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06/04/2004 | FRANCE | N°03-83902

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 06 avril 2004, 03-83902


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le six avril deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire AGOSTINI, les observations de la société civile professionnelle CELICE, BLANCPAIN et SOLTNER, avocat en la Cour ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Nicole,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 13ème chambre, en date du 24 avril 2003, qui dans la

procédure suivie contre elle pour tromperie, a confirmé le jugement du tribunal correctionnel ...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le six avril deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire AGOSTINI, les observations de la société civile professionnelle CELICE, BLANCPAIN et SOLTNER, avocat en la Cour ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Nicole,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 13ème chambre, en date du 24 avril 2003, qui dans la procédure suivie contre elle pour tromperie, a confirmé le jugement du tribunal correctionnel de PARIS, en date du 6 décembre 2001, l'ayant condamnée à 75 000 francs d'amende ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, L. 215-11 du Code de la consommation, 591 et 593 et du Code de procédure pénale, ensemble défaut de motifs et manque de base légale et violation du principe du contradictoire ;

"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé le jugement déféré sur la culpabilité et sur le montant de l'amende prononcée ;

"aux motifs que "la prévenue ne saurait soutenir qu'elle n'a pas été en mesure de demander une expertise contradictoire dès lors que l'infraction lui a été notifiée par le contrôleur ainsi que par les services de police, le 6 avril 2000 à la demande du parquet, et qu'elle a déclaré expressément qu'elle ne demandait pas d'expertise contradictoire" ;

"alors qu'aux termes de l'article L. 215-11 du Code de la consommation, lorsque la présomption de fraude ou de falsification résulte de l'analyse faite au laboratoire, l'auteur présumé de la fraude ou de la falsification est avisé par le procureur de la République qu'il peut prendre communication du rapport du laboratoire et qu'un délai de trois jours francs lui est imparti pour présenter ses observations et pour faire connaître s'il réclame l'expertise contradictoire ; que viole le texte susvisé l'arrêt qui considère que les garanties instituées par l'article L. 215-11 du Code de la consommation pourraient être suppléées, a posteriori, par la seule notification de l'infraction ;

"alors, d'autre part, que méconnaît de plus fort le respect du contradictoire et le principe de l'égalité des armes l'arrêt qui se fonde sur ce que Nicole X... aurait déclaré aux services de police le 6 avril 2000 qu'elle ne demandait pas d'expertise contradictoire sans constater qu'à la date où elle a fait cette déclaration elle avait une connaissance certaine de la présence au dossier de la DGCCRF d'une expertise à charge établie unilatéralement par la DGCCRF" ;

Attendu que, pour écarter l'exception de nullité des poursuites prise d'une prétendue inobservation des formalités concernant la notification du rapport du laboratoire, l'arrêt attaqué relève que la prévenue a déclaré aux policiers, qui l'entendaient à la requête du procureur de la République, qu'elle ne demandait pas d'expertise contradictoire ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel, qui a cru, à tort, devoir répondre à une exception qui n'avait pas été soulevée avant toute défense au fond devant le tribunal correctionnel, a néanmoins justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen est inopérant ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 212-1, L. 213-1 et L. 213-2 du Code de la consommation, 2, 3 et 5 du décret du 12 septembre 1989, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motif et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a condamné Nicole X... à une amende délictuelle de 11 433,68 euros du chef de tromperie ;

"aux motifs que "Nicole X... fait valoir, pour sa défense, qu'elle n'avait pas fait procéder à des tests, sur les jouets litigieux par un laboratoire européen, du fait que le fabricant chinois lui avait fait parvenir un certificat de conformité émanant d'un laboratoire chinois ayant reçu l'accréditation Hoklas ; elle soutient, à cet égard, que le Comité Français d'accréditation ayant passé des accords avec l'organisme European Cooperation Of Accreditation (EA) avec le Hongkong Laboratory Accreditation Schem (HOKLAS), qui dispense lui-même des accréditations à différents laboratoires chinois, dont celui qui a testé les produits qu'elle a importés, ceux-ci ne pouvaient qu'être conformes à la norme européenne EN 71 ; or, si le laboratoire chinois YTII indique dans son rapport qu'il a testé des ours en tissu portant les références NC 5143 AB (ours marins) et STYW 6138 (petits ours) qui sont identiques à celles portées sur la facture du fabricant chinois, force est de constater que cette facture ne comporte aucune description des produits exportés, dont on ignore même la nature, ce qui laisse planer un doute sur la similitude des articles vendus avec les jouets testés ; par ailleurs, les tests effectués par le laboratoire de Marseille ont démontré que les jouets, destinés par nature à des enfants de moins de 36 mois (et testés pour cette tranche d'âge par le laboratoire chinois) n'étaient pas conformes à la norme européenne NF EN 71-1, d'application obligatoire ; en effet, cette norme prévoit une résistance à l'arrachement de 90 Newtons pour les composants susceptibles d'être arrachés par les doigts des enfants de moins de 36 mois ; le décret n° 89-662 du 12 septembre 1989, qui est relatif à la prévention des risques résultant de l'usage des jouets dispose en son article 2 que "ne peuvent être fabriqués, importés, mis en vente que les jouets qui respectent les exigences essentielles définies à l'annexe II du présent décret et qui sont munis du marquage CE" ; s'agissant des "exigences essentielles", l'article 1-D de l'annexe II prescrit que "les jouets et leurs composants et leurs parties susceptibles d'être détachables des jouets manifestement destinés aux enfants de moins de 36 mois doivent être de dimensions suffisantes pour ne pas être avalés ou inhalés" ; s'agissant du marquage CE, l'article 3 du décret précise "que peuvent être munis du marquage CE les jouets qui satisfont à l'une des deux obligations suivantes : - avoir été fabriqués conformément aux normes les concernant, dont les références sont publiées au JO ; dans ce cas, le fabricant ou son mandataire ou, à défaut, toute personne qui met les jouets sur le marché, tient à la disposition des agents chargés du contrôle : - une description des moyens par lesquels le fabricant justifie la conformité de la production aux normes, - l'adresse des lieux de fabrication et entreposage, - des renseignements détaillés concernant la conception et la fabrication de ces jouets ; s'il ne respecte pas toutes les normes visées au paragraphe 1er ci-dessus, être conforme à un modèle qui bénéficie de l'attestation "CE 2 TYPE" (délivrée par un organisme habilité à cet effet par arrêté du ministre chargé de l'Industrie) ;

or il apparaît des constatations faites lors du contrôle que les prescriptions de sécurité de ce décret n'étaient pas, en fait, respectées, que le graphisme utilisé pour le marquage CE différent de celui exigé, et que l'entreprise responsable de la mise sur le marché n'était pas identifiable ; par ailleurs, ce marquage CE ne peut s'appliquer qu'aux jouets fabriqués conformément aux normes, et, dans ce cas, le fabricant ou le responsable de la mise sur le marché doit tenir à la disposition des contrôleurs une description des moyens par lesquels le fabricant justifie la conformité de la production aux normes ; or, en l'espèce, le rapport du laboratoire chinois ne porte aucune indication sur la nature des tests réalisés, aucune mesure de résistance des jouets à l'arrachage n'est produite, et des renseignements détaillés concernant la conception et la fabrication des jouets, que Nicole X... n'a pu produire ; enfin, les jouets mis sur le marché français ne bénéficient pas non plus de l'attestation "CE 2 TYPE" ; dès lors, l'élément matériel de la tromperie est constitué par le fait que Nicole X... a mis sur le marché des produits non conformes à la réglementation ; la prévenue étant PDG d'une entreprise import-export qui, en particulier avec la Chine, aurait dû et aurait parfaitement pu faire contrôler les produits de façon à établir s'ils étaient ou non conformes à la réglementation, les rapports du laboratoire chinois n'étant ni suffisants ni probants, et aurait également dû exiger un dossier du fabricant ; dès lors qu'elle s'en est abstenue, l'élément intentionnel de l'infraction visée à la prévention est également établi" ;

"alors, d'une part, qu'il résulte des accords de reconnaissance mutuelle (International Laboratory Accreditation Cooperation) auxquels est partie le Cofrac que les tests effectués par un laboratoire accrédité Hoklas sont équivalents à ceux réalisés par un laboratoire français ayant le label du Cofrac de sorte que prive sa décision de toute base légale au regard des textes susvisés et méconnaît l'accord de reconnaissance mutuelle, la cour d'appel qui, pour caractériser le délit de tromperie, considère que Nicole X... aurait dû faire contrôler les peluches par un laboratoire français ;

"alors, d'autre part, que la production d'un certificat de conformité avec les normes européennes établit une présomption de bonne foi dispensant l'importateur de vérification supplémentaire ;

qu'en déduisant l'élément intentionnel du délit de tromperie de l'absence de renouvellement d'un contrôle de conformité sur le territoire national, la cour d'appel a méconnu la présomption qui s'attache au certificat de conformité établi au regard des normes européennes, violant les articles visés au moyen" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt que la société "le Gift Center" a importé de Chine 8 400 ours en peluche revêtus d'un marquage "CE" et destinés aux enfants de moins de 36 mois ; que, constatant l'absence de référence de l'étiquetage et l'existence de risques d'arrachement de petits éléments pouvant être avalés ou inhalés, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes a fait procéder à un contrôle en laboratoire qui a établi que les peluches n'étaient pas conformes aux décrets du 12 septembre 1989 ; que Nicole X..., dirigeante de la société, a été poursuivie pour tromperie sur les qualités substantielles et les risques inhérents à l'utilisation de ces jouets, les rendant dangereux pour la santé de l'homme ;

Que, pour sa défense, la prévenue a produit un certificat attestant de la conformité des peluches au regard des normes européennes ; qu'elle a fait valoir que ce certificat, établi par un laboratoire chinois bénéficiant du label "Hoklas" délivré par l'organisme d'accréditation de Hong-Kong, partie aux accords internationaux de reconnaissance mutuelle également signés par le Comité français d'accréditation, suffisait à établir la conformité des jouets sans qu'il soit besoin de faire procéder à des vérifications ;

Attendu que, pour entrer en voie de condamnation, l'arrêt, qui prononce par les motifs repris au moyen, retient que la prévenue a mis sur le marché des jouets ne respectant ni les exigences essentielles de sécurité précisées par l'annexe II du décret du 12 septembre 1989 ni les conditions autorisant l'apposition d'un marquage "CE" ; que les juges ajoutent qu'elle s'est abstenue de procéder aux vérifications que l'insuffisance du certificat remis par le fournisseur chinois imposait comme d'exiger le dossier du fabricant ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel, après avoir fait l'exacte application des articles L. 212-1 et L. 213-1 du Code de la consommation et du décret du 12 septembre 1989, et souverainement apprécié la valeur du certificat de conformité produit, a caractérisé en tous ses éléments le délit dont elle a déclaré la prévenue coupable ;

D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Agostini conseiller rapporteur, M. Farge conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Lambert ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 03-83902
Date de la décision : 06/04/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

FRAUDES ET FALSIFICATIONS - Tromperies - Tromperie sur l'aptitude à l'emploi, les risques inhérents à l'utilisation du produit, les contrôles effectués - Eléments constitutifs - Elément intentionnel - Importateur de jouets - Défaut de vérification des produits importés - Certificat de conformité délivré par un laboratoire étranger accrédité par les autorités nationales.

FRAUDES ET FALSIFICATIONS - Tromperies - Tromperie sur l'aptitude à l'emploi, les risques inhérents à l'utilisation du produit, les contrôles effectués - Marchandises - Défaut de vérification des produits importés - Certificat de conformité délivré par un laboratoire étranger accrédité par les autorités nationales

Les juridictions du fond apprécient souverainement la valeur d'un certificat de conformité aux normes européennes de jouets en provenance de pays tiers à l'Union européenne. La circonstance que le certificat soit établi par un laboratoire étranger bénéficiant d'un label délivré par un organisme d'accréditation étranger partie aux accords de reconnaissance mutuelle, également signés par le comité français d'accréditation, ne dispense pas l'importateur de toute vérification complémentaire. En conséquence, fait l'exacte application des articles L. 212-1 et L. 213-1 du Code de la consommation et des dispositions du décret du 12 septembre 1989, la cour d'appel qui, pour condamner un prévenu pour tromperie sur les qualités substantielles et les risques inhérents à l'utilisation d'ours en peluche, retient notamment qu'il s'est abstenu de procéder aux vérifications imposées par l'insuffisance du certificat remis par son fournisseur chinois.


Références :

Code de la consommation L.212-1, L.213-1
Décret 89-662 du 12 septembre 1989

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 24 avril 2003

Dans le même sens que : Chambre criminelle, 1991-10-17, Bulletin criminel 1991, n° 356 (1 et 2), p. 888 (rejet), et les arrêts cités ; Chambre criminelle, 1999-04-07, Bulletin criminel 1999, n° 72, p. 200 (rejet)

arrêt cité.


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 06 avr. 2004, pourvoi n°03-83902, Bull. crim. criminel 2004 N° 86 p. 328
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2004 N° 86 p. 328

Composition du Tribunal
Président : M. Cotte
Rapporteur ?: Mme Agostini.
Avocat(s) : la SCP Célice, Blancpain et Soltner.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:03.83902
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