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18/05/2004 | FRANCE | N°03-83616

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 18 mai 2004, 03-83616


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix-huit mai deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire BEAUDONNET, les observations de la société civile professionnelle NICOLAY et de LANOUVELLE, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général CHEMITHE ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- L'ASSOCIATION DE PATRONAGE DE L'INSTITUT REGIONAL DES JEUNES SOURDS ET JEUNES AVEUGLES DE MARSEILLE, civilement responsabl

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contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, chambre spéciale des mi...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix-huit mai deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire BEAUDONNET, les observations de la société civile professionnelle NICOLAY et de LANOUVELLE, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général CHEMITHE ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- L'ASSOCIATION DE PATRONAGE DE L'INSTITUT REGIONAL DES JEUNES SOURDS ET JEUNES AVEUGLES DE MARSEILLE, civilement responsable,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, chambre spéciale des mineurs, en date du 26 avril 2002, qui, dans la procédure suivie contre Grégory X... du chef de violences aggravées et contre Stéphanie Y... du chef d'extorsion de fonds, a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 1382, 1384, alinéa 1er, du Code civil, 2, 3, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré l'Institut Les Hirondelles civilement responsable des mineurs, Grégory X... et Stéphanie Y..., et l'a condamné in solidum avec ceux-ci à réparer le préjudice subi par la jeune Sofia Z... ;

"aux motifs qu'il est constant que toute personne physique ou morale ayant accepté la charge ou ayant reçu mandat d'organiser et de contrôler à titre régulier le mode de vie d'un mineur handicapé est responsable des dommages qu'il cause à cette occasion y compris à l'égard des autres mineurs également pris en charge, au sens de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil ; que le premier juge a exactement retenu que les mineurs, prévenus et victime, au moment des faits étaient scolarisés à l'Institut Les Hirondelles géré par l'Association de Patronage de l'Institut Régional ; que cette scolarisation ne peut être assimilée à une scolarisation classique, s'agissant de mineurs handicapés pris en charge par l'Institut afin de leur permettre de "surmonter leurs troubles de la communication, pour leur formation scolaire ou professionnelle et l'accès à l'autonomie sociale" ; qu'il résulte des pièces de la procédure que les mineurs pris en charge vivent à l'institut sous le régime du semi-internat comme Grégory X... ou la jeune victime ou sous le régime de l'internat comme Stéphanie Y... ; que, pendant le temps d'internat ou de semi-internat, les mineurs échappant au contrôle de leurs parents qui ne peuvent être tenus pour civilement responsables de leur enfant, c'est bien l'Institut, auquel a été confiée la garde de l'enfant handicapé avec le pouvoir d'organiser, de diriger et de contrôler son mode de vie de façon continue, qui doit être déclaré civilement responsable de l'enfant, responsabilité que l'association, par son directeur, reconnaissait devoir assumer (audition de Gérard A... par le juge des enfants le 5 juillet 2000) ; que le pouvoir d'organisation de l'Institut résulte notamment du fait qu'il a passé directement avec le GIHP 13, groupement chargé du transport des enfants handicapés pris en charge par l'Institut Les Hirondelles, une convention lui confiant la surveillance des enfants et les responsabilités y afférentes et, ce, hors toute intervention des parents, les actes d'indiscipline des enfants devant être signalés par le GIHP 13 à l'Institut, dit l'organisateur exerçant son contrôle pour assurer la bonne exécution du service ; que l'Association de Patronage de l'Institut Régional des Jeunes Sourds et Jeunes Aveugles de Marseille ne peut prétendre substituer à sa responsabilité à l'égard des mineurs qui lui ont été confiés, la responsabilité du GIHP 13, pendant le transport alors que ledit transport est organisé sous son seul contrôle et, comme il a été dit ci-dessus, dans le cadre d'une convention dont elle a eu la seule initiative ; que le répondant étant responsable de plein droit des dommages causés par la personne dont il doit répondre, il ne peut s'exonérer de sa responsabilité en prouvant qu'il n'a pas commis de faute, et dès lors le moyen tiré de ce qu'aucune faute ne serait articulée ou établie à l'encontre de l'Institut Les Hirondelles est inopérant, étant rappelé que les dispositions pénales du jugement ont acquis l'autorité de la chose jugée tant en ce qui concerne les faits de violences reprochés à Grégory X... qu'en ce qui concerne les faits d'extorsion de fonds reprochés à Stéphanie Y... ;

que le jugement sera confirmé en ce qu'il a déclaré l'Institut Les Hirondelles civilement responsable des mineurs Grégory X... et Stéphanie Y... et qu'il l'a condamné in solidum avec ceux-ci à réparer le préjudice subi par la jeune Sofia Z... ;

"1 ) alors que lorsqu'un enfant, qui ne présente aucune dangerosité et pour lequel l'autorité parentale est assumée par ses parents, est confié à un établissement éducatif qui n'a pas la charge d'organiser et de contrôler son mode de vie à titre permanent, cet établissement n'est pas soumis à la responsabilité de plein droit de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil ; qu'en l'espèce, où il est constant que les parents des deux mineurs étaient titulaires de l'autorité parentale, la Cour n'a pu retenir la responsabilité de plein droit de l'Institut Les Hirondelles sans constater, ce qui était contesté, que les mineurs concernés auraient présenté une quelconque dangerosité ; qu'en statuant ainsi la Cour a privé son arrêt de base légale au regard de ce texte ;

"2 ) alors que lorsqu'un enfant, qui ne présente aucune dangerosité et pour lequel l'autorité parentale est assumée par ses parents, est confié à un établissement éducatif qui n'a pas la charge d'organiser et de contrôler son mode de vie à titre permanent, cet établissement n'est pas soumis à la responsabilité de plein droit de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil ; qu'en l'espèce, où il est constant que les parents des deux mineurs étaient titulaires de l'autorité parentale, la Cour n'a pu retenir la responsabilité de plein droit de l'Institut Les Hirondelles sans constater, ce qui était contesté, que l'établissement aurait eu la charge d'organiser et de contrôler leur mode de vie à titre permanent ; qu'en statuant ainsi la Cour a privé son arrêt de base légale au regard de ce texte" ;

Vu l'article 1384 du Code civil ;

Attendu qu'aux termes de l'alinéa 4 de ce texte, les père et mère, en tant qu'ils exercent l'autorité parentale, sont solidairement responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux ;

Attendu que, pour déclarer l'association de patronage de l'Institut régional des jeunes sourds et jeunes aveugles de Marseille civilement responsable des agissements délictueux des deux mineurs, Grégory X... et Stéphanie Y..., confiés à l'association par leurs parents, l'arrêt attaqué retient que les mineurs, handicapés, y sont scolarisés en régime d'internat ou de semi-internat, ne pouvant être assimilé à un mode de scolarisation classique ; que les juges en déduisent que la garde des mineurs a été confiée à l'institut avec pouvoir d'organiser, diriger et contrôler leur mode de vie de façon continue ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que la circonstance que les mineurs avaient été confiés, par leurs parents, qui exerçaient l'autorité parentale, à une association gérant un établissement scolaire spécialisé, n'avait pas fait cesser la cohabitation des enfants avec ceux-ci, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs,

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt précité de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 26 avril 2002, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Lyon, chambre spéciale des mineurs, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Aix-en-provence et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, Mme Beaudonnet conseiller rapporteur, MM. Farge, Blondet, Palisse, Le Corroller, Castagnède conseillers de la chambre, Mme Gailly, M. Chaumont conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Chemithe ;

Greffier de chambre : Mme Daudé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 03-83616
Date de la décision : 18/05/2004
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

RESPONSABILITE CIVILE - Père et mère - Présomption de responsabilité - Conditions - Cohabitation - Enfant confié temporairement par les parents à un établissement scolaire spécialisé.

Méconnaît les dispositions de l'article 1384, alinéa 4, du Code civil, la cour d'appel qui retient, sur le fondement de l'alinéa 1er de ce texte, la responsabilité d'un établissement scolaire spécialisé, du fait des dommages causés par des mineurs qui y étaient scolarisés sous le régime de l'internat ou du semi-internat, alors que la circonstance que ces mineurs aient été confiés à cet établissement par leurs parents, exerçant l'autorité parentale, n'avait pas fait cesser la cohabitation des enfants avec leurs parents.


Références :

Code civil 1384 alinéa 4

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 26 avril 2002

A rapprocher : Chambre civile 2, 2000-03-09, Bulletin, II, n° 44, p. 31 (cassation) ; Chambre civile 2, 2000-04-20, Bulletin, II, n° 66 (1), p. 46 (rejet et irrecevabilité) ; Chambre civile 2, 2001-03-29, Bulletin, II, n° 69 (2), p. 46 (cassation) ; Chambre criminelle, 2002-10-29, Bulletin criminel, n° 197, p. 733 (rejet) ; Chambre civile 2, 2000-01-20, Bulletin, II, n° 15, p. 10 (cassation) ; Chambre civile 2, 2002-06-06, Bulletin, II, n° 120 (3 arrêts), p. 96 (cassation partielle, cassation, cassation partielle) ; Chambre civile 2, 2003-05-07, Bulletin, II, n° 129 (2), p. 109 (cassation partielle).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 18 mai. 2004, pourvoi n°03-83616, Bull. crim. criminel 2004 N° 123 p. 470
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2004 N° 123 p. 470

Composition du Tribunal
Président : M. Cotte
Avocat général : M. Chemithe.
Rapporteur ?: Mme Beaudonnet.
Avocat(s) : la SCP Nicolay et de Lanouvelle.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:03.83616
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