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17/03/2004 | FRANCE | N°02-14711

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 17 mars 2004, 02-14711


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Rennes, 19 mars 2002), qu'en 1993, M. et Mme Le X... ont fait à la société anonyme Kervilly l'apport d'un fonds de commerce d'hypermarché exploité jusqu'alors sous forme d'entreprise individuelle ; que l'apport a été soumis au régime de faveur des articles 151 octiès et 809-I bis du Code général des Impôts, donnant lieu au paiement d'un droit fixe de 500 francs contre l'engagement des apporteurs de cons

erver pendant cinq ans les titres remis en contrepartie ; que la société K...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Rennes, 19 mars 2002), qu'en 1993, M. et Mme Le X... ont fait à la société anonyme Kervilly l'apport d'un fonds de commerce d'hypermarché exploité jusqu'alors sous forme d'entreprise individuelle ; que l'apport a été soumis au régime de faveur des articles 151 octiès et 809-I bis du Code général des Impôts, donnant lieu au paiement d'un droit fixe de 500 francs contre l'engagement des apporteurs de conserver pendant cinq ans les titres remis en contrepartie ; que la société Kervilly a pris en charge les dettes du compte "fournisseurs" de M. et Mme Le X... qui ont reçu des parts sociales représentant la somme de 10 000 000 francs en contrepartie de leur apport ; que la société Kervilly a en outre racheté le stock de marchandises pour le prix de 50 034 464 francs ; que l'administration des impôts a remis en cause le régime de faveur au motif que le passif "fournisseurs" avait été pris en charge par la société bénéficiaire de l'apport alors que le stock de marchandises afférent à l'activité apportée lui avait été vendu ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches, et le deuxième moyen, pris en ses deux branches, réunis :

Attendu que la société Kervilly fait grief à l'arrêt d'avoir confirmé le jugement du tribunal de grande instance de Quimper et rejeté sa demande en restitution de la somme de 10 195 970 francs, alors, selon le moyen :

1 ) qu'ayant admis que le compte fournisseurs était afférent à l'entreprise individuelle et constituait donc un élément de passif rattaché aux actifs transférés, les juges d'appel ne pouvaient retenir qu'il s'agissait d'un passif personnel de l'entreprise individuelle ne se rattachant pas à l'activité exercée ; qu'à l'évidence, l'arrêt est entachée d'une contradiction équivalant à un défaut de motifs en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

2 ) que le passif se rattachant aux actifs transférés et par ailleurs les stocks en tant qu'actifs circulants pouvant être cédés à titre onéreux, le bénéfice du régime de faveur prévu aux articles 151 octiès et 809 I bis du Code général de Impôts ne pouvait être remis en cause ;

qu'en affirmant le contraire la cour d'appel a violé les dispositions des articles 151 octiès et 809 I bis du Code général des Impôts ;

3 ) que dans ses conclusions elle a démontré que le passif pris en charge avait la nature d'un passif nécessaire à l'exploitation de l'entreprise, d'un passif du fonds de commerce exploité en entreprise individuelle ; qu'elle en déduisait par voie de conséquence que la déchéance du régime de faveur ne lui était pas opposable ; qu'en conséquence l'arrêt de la cour d'appel qui soutient qu'elle n'aurait pas tiré de conséquences juridiques de cette qualification a manifestement dénaturé les conclusions de l'exposante et violé les dispositions de l'article 1134 du Code civil ;

4 ) que par ailleurs, tant les textes applicables, à savoir les articles 151 octies et 809 I bis, que la doctrine applicable, prévoient que le régime de faveur des apports d'entreprises individuelles est applicable en cas d'apport à titre onéreux résultant de la prise en charge par la société du passif incombant à un exploitant individuel qui apporte à une société l'ensemble de ses éléments d'actif professionnel ; que par voie de conséquence, la cour d'appel a violé les dispositions des articles 161 octies et 809 I bis du Code général des Impôts, ensemble l'article L. 80 A du Livre des procédures fiscales ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'il résulte de l'article 809-I bis du Code général des Impôts, dans sa rédaction applicable à la cause, qu'en cas d'apport réalisé à compter du 1er avril 1981, dans les conditions fixées au II de l'article 151 octies, par une personne physique à une société de l'ensemble des éléments d'actif immobilisé affectés à l'exercice d'une activité professionnelle, la prise en charge du passif, dont sont grevés les biens de la nature de ceux énumérés au 3 du I qui sont compris dans l'apport, donne ouverture à un droit de mutation dont le taux est ramené à 8,60% prévu par le III de l'article 810 et que pour les apports réalisés à compter du 1er janvier 1992, le droit de mutation est remplacé par un droit fixe de 500 francs si l'apporteur s'engage à conserver pendant cinq ans les titres remis en contrepartie de l'apport ;

Attendu qu'après avoir relevé, par motifs adoptés, que la société Kervilly avait pris en charge les dettes afférentes au stock qu'elle avait acheté à M. et Mme Le X..., ce dont il résultait qu'elle avait supporté des éléments de passif autres que ceux dont étaient grevés les éléments d'actifs immobilisés apportés, la cour d'appel a décidé à bon droit, sans se contredire et abstraction faite des motifs surabondants cités par la troisième branche, que la société Kervilly ne pouvait bénéficier du régime de faveur prévu par l'article 809 I bis du Code général des Impôts ;

Attendu, en second lieu, que le moyen qui se borne à invoquer l'article L. 80 A du Livre des procédures fiscales sans préciser l'instruction ou la circulaire publiée par laquelle l'Administration a fait connaître son interprétation du texte fiscal appliqué par le redevable, ne répond pas aux exigences de l'article 978, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile et doit être déclaré irrecevable ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

Et sur le troisième moyen :

Attendu que la société Kervilly fait encore le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen, que les intérêts de retard constituent en réalité une sanction automatique et disproportionnée que le juge ne peut moduler ; qu'ils ne sont donc pas conformes aux dispositions de l'article 6 de la CEDH ; que la décharge ou à tout le moins leur limitation au taux de l'intérêt légal s'imposait ; qu'en la refusant en son principe la cour d'appel a violé les dispositions précitées ;

Mais attendu que l'arrêt énonce à bon droit que les intérêts de retard prévus par l'article 1727 du Code général des Impôts, qui sont destinés à compenser le préjudice financier subi par le Trésor public du fait de l'encaissement tardif de sa créance, ne sont pas des sanctions susceptibles de justifier la mise en oeuvre des garanties résultant de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Kervilly aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société Kervilly ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mars deux mille quatre.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 02-14711
Date de la décision : 17/03/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

1° IMPOTS ET TAXES - Enregistrement - Droits de mutation - Mutation à titre onéreux de meubles - Société - Dispositions générales - Apport - Apport d'une activité professionnelle avec prise en charge du passif - Passif - Limite.

1° Ne peut bénéficier du régime de faveur prévu par l'article 809-I bis du Code général des impôts la société qui supporte des éléments de passif autres que ceux dont sont grevés les éléments d'actifs immobilisés apportés.

2° IMPOTS ET TAXES - Redressement et vérifications (règles communes) - Garantie - Interprétation par instruction ou circulaire publiée - Instruction ou circulaire non précisée - Irrecevabilité.

2° CASSATION - Moyen - Moyen imprécis - Doctrine administrative - Moyen ne précisant pas l'acte administratif exprimant cette doctrine.

2° Doit être déclaré irrecevable, comme ne répondant pas aux exigences de l'article 978, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile, le moyen qui se borne à invoquer l'article L. 80 A du Livre des procédures fiscales sans préciser l'instruction ou la circulaire publiée par laquelle l'Administration a fait connaître son interprétation du texte fiscal appliqué par le redevable.

3° IMPOTS ET TAXES - Recouvrement (règles communes) - Pénalités et sanctions - Intérêt de retard - Montant - Convention européenne des droits de l'homme - Article 6 - Mise en oeuvre (non).

3° CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 6 - 1 - Tribunal - Accès - Impôts et taxes - Recouvrement - Pénalités et sanctions - Intérêt de retard - Montant (non).

3° Les intérêts de retard prévus par l'article 1727 du Code général des impôts, destinés à compenser le préjudice financier subi par le Trésor public du fait de l'encaissement tardif de sa créance, ne sont pas des sanctions susceptibles de justifier la mise en oeuvre des garanties résultant de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.


Références :

1° :
2° :
3° :
3° :
Code général des impôts 1727
Code général des impôts art. 809-I bis
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales art. 6.1
Livre des procédures fiscales L80 A
Nouveau Code de procédure civile 978 al. 2

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 19 mars 2002

Sur le n° 2 : A rapprocher : Chambre commerciale, 1992-04-21, Bulletin, IV, n° 171 (1), p. 120 (cassation sans renvoi). Sur le n° 3 : A rapprocher : Chambre commerciale, 1998-10-06, Bulletin, IV, n° 230 (1), p. 193 (rejet) ; Chambre commerciale, 2001-10-09, Bulletin, IV, n° 162, p. 154 (cassation)

arrêt cité.


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 17 mar. 2004, pourvoi n°02-14711, Bull. civ. 2004 IV N° 54 p. 55
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2004 IV N° 54 p. 55

Composition du Tribunal
Président : M. Tricot.
Avocat général : M. Viricelle.
Rapporteur ?: M. Truchot.
Avocat(s) : Me Ricard, la SCP Thouin-Palat et Urtin-Petit.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:02.14711
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