AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu leur connexité, joint les pourvois n° K 02-19.866 et M 02-19.867 ;
Sur le moyen unique :
Attendu qu'un accord d'entreprise sur la réduction à trente cinq heures de la durée du travail a mis en oeuvre au sein de la société Drouin-Cattoni, entreprise de bâtiment et de travaux publics, la modulation et la réduction de la durée annuelle du travail, avec "lissage" de la rémunération sur l'année ; que cet accord contient une disposition selon laquelle, si l'acquisition du droit à congés payés reste de deux jours et demi par mois de travail effectif, la prise de congés sera désormais décomptée en heures, par journées complètes, la durée annuelle étant de cinq semaines multipliées par trente cinq heures, soit cent soixante quinze heures par an, un jour de congé représentant six heures en période hivernale et huit heures en période estivale, une telle mesure étant destinée à favoriser la prise de congés pendant la période de faible activité de l'entreprise ; que, se heurtant à la résistance de la caisse de congés payés du bâtiment qui refusait d'admettre un décompte horaire des congés payés, la société Drouin Cattoni, a saisi le tribunal de grande instance pour voir condamner cet organisme, sous astreinte, à calculer et indemniser les congés payés en heures et non pas en jours ;
Attendu que la société Drouin Cattoni fait grief à l'arrêt attaqué (Rennes, 14 février 2002) d'avoir rejeté sa demande alors, selon le moyen :
1 / que, par l'article L. 223-16 du Code du travail et les articles D. 732-1 et suivants du même Code, pris pour son application, la loi donne mandat à la Caisse de congés payés du bâtiment et des travaux publics, de "servir" les congés payés aux salariés des entreprises tenues d'y adhérer et d'y cotiser aux lieu et place de celles-ci ; que "le service" de congés payés que la Caisse doit fournir implique pour celle-ci l'obligation de respecter les modalités légales de décompte et de paiement qu'appliquerait l'employeur s'il versait lui-même l'indemnité ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les textes précités ;
2 / qu'en vertu de l'article L. 223-11, alinéa 3, du Code du travail, auquel ne déroge pas l'article L. 223-16 du même Code, l'indemnité de congés payés versée au salarié ne peut être inférieure au montant de la rémunération qu'il aurait perçue s'il avait continué à travailler ; que l'inadaptation de la méthode d'indemnisation de la Caisse de congés payés, à l'aménagement du temps de travail instauré au sein de l'entreprise adhérente, a pour résultat qu'un salarié prenant ses congés en été perçoit une indemnité journalière inférieure à -7 heures- au salaire qui lui est légalement dû à raison des horaires pratiqués pour cette période -8 heures- ; qu'en refusant de contraindre la Caisse de congés payés à adapter ses méthodes, la cour d'appel a violé les articles L. 223-11, D. 732-6 et D. 732-7 du Code du travail ;
3 / qu'en toute hypothèse, à supposer que les articles D. 732-6 et D. 732-7 du Code du travail fussent devenus incompatibles avec le nouvel article L. 212-8 du même Code, édicté postérieurement, la Cour de Cassation devrait renvoyer à la juridiction administrative la question préjudicielle de l'éventuelle perte de fondement légal de ces textes ;
4 / que, par sa fonction normative, l'accord collectif, expression du droit des salariés à la négociation collective, a une portée erga omnes ; qu'à l'égard de la Caisse de congés payés, l'accord collectif passé au sein d'une entreprise adhérente, qui représente l'intérêt collectif des salariés auxquels elle sert les congés payés, n'a pas l'effet relatif des contrats ; qu'en énonçant le contraire, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 1165 du Code civil ;
Mais attendu que les Caisses de congés payés du bâtiment et des travaux publics sont tenues de calculer les indemnités de congés conformément aux dispositions combinées des articles L. 223-11 et D. 732-7 du Code du travail et 5-24 de la Convention collective nationale des ouvriers employés par les entreprises du bâtiment du 8 octobre 1990 ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Condamne la société Drouin Cattoni aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mai deux mille quatre.