AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu qu'après échec des négociations d'un protocole préélectoral, la société Renault a organisé les élections des délégués du personnel et des membres du comité d'établissement Grand Couronne, qui se sont déroulées le 21 janvier 2003 ; que les syndicats CGT et Sud Renault, qui avaient saisi le tribunal d'instance préalablement aux élections, ont, postérieurement à celles-ci, sollicité leur annulation ;
Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
Attendu que les organisations syndicales font grief au jugement attaqué d'avoir dit que les salariés intérimaires ne devaient pas être pris en compte dans les effectifs de la société Renault Grand Couronne, alors, selon le moyen, qu'un employeur ne peut légalement avoir recours à l'intérim pour pallier la réduction définitive du temps de travail des salariés (passé de 39 heures à 35 heures) en sorte que les intérimaires recrutés pour remplacer les salariés en congé au titre de la réduction du temps de travail doivent être décomptés dans l'effectif ; qu'en statuant autrement, le tribunal d'instance a violé les articles L. 421-2 et L. 431-2 du Code du travail et à tout le moins, en ne recherchant pas à quel titre ces intérimaires remplaçaient des salariés absents pour réduction du temps de travail, le tribunal d'instance n'a pas légalement justifié sa décision au regard desdites dispositions ;
Mais attendu que le tribunal d'instance, saisi d'un litige relatif à la détermination des effectifs, n'avait pas à se prononcer sur la régularité des contrats de travail des travailleurs intérimaires ; que le jugement, qui s'est borné à faire application des dispositions des articles L. 421-2 et L. 431-2 du Code du travail, n'encourt pas les griefs du moyen ;
Que le moyen n'est pas fondé ;
Mais, sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles L. 421-2 et L. 431-2 du Code du travail ;
Attendu que les salariés mis à disposition, au sens des articles précités, pris en compte au prorata de leur temps de présence pour le calcul de l'effectif de l'entreprise pour les élections professionnelles, sont ceux qui participent aux activités nécessaires au fonctionnement de l'entreprise utilisatrice ; qu'il en résulte que cette participation n'est pas restreinte au seul métier de l'entreprise ou à la seule activité principale de celle-ci ;
Attendu que pour valider le décompte de la société Renault au titre des salariés mis à disposition par les sociétés prestataires de services, le tribunal d'instance énonce que seuls les salariés des sociétés des métiers de l'automobile et de maintenance industrielle et informatique qui participent directement au processus de production doivent être pris en compte dans l'effectif ;
Qu'en statuant ainsi, le tribunal d'instance a ajouté une condition à la loi et ainsi violé les textes susvisés ;
Et sur le moyen unique pris en sa troisième branche :
Vu les articles L. 132-4 et L. 433-4 du Code du travail ;
Attendu que pour refuser de prendre en compte dans les effectifs de la société Renault Grand Couronne les salariés bénéficiaires du dispositif de cessation d'activité des salariés âgés (dit CASA), le tribunal d'instance retient que les travailleurs en cessation d'activité ayant adhéré à ce dispositif, qui conditionne leur prise en compte dans l'effectif à une adhésion entre 55 et 57 ans et à une absence de dispense définitive d'activité, ne peuvent être pris en compte dans les effectifs de représentation du personnel, quand bien même ils bénéficient d'une garantie de ressources versées par une caisse subventionnée en partie par la société Renault ;
Qu'en statuant ainsi, alors que les travailleurs, bien que dispensés de toute activité qui continuent à percevoir une garantie de ressources financée par l'entreprise, entrent dans le calcul des effectifs de cette entreprise, de sorte que les dispositions contraires, moins favorables, contenues au dispositif conventionnel CASA, ne pouvaient leur être opposées, le tribunal d'instance a violé les textes susvisés ;
Et attendu que, conformément à l'article 627, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile, la cassation doit être prononcée partiellement sans renvoi, dès lors que la Cour est en mesure de mettre fin au litige du chef de la prise en compte dans les effectifs des salariés mis à disposition et des salariés dispensés d'activité continuant à percevoir une garantie de ressources financée par l'entreprise ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses dispositions relatives à la prise en compte dans les effectifs de la société Renault Grand Couronne des salariés d'entreprises prestataires mis à disposition et des salariés dispensés d'activité ayant adhéré au dispositif CASA, le jugement rendu le 10 février 2003, entre les parties, par le tribunal d'instance de Rouen ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi du chef de la prise en compte dans les effectifs de ces salariés ;
Dit que tous les salariés mis à disposition entrent dans le décompte de l'effectif de l'entreprise utilisatrice au prorata de leur temps de présence dès lors qu'ils participent aux activités nécessaires au fonctionnement de l'entreprise utilisatrice ;
Dit que tous les salariés dispensés d'activité qui continuent à percevoir une garantie de ressources financée par l'entreprise entrent dans le calcul des effectifs de cette entreprise ;
Renvoie la cause et les parties devant le tribunal d'instance du Havre, mais uniquement pour qu'il statue sur les points restant en litige ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Renault Grand Couronne à payer au syndicat CGT Renault Grand Couronne et au syndicat Sud Renault Grand Couronne la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six mai deux mille quatre.