AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que par protocole du 16 novembre 1990, la société autrichienne Rudolph X... Transeuropa Haus-Haus Speditions Kg (Rudolph X...), la société Boulanger Belgique et sa filiale à 99,84% la société Boulanger SA, toutes trois spécialisées dans les transports internationaux, ont organisé un partenariat commercial ; que le contrat, à durée indéterminée, pouvait être résilié avec un préavis de trois mois, le non-respect de ce délai étant sanctionné par une indemnité conventionnellement prévue ; que cependant l'accord pouvait être considéré comme nul immédiatement notamment en cas de passage sous le contrôle d'une autre société ; que, la société Rudolph X... ayant mis fin au contrat sans préavis en invoquant la prise de contrôle par une autre société de la société Boulanger, celle-ci a saisi, le 4 juin 1997, le tribunal de commerce d'une demande en paiement de l'indemnité pour rupture abusive et de dommages-intérêts pour concurrence déloyale ; que le Tribunal s'est déclaré compétent pour le tout et a condamné la société Rudolph X... sur les deux chefs ;
Sur le premier moyen, qui n'est pas nouveau :
Vu les articles 5,1 , et 5,3 , de la Convention de Lugano du 16 septembre 1988 ainsi que le préambule et l'article 1 du Protocole n° 2 annexé à la Convention ;
Attendu que pour déclarer la juridiction française compétente pour statuer sur l'ensemble des demandes de la société Boulanger contre la société Rudolph X..., l'arrêt retient, par motifs adoptés, que l'attitude de cette dernière société peut être constitutive de concurrence déloyale et faire l'objet d'une action en responsabilité délictuelle de la compétence du tribunal de commerce, au sens de l'article 5, paragraphe 3, de la Convention de Lugano, le fait dommageable s'étant produit et le préjudice réalisé dans son ressort, et par motifs propres, que la compétence des juridictions françaises est également justifiée en ce que, dans l'assignation, l'action en responsabilité délictuelle est primordiale ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que les demandes avaient l'une un fondement contractuel et l'autre un fondement délictuel et que la juridiction compétente pour statuer sur le fondement de l'article 5,3 , de la Convention de Lugano ne l'est pas pour connaître des demandes faites sur un fondement contractuel, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le troisième moyen pris en sa première branche :
Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que pour dire établis les actes de concurrence déloyale et condamner la société Rudolph X... au paiement de dommages-intérêts, l'arrêt attaqué, par motifs adoptés, retient que cette société a débauché les trois membres du personnel de la société Boulanger France qui s'occupaient presque exclusivement des relations avec la société autrichienne ;
Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions d'appel par lesquelles cette société soutenait, de première part, que deux des employés concernés étaient en réalité des salariés de la société Boulanger Belgique, de deuxième part, qu'elle n'avait pas embauché ces personnes qui avaient crée leur propre entreprise avec laquelle elle avait contracté et, de troisième part, que l'ancien salarié de la société française n'était pas lié par une clause de non concurrence, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les autres moyens :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses dispositions disant d'une part la juridiction française compétente pour connaître des demandes ayant un fondement non délictuel et d'autre part les actes de concurrence déloyale établis, l'arrêt rendu le 11 janvier 2001, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;
Condamne la société Boulanger aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société Boulanger et la condamne à payer à la société Rudolph X... une somme de 2 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente mars deux mille quatre.