AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que le 3 juin 1992 M. X... salarié de M. Y... a été blessé par le godet d'un tractopelle manoeuvré maladroitement par un autre salarié ; que l'arrêt infirmatif attaqué (Caen, 17 mai 2002) a reconnu l'existence d'une faute inexcusable de l'employeur ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. Y... fait grief à la cour d'appel d'avoir statué ainsi, alors, selon le moyen :
1 / qu'est irrecevable toute prétention émise contre une personne dépourvue d'existence juridique ; que cette irrégularité est sanctionnée par une nullité de fond de la procédure ; qu'au cas d'espèce, en statuant comme ils l'ont fait, alors qu'ils ont constaté que M. Jean-Jacques Y... exploitait son entreprise en son nom personnel et que dès lors, l'Entreprise Y... n'avait aucune existence juridique propre, l'action devant être engagée directement contre M. Y..., les juges du fond n'ont pas tiré les conséquences légales de leurs propres constatations et ont violé les articles 32, 117, 118, 119 et 121 du nouveau Code de procédure civile, ensemble l'article 1147 du Code civil et l'article L.452-1 du Code de la sécurité sociale ;
2 / que l'acte de saisine dirigé contre une personne inexistante est atteint d'une nullité de fond ; que partant, la nullité doit être prononcée sans qu'il y ait besoin de prouver l'existence d'un grief ; qu'au cas d'espèce, en énonçant pour statuer comme ils l'ont fait que M. Y... n'avait subi aucun grief, les juges du fond ont, de nouveau. violé les articles 32, 117, 118, 119 et 121 du nouveau Code de procédure civile, ensemble l'article 1147 du Code civil et L.452-1 du Code de la sécurité sociale ;
3 / que les exceptions de nullité fondées sur l'inobservation des règles de fond relatives aux actes de procédure peuvent être opposées en tout état de cause ; que par suite, les juges du fond ne pouvaient opposer à M. Y... le fait qu'il n'a pas soulevé l'irrecevabilité de la demande de M. X... à l'audience du 27 janvier 1997 ;
qu'ainsi, sur ce point, l'arrêt a encore été rendu en violation des articles 32, 117, 118, 119 et 121 du nouveau Code de procédure civile, ensemble l'article 1147 du Code civil et l'article L.452-1 du Code de la sécurité sociale ;
4 / que l'acte dirigé contre une personne inexistante est atteint d'une nullité de fond insusceptible de régularisation ; qu'ainsi, les mentions de l'arrêt aux termes desquelles, en cause d'appel, M. X... aurait dirigé son action à l'encontre de M. Jean-Jacques Y... ne peuvent restituer une base légale à l'arrêt attaqué ;
Mais attendu que les irrégularités invoquées ne constituaient qu'un vice de forme ; que la cour d'appel, ayant relevé qu'aucun doute n'avait pu exister en ce qui concerne l'identification de l'employeur, de sorte que celui-ci n'avait subi aucun grief, en a déduit à bon droit que l'action de M. X... était recevable ;
Sur le second moyen :
Attendu qu'il est encore fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir statué ainsi, alors :
1 / qu'une faute inexcusable de l'employeur ne peut être retenue dès lors que la victime a, elle-même, concouru à la réalisation du dommage ; que tel est le cas, notamment, lorsque la victime, chef de chantier, a enfreint les consignes de sécurité les plus élémentaires ; qu'au cas d'espèce, M. Y... faisait valoir (conclusions p. 4 et p.5 et 6) que l'accident ne se serait pas produit si M. X... ne s'était pas approché de l'engin en état de marche alors, qu'en sa qualité de chef de chantier chargé notamment de veiller à la sécurité des ouvriers, il connaissait parfaitement le danger de s'approcher d'un tractopelle muni d'un godet en état de marche ; qu'en statuant comme ils l'ont fait sans rechercher si M. X... n'avait pas commis une faute qui avait concouru à la réalisation de son dommage, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil, ensemble l'article L.452-1 du Code de la sécurité sociale ;
2 / que les juges du fond ne peuvent procéder par voie de simple affirmation ; qu'au cas d'espèce, en énonçant que M. X... n'avait commis aucune faute, sans préciser les éléments de fait sur lesquels ils se fondaient, les juges du fond ont violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les accidents du travail, et que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article L.452-1 du Code de la sécurité sociale lorsque l'employeur avait ou aurait du avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ;
Attendu que les énonciations des juges du fond caractérisent le fait que M. Y... avait conscience du danger consécutif à la conduite de l'engin par un salarié non qualifié et qu'il n'avait pas pris les mesures nécessaires pour en préserver M. X... ;
D'où il suit que l'arrêt, qui n'encourt aucun des griefs du moyen, est légalement justifié ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. Y... et de la CPAM du Calvados ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne M. Y... et l'Entreprise Y... à payer à M. X... la somme de 2 200 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize mars deux mille quatre.