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11/05/2004 | FRANCE | N°03-83364

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 11 mai 2004, 03-83364


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le onze mai deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire MENOTTI, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, Me BOUTHORS, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FRECHEDE ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Philippe,

- Y... Bernard,

- LA SOCIETE LM DEVELOPPEMENT, civilement responsable,

contre

l'arrêt de la cour d'appel de LYON, 7e chambre, en date du 21 mai 2003, qui, dans la procédure sui...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le onze mai deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire MENOTTI, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, Me BOUTHORS, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FRECHEDE ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Philippe,

- Y... Bernard,

- LA SOCIETE LM DEVELOPPEMENT, civilement responsable,

contre l'arrêt de la cour d'appel de LYON, 7e chambre, en date du 21 mai 2003, qui, dans la procédure suivie contre les deux premiers, du chef de diffamation publique envers un particulier et complicité de ce délit, a constaté l'extinction de l'action publique par l'amnistie et a prononcé sur les intérêts civils ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que la société Banque Cantonale de Genève, mise en cause dans un article du mensuel "Objectifs Rhône-Alpes", publié en février 2001 sous le titre "Argent sale : un banquier lyonnais accuse la Banque Cantonale de Genève", a fait citer, devant le tribunal correctionnel, du chef de diffamation publique envers un particulier, Philippe X..., directeur de publication du journal, et Bernard Y..., auteur des propos litigieux ; qu'après avoir annulé le jugement qui ne comportait pas de dispositif, la cour d'appel a constaté l'extinction de l'action publique par l'amnistie, a rejeté l'exception de prescription et, statuant sur l'action civile, a estimé constitués les faits de diffamation publique envers la Banque Cantonale de Genève ;

En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 65 de la loi du 29 juillet 1881, 2-3 de la loi du 6 août 2002, 6 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que la cour d'appel a rejeté l'exception de prescription ;

"aux motifs que le fait que les citations délivrées le 12 novembre 2002 en vue d'assurer la comparution des parties devant la Cour l'aient été à la requête du procureur général ne saurait les priver de leur appel au regard du délai de la prescription qu'elles ont bien interrompu ; qu'en effet est interruptive de prescription la citation délivrée à la requête du procureur général pour faire statuer sur l'action civile, alors même que l'action publique n'est plus en cause pour avoir été éteinte par l'amnistie ;

"alors que, lorsqu'en matière de presse l'action publique est éteinte par l'amnistie, la citation à comparaître devant la Cour, délivrée au prévenu par le procureur général qui n'est plus partie poursuivante, n'est pas un acte de poursuite et n'est pas susceptible d'interrompre la prescription ; que, faute pour la partie civile d'avoir diligenté un acte interruptif de prescription entre le prononcé du jugement le 3 octobre 2002 et la première audience devant la cour d'appel le 8 janvier 2003, la prescription de l'action civile était acquise ; que la cour d'appel, en refusant de le constater, a violé les textes susvisés ; que la cassation devra intervenir sans renvoi" ;

Attendu que, pour rejeter l'exception de prescription soulevée par les prévenus, qui faisaient valoir qu'aucun acte interruptif n'était intervenu entre le prononcé du jugement, le 3 octobre 2002, et la première audience devant la cour d'appel, le 8 janvier 2003, les juges du second degré énoncent qu'est interruptive de prescription la citation à comparaître devant la cour d'appel délivrée à la requête du procureur général pour faire statuer sur l'action civile, alors même que l'action publique n'est plus en cause pour avoir été éteinte par l'amnistie ;

Attendu qu'en prononçant ainsi, l'arrêt a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 29, alinéa 1, 32, alinéa 1, et 35 bis de la loi du 29 juillet 1881, 10-2 de la Convention européenne des droits de l'homme, 9-1 et 1382 du Code civil, 2 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a constaté que les faits dénoncés par la Banque Cantonale de Genève France et imputables à Philippe X... et à Bernard Y... étaient constitutifs du délit de diffamation publique envers un particulier, déclaré Bernard Y... et Philippe X... responsables du préjudice subi par la Banque Cantonale de Genève France, condamné solidairement Philippe X... et Bernard Y... à payer à la Banque Cantonale de Genève France la somme de 1 euro en réparation de son entier préjudice, et déclaré la société LM Developpement civilement responsable des condamnations pécuniaires prononcées à l'encontre de Philippe X... ;

"aux motifs que l'affirmation de la commission par une personne physique ou morale d'un délit pénal, en l'absence de toute condamnation judiciaire déclarant sa culpabilité, constitue une atteinte grave à la présomption d'innocence et exclut que celui qui en est l'auteur puisse être admis au bénéfice de la bonne foi ; que Bernard Y..., en déclarant, et Philippe X..., en laissant publier que la Banque Cantonale de Genève France faisait du blanchiment d'argent à grande échelle, que cet argent provenait de fraudes fiscales et d'activités criminelles, et qu'en une année 313 millions de francs avaient été blanchis, sans s'être assurés au préalable que ces faits, constitutifs d'une infraction à la loi pénale, avaient été judiciairement reconnus, ont fait preuve d'une imprudence qui caractérise la mauvaise foi ; que cette dernière résulte encore pour Philippe X... du fait d'avoir présenté l'interview de Bernard Y... comme la dénonciation des dérives mafieuses de la Banque Cantonale de Genève ; que cette référence à une organisation criminelle pour qualifier les pratiques de la partie civile traduit un manque de mesure dans le propos et une volonté de nuire exclusifs de la bonne foi revendiquée ; que l'imputation, dans la revue "Objectifs Rhône-Alpes", de commission du délit de blanchiment a porté atteinte à l'honneur et à la considération de la partie civile, la société Banque Cantonale de Genève dont le siège est à Lyon ; que le respect de la liberté de la presse ne saurait justifier des abus comme celui que constitue la violation de la présomption d'innocence ;

"alors, d'une part, que l'absence de bonne foi ne peut être déduite du caractère diffamatoire des imputations ; qu'en refusant à Bernard Y... et Philippe X... le bénéfice de la bonne foi, au motif qu'ils avaient déclaré et laissé publier que la Banque Cantonale de Genève faisait du blanchiment d'argent à grande échelle, et que cet argent provenait de fraudes fiscales et d'activités criminelles, et au motif que Philippe X... avait présenté l'interview de Bernard Y... comme la dénonciation de dérives mafieuses, c'est-à-dire au motif du caractère diffamatoire des imputations, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

"alors, d'autre part, que le principe de proportionnalité de l'article 10-2 de la Convention européenne des droits de l'homme prime non seulement les articles 29 et 32 de la loi du 29 juillet 1881, mais également l'article 9-1 du Code civil ; qu'il s'ensuit qu'il n'est pas impossible d'admettre l'exception de bonne foi en présence d'une atteinte à la présomption d'innocence ; qu'en estimant qu'une telle atteinte était nécessairement exclusive de bonne foi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

"alors, enfin, que le principe de la proportionnalité nécessite que les exigences de la protection de la réputation d'autrui et de la présomption d'innocence soient mises en balance avec celles de la liberté d'expression et d'information ; qu'en se bornant à écarter la bonne foi, au motif d'une atteinte à la présomption d'innocence dont bénéficie la partie civile, sans rechercher si, en l'espèce, la restriction imposée à l'exercice de la liberté d'expression et d'information était proportionnée au but poursuivi de protection de la réputation d'autrui et de la présomption d'innocence, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 10-2 de la Convention européenne des droits de l'homme" ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 29, alinéa 1, 32, alinéa 1, 35 bis de la loi du 29 juillet 1881, 10-2 de la Convention européenne des droits de l'homme, 9-1 et 1382 du Code civil, 2 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt a constaté que les faits dénoncés par la Banque Cantonale de Genève, imputables à Philippe X... et à Bernard Y... étaient constitutifs du délit de diffamation publique envers un particulier, déclaré Bernard Y... et Philippe X... responsables du préjudice subi par la Banque Cantonale de Genève (France), condamné solidairement Philippe X... et Bernard Y... à payer à la Banque Cantonale de Genève (France) la somme d'un euro en réparation de son entier préjudice et déclaré la société LM Developpement civilement responsable des condamnations pécuniaires prononcées à l'encontre de Philippe X... ;

"aux motifs que l'affirmation de la commission, par une personne physique ou morale d'un délit pénal, en l'absence de toute condamnation judiciaire déclarant sa culpabilité, constitue une atteinte grave à la présomption d'innocence et exclut que celui qui en est l'auteur puisse être admis au bénéfice de la bonne foi ;

"alors que le bénéfice de la bonne foi n'est pas subordonné, en cas d'affirmation de la commission par une personne physique ou morale d'un délit pénal, à l'existence d'une condamnation judiciaire retenant ce délit, ni à l'absence de toute atteinte à la présomption d'innocence ; que la cour d'appel a violé les textes ci-dessus" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, par des motifs répondant aux conclusions dont elle était saisie, a, sans insuffisance ni contradiction, exposé les circonstances particulières invoquées par le prévenu et énoncé les faits sur lesquels elle s'est fondée pour écarter l'admission à son profit du bénéfice de la bonne foi ;

D'où il suit que les moyens ne peuvent être accueillis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Ménotti conseiller rapporteur, M. Joly conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Souchon ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 03-83364
Date de la décision : 11/05/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

PRESCRIPTION - Action publique - Interruption - Acte d'instruction ou de poursuite - Citation à comparaître devant la cour d'appel délivrée par le procureur général.

ACTION PUBLIQUE - Extinction - Prescription - Interruption - Acte d'instruction ou de poursuite - Citation à comparaître devant la cour d'appel délivrée par le procureur général

La citation à comparaître devant la cour d'appel, délivrée au prévenu par le procureur général pour faire statuer sur l'action civile, est interruptive de prescription, alors même que l'action publique n'est plus en cause pour avoir été éteinte par l'amnistie.


Références :

Loi du 29 juillet 1881 art. 65

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 21 mai 2003

A rapprocher : Chambre criminelle, 2004-03-30, Bulletin criminel, n° 81, p. 302 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 11 mai. 2004, pourvoi n°03-83364, Bull. crim. criminel 2004 N° 116 p. 449
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2004 N° 116 p. 449

Composition du Tribunal
Président : M. Cotte
Avocat général : M. Fréchède.
Rapporteur ?: Mme Ménotti.
Avocat(s) : la SCP Waquet, Farge et Hazan, Me Bouthors.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:03.83364
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