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27/04/2004 | FRANCE | N°01-12442

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 27 avril 2004, 01-12442


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que le 27 mars 1997, au cours d'un stage d'entraînement en vol en Arizona (Etats-Unis d'Amérique) auquel participait l'équipe de parachutisme de l'armée américaine United States Army parachute Team (USAPT), connue sous le nom de "Golden Knights", M. X..., parachutiste français de haut niveau, a été blessé lors d'une collision en vol avec M. Y..., sous officier de l'armée américaine, membre et photographe de l'USAPT ; que M. X... et la Fédération française de p

arachutisme ayant engagé une action en responsabilité délictuelle contre M...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que le 27 mars 1997, au cours d'un stage d'entraînement en vol en Arizona (Etats-Unis d'Amérique) auquel participait l'équipe de parachutisme de l'armée américaine United States Army parachute Team (USAPT), connue sous le nom de "Golden Knights", M. X..., parachutiste français de haut niveau, a été blessé lors d'une collision en vol avec M. Y..., sous officier de l'armée américaine, membre et photographe de l'USAPT ; que M. X... et la Fédération française de parachutisme ayant engagé une action en responsabilité délictuelle contre M. Y... en invoquant l'article 14 du Code civil, le tribunal de grande instance a rejeté le moyen tiré de l'immunité de juridiction des Etats étrangers soulevé par M. Y... et appuyé par les Etats-Unis d'Amérique, intervenants volontaires, et déclaré l'action recevable ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. X... et la Fédération française de parachutisme font grief à l'arrêt attaqué (Paris, 14 mars 2001), statuant sur l'appel d'une décision ayant écarté la fin de non-recevoir tirée de l'immunité de juridiction et l'exception d'incompétence des juridictions françaises, d'avoir déclaré cet appel recevable, alors, selon le moyen, qu'aux termes des articles 544 et 545 du nouveau Code de procédure civile, l'appel d'un tel jugement, qui ne tranchait pas le principal et qui statuait sur une exception de procédure et une fin de non recevoir sans mettre fin à l'instance, n'était pas immédiatement recevable ; que l'irrecevabilité, étant d'ordre public, devait être soulevée d'office par la cour d'appel ; que celle-ci, en méconnaissant ses propres obligations, a violé les textes précités ;

Mais attendu que l'appel est recevable en cas d'excès de pouvoir ; que tel peut être le cas lorsque la cour d'appel statue sur la fin de non-recevoir tirée de l'immunité de juridiction d'un Etat étranger écartée par le premier juge ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur les deuxième et troisième moyens réunis, pris en leurs diverses branches :

Attendu que M. X... et la Fédération française de parachutisme font grief à l'arrêt d'avoir renvoyé les parties à mieux se pourvoir aux motifs, premièrement, que M. Y... et les Etats-Unis d'Amérique sont fondés à se prévaloir du principe de l'immunité de juridiction, qui s'oppose à ce qu'une action soit engagée à leur encontre devant les tribunaux d'un autre Etat et, deuxièmement, qu'il importe peu que l'entraînement au cours duquel est survenu l'accident fût préparatoire d'une compétition sportive de haut niveau à laquelle était associée une équipe civile française, qu'il s'agissait pour l'armée américaine d'entraîner ses parachutistes d'élite, avec le double objectif, d'une part, de promouvoir le prestige des forces armées et leurs efforts de recrutement, d'autre part, de développer les techniques de pointe utilisées en vue d'applications militaires, que l'activité de l'équipe de parachutisme à laquelle prenait part M. Y..., lorsque s'est produit l'accident litigieux, était accomplie dans le cadre d'une mission de service public de l'Etat étranger alors, selon les moyens :

1 ) que l'immunité de juridiction ne peut profiter qu'aux Etats ou à leurs représentants, lorsqu'ils sont directement assignés devant la juridiction française ; qu'elle ne joue pas lorsque, dans le cadre de l'action engagée contre un étranger en raison de sa responsabilité, l'Etat dont cet étranger est ressortissant forme une intervention volontaire et prétend assurer sa défense en ses lieu et place, en invoquant le bénéfice de l'immunité ; qu'ainsi la cour d'appel a violé l'article 14 du Code civil et le principe de l'immunité de juridiction des Etats étrangers ;

2 ) qu'un militaire étranger, simple fonctionnaire, n'est pas un représentant de l'Etat étranger dont il a la nationalité et ne peut bénéficier de l'immunité de juridiction ; que les juridictions françaises peuvent donc connaître de l'action en responsabilité civile engagée contre de simples fonctionnaires étrangers, les questions de l'éventuelle garantie de l'Etat, de la substitution de sa responsabilité à celle de son agent, ou du recours que ses fonctionnaires pourraient avoir contre cet Etat relevant exclusivement de la loi applicable au fond du litige, et étant sans incidence sur le pouvoir des tribunaux français pour connaître du recours principal dirigé contre le seul auteur du dommage, et échappant au demeurant à toute question d'immunité, s'agissant des rapports entre l'Etat étranger et son fonctionnaire ; que la cour d'appel a ainsi violé les article et principe susvisés ;

3 ) que l'action en responsabilité engagée contre un fonctionnaire étranger en raison des fautes commises dans l'exercice de son service, même à supposer qu'elle doive être, au regard de la loi applicable, dirigée contre l'Etat lui-même en raison d'une substitution de sa responsabilité à celle de son agent, ne peut échapper à la connaissance des juridictions françaises normalement compétentes ; que la cour d'appel a encore violé par fausse application le principe de l'immunité de juridiction ;

4 ) que l'immunité de juridiction accordée aux Etats étrangers a pour objectif d'éviter que les tribunaux d'un Etat s'immiscent dans l'appréciation des décisions ou du fonctionnement des services relevant du strict exercice politique de la souveraineté de cet Etat ; que ne relève pas de cette souveraineté l'organisation de démonstrations et de compétitions mettant en scène une équipe de parachutistes de haut niveau, fussent-ils militaires, dont l'objet est, selon l'arrêt attaqué lui-même, de se confronter à des équipes purement civiles, ce qui est exclusif alors de toute idée de défense nationale, de présenter au public les exploits des militaires et de constituer une vitrine pour l'armée américaine ; qu'une telle activité parfaitement détachable de l'activité souveraine de défense, et destinée à faire l'objet de commentaires et de critiques, soit du public à qui les démonstrations sont destinées, soit des compétiteurs civils destinés à y participer, ne saurait bénéficier de l'immunité de juridiction ; que la cour d'appel a ainsi violé l'article 14 du Code civil et le principe de l'immunité de juridiction des Etats étrangers par fausse application ;

5 ) en toute hypothèse que l'action en responsabilité engagée contre un fonctionnaire d'un Etat étranger, même à supposer que la responsabilité de cet Etat doive être substituée à celle de son agent, dans la mesure où elle ne met en cause aucune des décisions souveraines de l'Etat mais seulement la simple exécution ou la mise en oeuvre des choix opérés par l'Etat, échappe à l'immunité de juridiction des Etats étrangers, que l'action en responsabilité pour faute commise par un militaire parachutiste, dans le cadre d'une démonstration sportive commune à des équipes civiles, échappe à cette immunité et peut relever de la connaissance des juridictions françaises ; que la cour d'appel a violé le principe de l'immunité de juridiction des Etats étrangers par fausse application ;

Mais attendu que les Etats étrangers et les organismes ou personnes agissant par leur ordre et pour leur compte bénéficient de l'immunité de juridiction non seulement pour les actes de puissance publique mais aussi pour ceux accomplis dans l'intérêt d'un service public ; que la cour d'appel, ayant relevé, d'abord, que M. Y..., sous-officier de l'armée, était membre de l'USAPT, laquelle était rattachée au commandement du recrutement de l'armée des Etats-Unis, ensuite, que l'entraînement au cours duquel est survenu l'accident s'inscrivait dans le cadre ordinaire des activités de l'USAPT sur le territoire américain, était financé par l'armée américaine et effectué sous son commandement, encore, que l'association d'une équipe civile a cet entraînement ne faisait pas perdre à celui-ci son caractère militaire dès lors qu'il s'agissait pour l'armée américaine d'entraîner ses parachutistes et de promouvoir son recrutement, en a exactement déduit que l'activité de l'équipe de parachutisme était accomplie dans le cadre de l'exécution d'une mission de service public de l'Etat étranger et décidé que M. Y... était fondé à se prévaloir du principe de l'immunité de souveraineté des Etats, privant ainsi du pouvoir de juger le for saisi et sans que les dispositions sur la compétence de l'article 14 du Code civil puissent lui être opposées ; d'où il suit que les moyens ne peuvent être accueillis ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi .

Condamne M. X... et la Fédération française de parachutisme aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept avril deux mille quatre.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 01-12442
Date de la décision : 27/04/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

1° CONFLIT DE JURIDICTIONS - Compétence internationale - Immunité de juridiction - Fin de non-recevoir - Décision rejetant la fin de non-recevoir - Voie de recours - Détermination.

1° APPEL CIVIL - Décisions susceptibles - Décision entâchée d'excès de pouvoir - Conflit de juridictions - Décision rejetant la fin de non-recevoir tirée de l'immunité de juridiction.

1° L'appel est recevable en cas d'excès de pouvoir ; tel peut être le cas lorsque la cour d'appel statue sur la fin de non-recevoir tirée de l'immunité de juridiction d'un Etat étranger écartée par le premier juge.

2° CONFLIT DE JURIDICTIONS - Compétence internationale - Immunité de juridiction - Bénéficiaires - Détermination - Etats étrangers et les organismes ou personnes agissant par leur ordre ou pour leur compte.

2° ETAT - Etat étranger - Immunité de juridiction - Bénéficiaires - Détermination - Etats étrangers et les organismes ou personnes agissant par leur ordre ou pour leur compte 2° CONFLIT DE JURIDICTIONS - Compétence internationale - Immunité de juridiction - Etats étrangers - Domaine d'application - Actes accomplis dans l'intérêt d'un service public - Applications diverses 2° ETAT - Etat étranger - Immunité de juridiction - Domaine d'application - Actes accomplis dans l'intérêt d'un service public - Applications diverses 2° CONFLIT DE JURIDICTIONS - Compétence internationale - Immunité de juridiction - Etats étrangers - Domaine d'application - Actes de puissance publique - Portée 2° ETAT - Etat étranger - Immunité de juridiction - Domaine d'application - Actes de puissance publique - Portée.

2° Les Etats étrangers et les organismes ou personnes agissant par leur ordre ou pour leur compte bénéficient de l'immunité de juridiction non seulement pour les actes de puissance publique mais aussi pour ceux accomplis dans l'intérêt d'un service public.


Références :

2° :
Code civil 14

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 14 mars 2001

Sur le n° 1 : A rapprocher : Chambre civile 1, 1986-04-15, Bulletin, I, n° 87 (1), p. 87 (cassation), et les arrêts cités. A rapprocher : Chambre civile 1, 1990-05-02, Bulletin, I, n° 92, p. 69 (cassation), et les arrêts cités.


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 27 avr. 2004, pourvoi n°01-12442, Bull. civ. 2004 I N° 114 p. 93
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2004 I N° 114 p. 93

Composition du Tribunal
Président : M. Lemontey.
Avocat général : M. Cavarroc.
Rapporteur ?: Mme Pascal.
Avocat(s) : la SCP Waquet, Farge et Hazan, Me Foussard.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:01.12442
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