AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Vu les articles 900-1 et 1166 du Code civil ;
Attendu qu'aux termes du second de ces textes, le donataire peut être autorisé à disposer d'un bien donné avec clause d'inaliénabilité, si l'intérêt qui avait justifié la clause a disparu ou s'il advient qu'un intérêt plus important l'exige ; qu'aux termes du premier d'entre eux, les créanciers peuvent exercer tous les droits et actions de leur débiteur, à l'exception de ceux qui sont exclusivement attachés à la personne ;
Attendu que les époux X... ont, par acte du 17 janvier 1983, fait donation à leur fille, Martine, épouse Y..., d'un terrain sur lequel a été édifié une maison d'habitation ; que cette donation était consentie avec droit de retour, interdiction d'aliéner et d'apporter en garantie ; que les époux Y..., aujourd'hui divorcés, avaient consenti sur l'immeuble en son entier une hypothèque conventionnelle au bénéfice de la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Paris et d'Ile-de-France (la banque) en garantie du prêt qu'elle leur avait accordé par acte notarié des 13 et 18 juillet 1990 ; que la cour d'appel, pour permettre à la banque la mise en oeuvre par voie oblique de sa garantie hypothécaire malgré la clause d'inaliénabilité, a retenu que la restriction des droits de son débiteur ne s'appliquait qu'aux droits exclusivement attachés à la personne, catégorie dont ne relève pas le droit ouvert au donataire par l'article 900-1 du Code civil de solliciter la levée d'une interdiction d'aliéner un bien en considération des intérêts en présence du donateur et du donataire ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'action de la donataire était subordonnée à des considérations personnelles d'ordre moral et familial inhérentes à la donation, cette action était exclusivement attachée à sa personne, de sorte qu'elle ne pouvait être exercée par la banque créancière, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 novembre 2001, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Vu l'article 627, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi ;
Statuant de nouveau ;
Déclare irrecevables les demandes de la CRCAM de Paris et d'Ile-de-France ;
Met tous les dépens de première instance et d'appel à la charge de celle-ci ;
La condamne également aux dépens de la présente instance ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. Z... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mai deux mille quatre.