La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/06/2004 | FRANCE | N°03-10819

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 03 juin 2004, 03-10819


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Met hors de cause sur sa demande M. X..., ès qualités d'administrateur de la société Transports Jansou ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Y..., transporteur, ayant immobilisé sa fourgonnette, moteur arrêté et marche arrière engagée, devant un bureau de poste pour y prendre livraison de colis et de courrier, a été grièvement blessé par suite d'un brusque recul de ce véhicule provoqué par M. Z..., salarié de la SARL Jansou, qui, occupé à une tâche id

entique pour le compte de son employeur, s'y est introduit et a mis le moteur en marche...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Met hors de cause sur sa demande M. X..., ès qualités d'administrateur de la société Transports Jansou ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Y..., transporteur, ayant immobilisé sa fourgonnette, moteur arrêté et marche arrière engagée, devant un bureau de poste pour y prendre livraison de colis et de courrier, a été grièvement blessé par suite d'un brusque recul de ce véhicule provoqué par M. Z..., salarié de la SARL Jansou, qui, occupé à une tâche identique pour le compte de son employeur, s'y est introduit et a mis le moteur en marche ; que M. Y..., amputé d'une jambe, a assigné en réparation la société Les Mutuelles du Mans assurances (les MMA), assureur du véhicule impliqué, le groupement d'intérêt économique Meiava (GIE Meiava), son propre assureur personnel, et M. Z... ; qu'ont été appelés en cause la société Jansou et son assureur Groupama d'Oc (Groupama), ainsi que la société Assurances générales de France (AGF), assureur personnel obligatoire de M. Y... ; que sont intervenus volontairement à l'instance Mme A..., ès qualités de mandataire liquidateur de M. Y... placé en liquidation judiciaire, et Mme B..., épouse Y..., tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal de ses deux enfants mineurs, puis, en cause d'appel, MM. C... et X..., ès qualités de représentant des créanciers et d'administrateur de la société Jansou placée en redressement judiciaire ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident et la première branche du quatrième moyen du pourvoi principal et du pourvoi provoqué, réunis, qui sont préalables, tels que reproduits en annexe :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le moyen, qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal et le premier moyen du pourvoi provoqué, réunis :

Attendu que Groupama, la société Jansou et M. C..., ès qualités, font grief à l'arrêt d'avoir rejeté la fin de non-recevoir invoquée contre l'action récursoire des MMA dirigée contre eux, alors, selon le moyen :

1 / que l'assureur est subrogé dans les droits que possède le créancier contre la personne responsable de l'accident lorsque la garde ou la conduite du véhicule a été obtenue contre le gré du propriétaire ;

que la cour d'appel, qui, pour écarter le moyen tiré de l'irrecevabilité de l'action de l'assureur d'un véhicule impliqué dans l'accident dont avait été victime son propriétaire, assuré, contre le commettant du conducteur, a retenu que ce dernier avait pénétré dans la cabine du véhicule de M. Y... et a mis le moteur en route à l'insu du propriétaire ; qu'en se fondant sur ces motifs, dont il ne résulte pas que M. Z... aurait agi contre le gré de M. Y..., la cour d'appel a violé l'article L. 211-1 du Code des assurances ;

2 / que l'arrêt, en reconnaissant le bénéfice de la subrogation dans les droits du créancier aux Mutuelles du Mans, sans avoir relevé que l'auteur du dommage avait agi contre le gré de la victime, ce qui ne pouvait s'induire du fait que la prise de contrôle du véhicule avait eu lieu à l'insu de ce dernier, a violé l'article L. 211-1 du Code des assurances ;

Mais attendu que l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés qu'il résulte des faits que M. Z... s'est introduit dans le véhicule non seulement sans l'accord de la victime mais aussi sans que celle-ci s'en rende compte ; qu'il a ainsi pénétré dans la cabine du véhicule et a mis le moteur en route à l'insu du propriétaire ;

Que de ces constatations et énonciations, découlant de son appréciation souveraine des éléments de preuve soumis au débat, d'où il résultait que la garde et la conduite du véhicule de M. Y... avaient été obtenues par M. Z... contre le gré du propriétaire, la cour d'appel a exactement déduit que l'action récursoire des MMA, assureur de ce véhicule, dirigée contre le commettant du conducteur responsable et son assureur, était recevable au regard des dispositions du texte précité ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le deuxième moyen du pourvoi principal et le deuxième moyen du pourvoi provoqué, réunis :

Vu l'article 1384, alinéa 5, du Code civil ;

Attendu qu'il résulte de ce texte que le commettant, responsable du dommage causé par son préposé dans les fonctions auxquelles il l'a employé, s'exonère de sa responsabilité lorsque son préposé a agi hors des fonctions auxquelles il était employé, sans autorisation et à des fins étrangères à ses attributions ;

Attendu que pour déclarer la société Jansou civilement responsable, en tant que commettant, du dommage causé par son préposé M. Z..., condamner cette société à garantir les MMA de toutes les condamnations prononcées au profit de M. Y... et de ses ayants droit, et condamner Groupama à garantir intégralement son assurée la société Jansou, l'arrêt énonce par motifs propres et adoptés que les trois conditions doivent être cumulées pour que l'exonération du commettant puisse être retenue et qu'en l'espèce , l'une d'elles faisait défaut, puisque l'acte fautif reproché à M. Z... avait été accompli dans l'exécution de sa prestation de salarié de la société Jansou ; qu'il ressort de l'examen des faits qu'à l'évidence M. Z... a agi sans autorisation de son employeur et que son action, en entrant dans le véhicule de la victime et en le démarrant, avait une finalité personnelle et un intérêt propre au seul salarié, en l'espèce satisfaire sa curiosité ; que néanmoins, l'acte fautif a été réalisé dans l'exercice des fonctions et dans l'exécution de sa prestation de salarié ; qu'en effet, il y a lieu de rappeler que sa présence sur les lieux n'était due qu'à l'accomplissement de sa mission professionnelle commandée par l'employeur qu'il avait l'usage, pour l'accomplissement de cette mission, d'un véhicule appartenant à son employeur, et que sa rencontre avec M. Y... n'est due, au moment des faits, qu'à la nécessité pour lui d'accomplir son travail salarié pour le compte de son employeur ; que les faits reprochés ont été ainsi commis à l'occasion de l'exécution du contrat de travail et de la mission confiée par l'employeur au salarié ; qu'il convient par ailleurs de souligner que la victime n'avait pas connaissance de l'abus de fonction du préposé ; qu'en effet, il résulte des faits que M. Z... s'est introduit dans le véhicule, non seulement sans l'accord de la victime, comme le soulignent d'ailleurs la société Jansou et Groupama, mais aussi sans qu'elle s'en rende compte ; qu'enfin la société Jansou n'avait aucun lien contractuel, aucune obligation vis-à-vis de la victime, en sorte que le préposé n'a pu agir en contradiction avec la mission qui lui aurait été spécialement

confiée par son commettant ; que l'acte a donc été commis à l'occasion de l'exécution des fonctions confiées au salarié par le commettant ;

Qu'en statuant ainsi, tout en constatant que M. Z... s'était introduit par curiosité dans la fourgonnette appartenant à M. Y... à l'insu de ce dernier et qu'il avait causé le dommage en faisant volontairement démarrer ce véhicule, ce dont il résultait que ce préposé était devenu, par l'effet d'une initiative personnelle sans rapport avec sa mission, gardien et conducteur occasionnel du véhicule d'un tiers au moyen duquel il avait commis l'acte dommageable, et qu'il avait ainsi agi en dehors de ses fonctions, sans autorisation et à des fins étrangères à ses attributions, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs des pourvois principal et provoqué :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a retenu la responsabilité civile de la société Transports Jansou en tant que commettant, l'arrêt rendu le 10 décembre 2002, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Agen ;

Condamne Mme A..., ès qualités, Mme Y..., Les Mutuelles du Mans assurances, la compagnie d'assurances PW assurances services limited Bristol GIE Meiava et les Assurances générales de France aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les deux demandes de M. Y... et de Mme A..., ès qualités, d'une part, les demandes de M. Z... de deuxième part, des Mutuelles du Mans assurances en tant que dirigé contre Groupama d'Oc de troisième part, des Mutuelles du Mans assurances en tant que dirigé contre la société Transports Jansou, MM. X... et C..., ès qualités de quatrième part ; condamne les Mutuelles du Mans assurances à payer à Groupama d'Oc, à la société Transports Jansou, à MM. X... et C..., ès qualités, la somme globale de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du Procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois juin deux mille quatre.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 03-10819
Date de la décision : 03/06/2004
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Analyses

RESPONSABILITE DELICTUELLE OU QUASI DELICTUELLE - Commettant-préposé - Lien entre la faute du préposé et ses fonctions - Abus de fonctions - Acte indépendant du rapport de préposition - Applications diverses - Utilisation du véhicule d'un tiers contre le gré et à l'insu de celui-ci.

Viole l'article 1384, alinéa 5, du Code civil la cour d'apppel qui, pour déclarer un commettant civilement responsable du dommage causé par son préposé qui, s'étant introduit dans un véhicule immobilisé qu'il a mis en marche, a blessé le propriétaire de celui-ci en reculant, retient que cet acte fautif a été accompli par le préposé dans l'exécution de sa prestation de salarié, alors qu'elle constate que ce préposé s'était introduit par curiosité dans le véhicule de la victime contre le gré et à l'insu de celle-ci et avait causé le dommage en le faisant démarrer volontairement, ce dont il résultait qu'il était alors devenu, par l'effet d'une initiative sans rapport avec sa mission, gardien occasionnel de ce véhicule et qu'il avait ainsi agi en dehors de ses fonctions sans autorisation et à des fins étrangères à ses attributions.


Références :

Code civil 1384 al. 5

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, 10 décembre 2002

Sur l'appréciation de l'abus de fonctions en cas d'utilisation par le salarié d'un véhicule, à rapprocher : Chambre civile 2, 1991-07-03, Bulletin, II, n° 209, p. 111 (rejet)

arrêt cité


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 03 jui. 2004, pourvoi n°03-10819, Bull. civ. 2004 II N° 275 p. 233
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2004 II N° 275 p. 233

Composition du Tribunal
Président : M. Ancel.
Avocat général : M. Kessous.
Rapporteur ?: M. Bizot.
Avocat(s) : la SCP Vincent et Ohl, la SCP Boré, Xavier et Boré, la SCP Vuitton, la SCP Parmentier et Didier, la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:03.10819
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award