AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 15 octobre 2001) que M. X... a été embauché en qualité de conducteur d'autobus, le 19 février 1996, par la Société des autobus de l'Etang de Berre ; que le contrat de travail prévoyait une période de stage d'une durée d'un an au terme de laquelle l'intéressé serait titularisé dès lors qu'il aurait donné satisfaction ; que le salarié a été victime, le 10 octobre 1996, d'une agression survenue sur son lieu de travail à la suite de laquelle il s'est trouvé en arrêt de travail ; qu'à la reprise, le 8 janvier 1997, les relations contractuelles ont été rompues par l'employeur pour le motif suivant : "à ce jour ce stage d'essai ne s'étant pas révélé satisfaisant" ; qu'estimant cette rupture abusive, le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de dommages-intérêts ;
Sur le moyen unique :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande du salarié, alors, selon le moyen :
1 ) que les règles du licenciement ne sont pas applicables pendant la période d'essai; qu'il s'ensuit qu'ayant constaté que le salarié avait été engagé par contrat de travail du 19 février 1996, avec une période d'essai d'un an devant se terminer le 18 février 1997 et que l'employeur avait mis fin à la convention des parties par lettre recommandée avec accusé de réception du 8 janvier 1997 prévoyant un préavis d'un mois, de sorte que le contrat de travail devait prendre fin le 9 février 1997, soit au cours de la période d'essai, viole l'article L. 122-4 du Code du travail et fait une fausse application des articles L. 122-14 et L. 122-14-5 du même Code, l'arrêt attaqué qui considère que la rupture ne pouvait s'analyser comme une rupture d'une période d'essai, que la lettre de rupture devait s'analyser en une lettre de licenciement et qu'il y avait eu licenciement irrégulier en l'absence de convocation du salarié à un entretien préalable et sans cause réelle et sérieuse ; qu'il en est d'autant plus ainsi que, compte tenu de l'absence du salarié pour accident du travail du 10 octobre 1996 au 5 janvier 1997, conformément à l'article 16 de la convention collective nationale des transports urbains, la période d'essai avait été prolongée de cette période d'absence de près de trois mois ;
2 ) que la convention collective nationale des transports urbains instituant une période d'essai d'un an en précisant qu'au cours de cette période l'employeur a la possibilité de mettre fin au contrat de travail des stagiaires qui, notamment, ne donnent pas satisfaction après un préavis d'un mois pour ceux dont la présence dans l'entreprise est supérieure à six mois, viole ces dispositions conventionnelles l'arrêt attaqué qui considère que constituerait un licenciement, de surcroît irrégulier et sans cause réelle et sérieuse, la rupture du contrat de travail notifiée au salarié bien plus d'un mois avant l'expiration de sa période d'essai de douze mois, avec un préavis d'un mois, au motif que le stage d'essai ne s'était pas révélé satisfaisant ;
Mais attendu, que selon l'article 16 de la convention collective nationale des réseaux de transports urbains du 11 avril 1986, tout salarié doit, avant d'être admis d'une façon définitive dans l'entreprise, effectuer un stage d'une durée de douze mois correspondant à une prestation effective dans l'entreprise ; qu'au cours de cette période, l'employeur a la possibilité de mettre fin au contrat de travail des stagiaires qui ne donnent pas satisfaction ou dont les aptitudes physiques sont insuffisantes après un préavis de huit jours pour ceux dont la présence dans l'entreprise est inférieure à six mois et après un préavis d'un mois pour ceux dont la présence dans l'entreprise est supérieure à six mois ; qu'à l'issue de cette période, tout agent doit être titularisé ou congédié ; qu'il en résulte que l'employeur ne peut rompre le contrat de travail pendant cette période que pour l'une des causes prévues par ce texte ;
Et attendu que la cour d'appel ayant relevé par motifs adoptés des premiers juges que la rupture était en réalité fondée sur la volonté de l'employeur de ne pas conserver un salarié qui aurait pu être fragilisé par l'agression qu'il avait subie durant l'exécution de son contrat de travail, a pu décider que la rupture était abusive ; qu'abstraction faite des motifs erronés relatifs au licenciement, elle a légalement justifié sa décision ;
Que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Les Bus de l'Etang de Berre aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq mai deux mille quatre.