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22/01/2002 | FRANCE | N°99/1051

France | France, Cour d'appel de Poitiers, 22 janvier 2002, 99/1051


COUR D'APPEL DE X... 2ème Chambre Civile

AUDIENCE SOLENNELLE

ARRET DU 22 JANVIER 2002 APPELANT: Monsieur Marc Y..., Avocat, demeurant La Guyonniêre - 79420 BEAULIEU-SOUS-PARTHENAY. Comparant en personne, assisté de Maître Bruno STASI, avocat au barreau de PARIS, Suivant deux déclarations d' appel, l' une en date du 22 Février 1999 à l' encontre d' une décision du Conseil de l' Ordre des Avocats de BRESSUIRE, statuant en matière disciplinaire en date du 13 Janvier 1999 (R.G N0 99/1051) et la seconde en date du 19 février 2001 d' une décision du Tribunal de Grande Inst

ance de BRESSUIRE en date du 8 janvier 2001 (R.G N0 01/584). INTIME: M...

COUR D'APPEL DE X... 2ème Chambre Civile

AUDIENCE SOLENNELLE

ARRET DU 22 JANVIER 2002 APPELANT: Monsieur Marc Y..., Avocat, demeurant La Guyonniêre - 79420 BEAULIEU-SOUS-PARTHENAY. Comparant en personne, assisté de Maître Bruno STASI, avocat au barreau de PARIS, Suivant deux déclarations d' appel, l' une en date du 22 Février 1999 à l' encontre d' une décision du Conseil de l' Ordre des Avocats de BRESSUIRE, statuant en matière disciplinaire en date du 13 Janvier 1999 (R.G N0 99/1051) et la seconde en date du 19 février 2001 d' une décision du Tribunal de Grande Instance de BRESSUIRE en date du 8 janvier 2001 (R.G N0 01/584). INTIME: Monsieur LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D APPEL DE X.... domicilié Cour d' Appel Palais de Justice - 86000 X.... Représenté lors des débats par Monsieur Z..., Substitut Général, EN PRESENCE DU CONSEIL DE L' ORDRE DES AVOCATS DU BARREAU DE BRESSUIRE. 10, rue de la Prison - BP 196 - 79304 BRESSUIRE Représenté par Me Joel BAFFOU, ancien Bâtonnier, autorisé aux termes d' une décision du Conseil de l' Ordre en date du 7 décembre 2000. (Dossier enregistré sous le N0 99/1051) COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE: Monsieur Didier LERNER, Président de Chambre, Monsieur Raymond MULLER, Président de Chambre, Madame Anne-Marie A..., Monsieur Michel B... et Monsieur Claude PASCOT, Conseillers, Suivant l 'ordonnance de Monsieur le Premier Président en date du 15 octobre 2001. GREFFIER: Mademoiselle Catherine C..., Greffier, DEBATS: A l 'audience non publique et solennelle du 13 Décembre 2001, Monsieur le Président a fait le rapport des affaires, Le Conseil de l' appelant a été entendu en sa plaidoirie, Monsieur l' Avocat Général en ses conclusions, Monsieur le Bâtonnier en ses observations et Maître STASI pour Monsieur Y... en ses conclusions en réplique. Puis l' affaire a été mise en délibéré au 22 Janvier 2002, Ce jour, a été rendu publiquement,

contradictoirement et en dernier ressort, l' arrêt dont la teneur suit:

Vu l'arrêté du Conseil de l'Ordre du Barreau de BRESSUIRE en date du 13 janvier 1999 et le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de BRESSUIRE le 8 janvier 2001 qui ont respectivement :

a) Le 13 janvier 1999 (procédure n° 1051/99) : - Dit que les faits reprochés à Me Y... étaient constitutifs d'un manquement à l'honneur ; - Prononcé en conséquence à l'encontre de Me Y... la peine d'interdiction temporaire d'un an, assortie du sursis à hauteur de 9 mois, ainsi que la sanction d'interdiction de faire partie du Conseil de l'Ordre pour une durée de 3 ans ;

b) Le 8 janvier 2001 (procédure n° 584/01) : - Dit que Me Y... a commis une faute disciplinaire d'une extrême gravité ; - Prononcé contre lui, à titre de sanction disciplinaire, la radiation de ses fonctions de conseil juridique ;

Vu les conclusions régulièrement déposées : 1 - Pour Monsieur Marc Y..., le 13 décembre 2001, demandant :

a) Dans la procédure n° 1051/99 : - L'infirmation de la décision du Conseil de l'Ordre du 13 janvier 1999 ; - Sa relaxe ;

b) Dans la procédure n° 584/01 : - A titre principal, le sursis à statuer jusqu'à la décision de la Cour Européenne des Droits de l'Homme ; - Subsidiairement, l'infirmation du jugement du 8 janvier 2001 et qu'il soit dit qu'il n'y a pas lieu à sanction disciplinaire contre lui ; 2 - Par le Ministère Public, demandant :

a) Dans la procédure n° 1051/99 :

Le 12 octobre 2001, le prononcé à l'encontre de Me Y..., d'une peine de suspension temporaire d'une durée de 3 ans ;

b) Dans la procédure n° 584/01 : Le 10 octobre 2001, la confirmation de la radiation prononcée contre Me Y... en sa qualité de conseil

juridique et que soit constaté, en tant que de besoin, que cette radiation produira ses effets au sein de la nouvelle profession d'avocat ;

Vu le recours formé par M. Y... le 22 février 1999 contre l'arrêté du 13 janvier 1999, sa déclaration d'appel en date du 19 février 2001 contre le jugement du 8 janvier 2001, et les autres pièces des deux procédures, régulièrement produites.

Les liens entre les procédures ci-dessus visées n° 1051/99 et 584/01 sont tels, s'agissant de procédures disciplinaires suivies contre M. Y... et qui ont pu être plaidées à la même audience devant la Cour de céans , tenue en chambre du conseil à la demande de M. Y..., les parties y reprenant oralement les prétentions et moyens de leurs conclusions écrites, qu'il apparaît conforme à une bonne administration de la justice d'en prononcer la jonction. ***

Après avoir obtenu le 9 février 1971 le diplôme de l'Ecole des Hautes Etudes Commerciales à Jouy-en-Josas M. Marc Y..., né le 1er juin 1944, a occupé divers emplois de cadre supérieur, puis a travaillé de janvier 1983 à octobre 1988 comme salarié à la SCP d'avocats Borloo Chartier Stora etamp; Associés à PARIS, où il était plus particulièrement chargé des entreprises en difficulté.

Fort de cette expérience il a assisté M. D..., dirigeant de la SA ACP, dans des conditions décrites de la manière suivante par des procédures pénales ayant abouti à sa condamnation, pour complicité d'escroquerie, par le Tribunal Correctionnel de SAUMUR le 4 décembre 1997, à la peine de 3 ans d'emprisonnement avec sursis et à une peine d'amende de 1 500 000F, peines confirmées par arrêt de la Cour d'Appel d'ANGERS en date du 26 novembre 1998, arrêt contre lequel il a formé un pourvoi qui a été rejeté par la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation le 24 mai 2000.

Ces juridictions pénales ont en effet expliqué que M. Y...,

complice de M. D..., et faisant preuve d'une "malhonnêteté particulièrement grave" (page 13 du jugement du 4 décembre 1997), a été entre le 1er mai et le 30 juin 1989 l'auteur du montage de l'ensemble de l'opération ayant consisté à employer des manoeuvres frauduleuses par la présentation en justice de comptes inexacts pour faire croire faussement à un état de cessation des paiements de la SA ACP , organiser le dépôt de bilan de cette société et sa cession de façon à permettre l'éviction à bon compte des autres associés de la SA ACP qui n'avaient pas voulu céder leurs parts à M. D....

Certes M. Y... persiste à contester ces faits et prétend qu'ils ne doivent pas être considérés par la Cour de céans comme définitivement jugés, et qu'il faudrait surseoir à statuer dans l'attente de la décision de la Cour Européenne des Droits de l'Homme qu'il a régulièrement saisie à la suite de l'arrêt rendu par la Cour de Cassation le 24 mai 2000.

Mais s'il est vrai que les articles 626-1 et suivants du Code de procédure pénale, issus de la loi du 15 juin 2000, permettent à certaines conditions le " réexamen d'une décision pénale définitive (...) au bénéfice de toute personne reconnue coupable d'une infraction lorsqu'il résulte d'un arrêt rendu par la Cour européenne des droits de l'homme que la condamnation a été prononcée en violation des dispositions de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou de ses protocoles additionnels", il n'en demeure pas moins qu'il est de principe que la saisine de la Cour européenne des droits de l'homme à la suite d'un arrêt de la Cour de cassation n'est pas suspensive (Cf. notamment l'arrêt de la Chambre Criminelle du 7 novembre 2001 sur un pourvoi n° 00-86061), sans qu'il soit porté atteinte au principe de la présomption d'innocence, puisque, avant même l'arrêt rendu par la Cour européenne des droits de l'homme la décision pénale en cause est

bien qualifiée de définitive et qu'un sursis à statuer ne serait pas non plus justifié dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, laquelle ne saurait encourager considérablement par de telles pratiques des manoeuvres dilatoires, observation étant faite de surcroît et de manière surabondante qu'en l'espèce M. Y... ne justifie d'aucun avancement réel de son dossier devant la Cour européenne suite au dépôt de son recours et revient ici de façon inopérante sur les éléments contradictoirement discutés devant le juge répressif. ***

Le 18 mai 1989 M. Y... a demandé au Procureur de la République près le Tribunal de Grande Instance de BRESSUIRE, en application de l'article 54 de la loi du 31 décembre 1971, son inscription sur la liste des conseils juridiques exerçant dans le ressort dudit Tribunal.

Complétant ultérieurement son dossier il a obtenu cette inscription le 16 octobre 1989 et en a reçu la notification le même jour.

Mais il avait donné des conseils juridiques chèrement facturés (940 000F H.T. pour ses interventions ayant permis la cession de la SA ACP) déjà avec l'autorité que lui conféraient sa formation et sa pratique professionnelles, comme l'a constaté le juge pénal, avant d'avoir obtenu cette inscription sur la liste officielle, et il avait dissimulé au Procureur de la République l'escroquerie ci-dessus rappelée, pour laquelle il doit maintenant être considéré comme définitivement condamné, escroquerie alors commise tout récemment et de manière consciente, s'agissant d'un délit intentionnel que ses aptitudes professionnelles lui permettaient d'apprécier et de savoir incompatible avec la profession de conseil juridique, peu important que les poursuites et condamnations judiciaires relatives à ces faits aient été retardées.

Cette dissimulation frauduleuse a été renouvelée par M. Y...

lorsque, profitant de la fusion de la profession des conseils juridiques dans la nouvelle profession d'avocat à compter du 1er janvier 1992, il n'y a pas renoncé, mais a entendu au contraire en bénéficier, tout en sachant qu'il dissimulait au Conseil de l'Ordre des faits caractérisés, contraires à l'honneur et à la probité, incompatibles avec la profession d'avocat.

Le Ministère Public soutient à bon droit que pareille dissimulation fautive peut fonder une action disciplinaire et qu'en raison de la gravité des faits la sanction de radiation prononcée par le Tribunal de Grande Instance de BRESSUIRE apparaît justifiée. Cette radiation de la liste des conseils juridiques entraîne nécessairement la radiation du tableau des avocats, conformément à l'article 48 de la loi du 31 décembre 1971, modifié par la loi du 31 décembre 1990, décidant que les condamnations prononcées contre les conseils juridiques continueront à produire leurs effets après la fusion des professions concernées dans la nouvelle profession d'avocat, puisque M. Y... a été intégré à cette nouvelle profession en raison de son inscription antérieure sur la liste des conseils juridiques.

Cette nécessaire radiation qui interdit à M. Y..., en application de l'article 185 du décret du 27 novembre 1991, d'être inscrit au tableau ou sur la liste du stage d'aucun autre barreau, ne remet cependant pas en cause, comme il semble s'en inquiéter avec une pointe d'ironie, les actes qu'il a pu accomplir pour ses clients lorsqu'il était inscrit au barreau, plus particulièrement dans le cadre des affaires pour lesquelles la représentation est obligatoire. ***

En entraînant la radiation du tableau des avocats la confirmation du jugement du Tribunal de Grande Instance de BRESSUIRE rend sans objet les poursuites disciplinaires de la procédure n° 1051/99.

Il y a lieu de le constater et d'infirmer en conséquence la décision

du 13 janvier 1999.

Toutefois M. Y... apparaissant responsable de sa situation scandaleuse, signalée au barreau de BRESSUIRE, lequel a ainsi été légitimement poussé à agir dans un contexte rendu juridiquement complexe par la multiplicité des recours exercés, il y a lieu de laisser l'intégralité des dépens à la charge de M. Y...

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, statuant contradictoirement, en audience publique, après débats en chambre du conseil, Monsieur Marc Y... ayant eu la parole le dernier,

PRONONCE la jonction de la procédure n° 584/01 à la procédure n° 1051/99 ;

CONFIRME le jugement rendu le 8 janvier 2001 par le Tribunal de Grande Instance de BRESSUIRE ;

CONSTATE que la radiation de M. Y... de la liste des conseils juridiques entraîne sa radiation du tableau des avocats ;

INFIRME en conséquence l'arrêté du Conseil de l'Ordre du Barreau de BRESSUIRE en date du 13 janvier 1999 ;

CONDAMNE M. Y... aux entiers dépens. ************************************* Ainsi prononcé publiquement par Monsieur Didier LERNER, Président de Chambre, et signé par lui-même, et Mademoiselle Catherine C..., Greffier. Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Poitiers
Numéro d'arrêt : 99/1051
Date de la décision : 22/01/2002

Analyses

AVOCAT - Discipline - Manquement aux règles professionnelles

Est constitutif de dissimulation fautive pouvant fonder une action disciplinaire le fait pour un juriste de dissimuler au procureur de la République, afin de demander son incription sur la liste des conseils juridiques, une escroquerie alors commise récemment et consciemment, et que ses aptitudes professionnelles lui permettaient de savoir incompatible avec la profession de conseil juridique. En raison de la gravité des faits, la sanction de la radiation apparaît justifiée, et la radiation de la liste des conseils juridiques entraîne celle du tableau des avocats, conformément à l'article 48 de la loi du 31 décembre 1971 modifié par la loi du 31 décembre 1990. Cependant, cette radiation ne remet pas en cause les actes que l'avocat a pu accomplir lorsqu'il était inscrit au barreau


Références :

Loi du 31 décembre 1971, article 48 (modifié par la loi du 31 décembre 1990)

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.poitiers;arret;2002-01-22;99.1051 ?
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