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18/05/2004 | FRANCE | N°02-12672

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 18 mai 2004, 02-12672


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que M. X..., qui exerçait l'activité de conseil en entreprises, a, le 18 mai 1989, sollicité du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Bressuire, son inscription sur la liste des conseils juridiques exerçant dans le ressort de ce tribunal ;

qu'ayant été inscrit le 16 octobre 1989, il est devenu avocat à compter du 1er janvier 1992 par l'effet de la loi de fusion des professions juridiques et judiciaires du 31 décembre 1990 ; que M

. X... a été condamné pénalement en novembre 1998 pour des faits d'escroquer...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que M. X..., qui exerçait l'activité de conseil en entreprises, a, le 18 mai 1989, sollicité du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Bressuire, son inscription sur la liste des conseils juridiques exerçant dans le ressort de ce tribunal ;

qu'ayant été inscrit le 16 octobre 1989, il est devenu avocat à compter du 1er janvier 1992 par l'effet de la loi de fusion des professions juridiques et judiciaires du 31 décembre 1990 ; que M. X... a été condamné pénalement en novembre 1998 pour des faits d'escroquerie commis autour du mois de mai 1988 ; que M. X... a été poursuivi disciplinairement devant le conseil de l'Ordre des avocats au barreau de Bressuire qui a prononcé, à son encontre, une sanction d'interdiction temporaire d'un an assortie d'un sursis de neuf mois ; que, sur citation du procureur de la République exerçant des poursuites à son encontre, en sa qualité d'ancien conseil juridique, le Tribunal de grande instance de Bressuire a radié M. X... de la liste des conseils juridiques ; que la cour d'appel, saisie des recours contre ces décisions, a joint les deux instances, a confirmé le jugement prononçant la radiation, a constaté que cette radiation entraînait celle du tableau des avocats et a infirmé, en conséquence, la décision du conseil de l'Ordre ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. X... fait grief à la cour d'appel d'avoir rendu un arrêt "en présence" du "conseil de l'Ordre des avocats du barreau de Bressuire, représenté par M. Joël Y..., ancien bâtonnier, autorisé aux termes d'une décision du conseil de l'Ordre en date du 7 décembre 2000", après avoir entendu "M. le bâtonnier en ses observations", mentions d'où il résulte que le conseil de l'Ordre est intervenu devant la cour d'appel, de sorte que celle-ci a violé les articles 22 et 24 de la loi du 31 décembre 1971, ensemble les articles 16, 180 et 196 du décret du 27 novembre 1991 ;

Mais attendu, d'une part, que le bâtonnier est admis à présenter ses observations devant la cour d'appel ; que, d'autre part, la seule mention de la "présence" du conseil de l'Ordre n'implique pas que ce dernier ait été partie à l'instance ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir prononcé sa radiation de la liste des conseils juridiques alors, selon le moyen :

1 / que l'article 60 de la loi du 31 décembre 1971 n'incrimine que des faits commis par un conseil juridique postérieurement à son inscription, de sorte qu'en sanctionnant disciplinairement M. X... pour des faits commis antérieurement à son inscription sur la liste des conseils juridiques, sous couvert de dissimulation, alors qu'une telle faute n'entrait pas dans le champ des prévisions légales du texte d'incrimination disciplinaire, la cour d'appel a violé le texte précité ;

2 / qu'en reprochant à M. X... de ne pas avoir révélé lors de son inscription sur la liste des conseils juridiques des faits n'ayant fait l'objet d'aucune condamnation ni d'aucune poursuite, la cour d'appel a violé l'article 60 de la loi du 31 décembre 1971, ensemble, les articles 6.1 et 6.2 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

Mais attendu qu'il résulte des articles 54 et 60 de la loi du 31 décembre 1971 dans leur rédaction antérieure à la loi du 31 décembre 1990, que lorsqu'un conseil juridique a encouru une condamnation pénale pour des faits contraires à l'honneur, à la probité ou aux bonnes moeurs de nature à motiver le refus de son inscription sur la liste des conseils juridiques, le procureur de la République peut le faire citer devant le tribunal de grande instance aux fins de radiation temporaire ou définitive de la liste ; que dès lors qu'il est constant que M. X... avait, pour des faits commis antérieurement à son inscription sur la liste des conseils juridiques, été, par décision devenue irrévocable, condamné du chef de complicité d'escroquerie à une peine de trois ans d'emprisonnement avec sursis et à une amende de 1 500 000 francs, ces faits étant contraires à l'honneur et à la probité, le moyen, en sa première branche, est mal fondé, ce qui rend inopérant la seconde branche ;

Mais sur le deuxième moyen :

Vu l'article 48 de la loi, modifiée, du 31 décembre 1971, ensemble l'article 192 du décret du 27 novembre 1991 ;

Attendu qu'il résulte du second de ces textes, applicable aux conseils juridiques devenus avocats par l'effet de la loi du 31 décembre 1990, que la juridiction disciplinaire ne peut statuer sur des faits qui ne sont pas précisés dans la citation ;

Attendu que pour prononcer une sanction disciplinaire contre M. X..., l'arrêt relève que celui-ci avait dissimulé au procureur de la République l'escroquerie pour laquelle il doit maintenant être considéré comme définitivement condamné, escroquerie alors commise tout récemment et de manière consciente, s'agissant d'un délit intentionnel que ses aptitudes professionnelles lui permettaient d'apprécier et de savoir incompatible avec la profession de conseil juridique, peu important que les poursuites et condamnations judiciaires relatives à ces faits aient été retardées ; que l'arrêt retient, ensuite, que cette dissimulation a été renouvelée par M. X... lorsque, profitant de la fusion de la profession de conseil juridique dans la nouvelle profession d'avocat, à compter du 1er janvier 1992, il n'y a pas renoncé mais a entendu, au contraire, en bénéficier, tout en sachant qu'il dissimulait au conseil de l'Ordre des faits caractérisés, contraires à l'honneur et à la probité et incompatibles avec la profession d'avocat ;

Attendu qu'en se fondant ainsi, sur la seule dissimulation des faits pour lesquels il avait été ultérieurement condamné, alors que ce grief n'était pas visé dans la citation délivrée à M. X..., la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit besoin de statuer sur le quatrième moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 janvier 2002, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers, autrement composée ;

Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. X... ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mai deux mille quatre.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 02-12672
Date de la décision : 18/05/2004
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

1° AVOCAT - Discipline - Procédure - Instance - Parties - Conseil de l'Ordre (non).

1° Le bâtonnier est admis à présenter ses observations devant la cour d'appel statuant en matière disciplinaire. La seule mention dans l'arrêt attaqué de la présence du conseil de l'Ordre n'implique pas que ce dernier ait été partie à l'instance.

2° CONSEIL JURIDIQUE - Discipline - Faits contraires à l'honneur - à la probité ou aux bonnes moeurs - Condamnation pénale - Portée.

2° Il résulte des articles 54 et 60 de la loi du 31 décembre 1971 dans leur rédaction antérieure à la loi du 31 décembre 1990 que lorsqu'un conseil juridique a fait l'objet d'une condamnation pénale pour des faits contraires à l'honneur, à la probité ou aux bonnes moeurs de nature à motiver le refus de son inscription sur la liste des conseils juridiques, le procureur de la République peut le faire citer devant le tribunal de grande instance aux fins de radiation temporaire ou définitive de la liste.

3° AVOCAT - Discipline - Procédure - Cour d'appel - Citation - Mentions obligatoires - Portée.

3° Il résulte de l'article 192 du décret du 27 novembre 1991, applicable aux conseils juridiques devenus avocats par l'effet de la loi du 31 décembre 1990 que la juridiction disciplinaire ne peut statuer sur des faits qui ne sont pas précisés dans la citation. Viole l'article 48 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée, ensemble l'article 192 du décret du 27 novembre 1991 la cour d'appel qui, pour prononcer une sanction disciplinaire, s'est fondée sur la seule dissimulation au procureur de la République puis au conseil de l'Ordre à l'occasion de la fusion des professions de conseil juridique et d'avocat des faits pour lesquels il avait été pénalement condamné alors que ce grief n'était pas visé dans la citation.


Références :

2° :
3° :
Décret 91-1197 du 27 novembre 1991 art. 192
Loi 41-1130 du 31 décembre 1971 art. 48 (modifiée)
Loi 71-1130 du 31 décembre 1971 art. 54, 60 (rédaction antérieure à la loi 1990-12-30)

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, 22 janvier 2002

Sur le n° 1 : Sur la présentation par le bâtonnier de ses observations, dans le même sens que : Chambre civile 1, 2003-03-18, Bulletin, I, n° 78, p. 59 (cassation)

arrêt cité Sur le n° 3 : Sur la nécessité de préciser les faits poursuivis dans la citation, dans le même sens que : Chambre civile 1, 1996-07-17, Bulletin, I, n° 325 (2), p. 227 (cassation)


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 18 mai. 2004, pourvoi n°02-12672, Bull. civ. 2004 I N° 139 p. 114
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2004 I N° 139 p. 114

Composition du Tribunal
Président : M. Lemontey
Avocat général : M. Cavarroc.
Rapporteur ?: M. Bargue.
Avocat(s) : la SCP Ancel et Couturier-Heller.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:02.12672
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