AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 17-2 de la Convention de Genève du 19 mai 1956, relative au contrat de transport international de marchandise par route, dite CMR ;
Attendu que le transporteur est déchargé de la responsabilité pour la perte qui se produit entre le moment de la prise en charge de la marchandise et celui de la livraison si la perte a eu pour cause des circonstances que le transporteur ne pouvait pas éviter et aux conséquences desquelles il ne pouvait pas obvier ;
Attendu, selon l'arrêt déféré, qu'une cargaison de chaussures qui avait été prise en charge par la société Transports Nicolas Brioude (le transporteur) dans le Sud de l'Italie, a été volée lors de l'attaque à main armée du camion la transportant sur une aire de stationnement non gardée d'autoroute où le chauffeur comptait passer la nuit ; qu'après avoir indemnisé la société Carrefour, ayant droit des marchandises, les sociétés Royal et Sun alliance, aux droits de laquelle se trouve la société Helvetia, et le Continent (les assureurs) ont assigné le transporteur ainsi que son assureur, en remboursement des sommes payées ;
Attendu que pour décharger le transporteur de sa responsabilité, l'arrêt, après avoir retenu qu'il incombait au chauffeur, qui ne pouvait ignorer les risques de vol encourus par les transporteurs en Italie et qui connaissait la nature et la valeur de la marchandise transportée, de prendre toute précaution pour la surveiller et à son employeur de lui donner les directives nécessaires à cet effet et retenu que la prudence imposait au chauffeur d'entamer son transport dès le chargement effectué, relève que les aires de stationnement gardées étant soit beaucoup trop près, soit beaucoup trop loin, il ne pouvait être reproché ni au chauffeur de ne s'y être pas arrêté, ni à l'employeur dans ses directives, de n'avoir pas sacrifié la majeure partie d'une journée de travail en permettant un arrêt aux aires gardées de Bari ou de Naples ;
Attendu qu'en se prononçant par de tels motifs, desquels il résulte que le chauffeur pouvait s'arrêter sur les aires gardées de Bari ou de Naples en respectant les règles de conduite sauf seulement à perturber le fonctionnement de l'entreprise, cette circonstance étant impropre à elle seule à rendre l'événement inévitable, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 septembre 2002, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne la société Transports Nicolas Brioude et la compagnie Le Continent Assurances aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du deux juin deux mille quatre.