

Attendu, selon l'arrêt confirmatif déféré (Douai, 30 septembre 2002), que la société Delpierre mer et traditions (société Delpierre) ayant importé des longes de thon par l'intermédiaire de la société de droit costaricien Borda Azul qui s'approvisionnait sur le navire Teguise, l'administration des Douanes, après avoir dressé un procès-verbal pour fausse déclaration d'origine concernant une marchandise fortement taxée, a assigné la société Delpierre en paiement de droits ; que la cour d'appel a rejeté la demande ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en ses quatre branches :

Attendu que l'administration des Douanes reproche à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen :

1 / qu'en vertu de la Convention des Nations-Unies sur le droit de la mer en date du 10 décembre 1982, auxquels sont parties cocontractantes le Costa Rica et la Communauté européenne (article 92) le rattachement d'un navire à un Etat doit avoir un caractère substantiel (dans le texte anglais "genuine"), de sorte qu'un navire ayant un double rattachement national est assimilé vis-à-vis de tout Etat tiers à un navire sans nationalité, ("without nationality") ; que, selon l'article 58 de la Convention des Nations-Unies, "2", les articles 88 à 115, ainsi que les autres règles du droit international, s'appliquent à la zone économique exclusive dans la mesure où ils ne sont pas incompatibles avec la présente partie ; qu'en déclarant que l'article de la Convention relatif à l'obligation pour le navire d'avoir une seule nationalité était "inopérant" sauf en "haute mer", et en statuant par voie de référence à la seule loi nationale du Costa Rica contraire à ladite Convention, la cour d'appel a violé par refus d'application les dispositions susvisées de la Convention des Nations-Unies, l'article 228 (devenu 300.7) de la CEE ainsi que les articles 67 et 68 du Code des douanes communautaires ;

2 / que le droit de battre un pavillon ne saurait être confondu avec le fait de hisser un pavillon de convenance ; qu'un tel droit est incompatible avec le rattachement du navire à deux Etats, le cumul de nationalités étant assimilé par la convention à l'absence de nationalité ;

d'où il suit qu'en déclarant que le navire Teguise battait régulièrement le pavillon costaricien tandis qu'il était immatriculé au Vanuatu, la cour d'appel a violé par refus d'application les articles 58 et 92 de la Convention ainsi que les articles 67 et 68 du Code des douanes communautaire ;

3 / qu'en déclarant que l'usage du pavillon du Costa Rica avait été autorisé par la loi nationale de cet Etat tout en constatant que pendant la même période le navire Teguise était immatriculé au Vanuatu, la cour d'appel a fait prévaloir la loi d'un Etat signataire de la Convention des Nations-Unies sur la Convention elle-même, et, par suite, entaché son arrêt d'une violation de la Convention supraétatique ainsi que les articles 67 et 68 du Code des douanes communautaire ;

4 / que, par une décision du 4 mars 1998, la Commission européenne a déclaré que le régime préférentiel communautaire était exclusif des produits pêchés par un navire ayant un double rattachement national, que tel était précisément le cas du navire Teguise tout à la fois immatriculé au Costa Rica et au Vanuatu ; que cette décision relative à l'application d'un accord international passé par la Communauté et au refus d'octroi du régime préférentiel communautaire lie les Etats membres et, par conséquent, le juge national ; qu'en décidant, à l'encontre du droit communautaire, que le régime préférentiel était applicable à l'espèce, la cour d'appel a violé par refus d'application l'article 133 de la Communauté européenne ainsi que le principe de primauté du Droit communautaire ;

Mais attendu qu'ayant retenu, par motifs propres et adoptés, d'un côté, que le navire Teguise était immatriculé au Costa Rica et qu'il en battait pavillon entre le 27 février 1995 et le 26 août 1996 conformément à la législation de cet Etat, et d'un autre, qu'il importe peu qu'il soit resté dans le même temps immatriculé au Vanuatu dès lors qu'il n'est pas justifié qu'il ait navigué sous le pavillon de cet Etat, l'arrêt, abtraction faite du motif erroné mais surabondant tiré de l'inapplicabilité de l'article 92 de la Convention des Nations-Unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982, est justifié ; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

Sur le second moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que l'administration des Douanes fait encore le même reproche à l'arrêt, alors, selon le moyen :

1 / que, dans ses conclusions d'appel, l'administration des Douanes avait rappelé que la définition communautaire des eaux territoriales repose sur une norme internationale, à savoir l'article 3 de la Convention des Nations-Unies du 10 décembre 1982 qui dispose que la limite des eaux territoriales ne saurait dépasser 12 milles ; qu'il n'appartenait pas à l'Etat du Costa Rica d'étendre unilatéralement les eaux territoriales jusqu'à 200 milles ; que la définition communautaire des eaux territoriales qui se fonde sur une norme internationale s'impose face à une définition purement nationale et est revêtue d'une valeur supérieure ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen pertinent tout en constatant que les longes de thon litigieux avaient été pêchées dans un rayon de 200 milles, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

2 / que l'arrêt attaqué constate que les exportations litigieuses provenaient de pêches effectuées dans la zone exclusive économique couvrant une bande de 200 milles marins ; qu'un tel fait suffisait à écarter l'applicabilité du régime préférentiel ; qu'en admettant cependant que les produits litigieux pouvaient prétendre au bénéfice de ce régime, la cour d'appel a refusé de tirer les conséquences qui s'imposaient et a violé l'article 68 du Code des douanes communautaire et l'article 3 de la Convention des Nations-Unies sur le droit de la mer régissant les rapports entre le Costa Rica et la Communauté des Etats membres ;

Mais attendu qu'ayant constaté que les prises avaient été effectuées par un navire costaricien, la cour d'appel a décidé, à bon droit, par application de l'article 68-f du Code des douanes communautaire, que l'importateur bénéficiait du tarif préférentiel, peu important que les prises n'aient pas été effectuées dans les eaux territoriales du Costa Rica ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le pourvoi incident :

Attendu que la société Delpierre demande la cassation de l'arrêt en ce qu'il a confirmé le jugement ayant écarté l'exception tirée de la nullité devant la commission de conciliation et d'expertise douanière et en ce qu'il a confirmé le jugement rejetant la fin de non-recevoir soulevée par la société Delpierre et tirée de l'extinction de l'action de l'Administration pour renonciation à l'exercice des poursuites pour le cas où il viendrait à être annulé sur le pourvoi formé par l'administration des Douanes ;

Mais attendu que, par suite du rejet du pourvoi de l'administration des Douanes, le pourvoi éventuel de la société Delpierre est devenu sans objet ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le pourvoi incident :

REJETTE le pourvoi principal ;

Condamne le directeur général des Douanes et droits indirects aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande du directeur général des Douanes et droits indirects et le condamne à payer à la société Delpierre mer et traditions la somme de 1 800 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du seize juin deux mille quatre.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 02-20979
Date de la décision : 16/06/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

DROIT MARITIME - Navire - Nationalité - Double rattachement - Validité - Condition.

Un navire peut régulièrement battre pavillon d'un Etat et être immatriculé dans un autre dès lors qu'il est établi qu'il ne navigue pas aussi sous le pavillon de ce dernier Etat.


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 30 septembre 2002


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 16 jui. 2004, pourvoi n°02-20979, Bull. civ. 2004 IV N° 124 p. 127
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2004 IV N° 124 p. 127

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Tricot.
Avocat général : Avocat général : M. Viricelle.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. de Monteynard.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Boré, Xavier et Boré, la SCP Waquet, Farge et Hazan.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:02.20979
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