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25/02/2004 | FRANCE | N°03-81173

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 25 février 2004, 03-81173


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-cinq février deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller ROGNON, les observations de Me X..., de la société civile professionnelle BOUZIDI et BOUHANNA et de la société civile professionnelle PEIGNOT et GARREAU, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FINIELZ ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D'APPEL D'AMIENS,

- L'A

DMINISTRATION DES IMPOTS, partie civile,

contre l'arrêt de ladite cour d'appel, chambr...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-cinq février deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller ROGNON, les observations de Me X..., de la société civile professionnelle BOUZIDI et BOUHANNA et de la société civile professionnelle PEIGNOT et GARREAU, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FINIELZ ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D'APPEL D'AMIENS,

- L'ADMINISTRATION DES IMPOTS, partie civile,

contre l'arrêt de ladite cour d'appel, chambre correctionnelle, en date du 21 janvier 2003, qui a débouté la partie civile de ses demandes après relaxe de Marc Y... et Etienne Z... du chef de complicité d'escroquerie ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires produits en demande, en défense et en réplique ;

Sur la recevabilité du pourvoi formé par l'administration des Impôts, contestée en défense :

Attendu qu'il résulte des pièces produites que la déclaration de pourvoi formalisée le 27 janvier 2003 au greffe de la cour d'appel d'Amiens, par la direction des services fiscaux de la Somme, a été signée par l'inspecteur principal Luc A..., en fonction dans cette direction et habilité par elle à suivre les actions relatives à l'impôt ;

Que le pourvoi est recevable ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'Alain B..., dirigeant un groupe de sociétés d'achats et ventes de véhicules automobiles, a organisé un circuit de ventes fictives à l'exportation et obtenu du Trésor public, de 1996 à novembre 1999, le paiement d'une somme de 572 millions de francs, en remboursement de taxes jamais décaissées, en produisant des déclarations mensuelles de chiffre d'affaires, appuyées de documents contrefaits ou falsifiés, comptabilisant des crédits fictifs de TVA ;

Attendu que Marc Y... et Etienne Z..., respectivement commissaire aux comptes et expert-comptable des sociétés, sont poursuivis pour complicité des délits d'escroquerie dont Alain B... a été définitivement reconnu coupable ;

En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation du procureur général près la cour d'appel d'Amiens, pris de la violation des articles 121-6, 121-7, 313-1 du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale ;

Sur le premier moyen de cassation, proposé par Me X..., pris de la violation des articles 121-6, 121-7 et 313-1 du Code pénal, des articles L. 225-35, L. 225-36, L. 225-37 et L. 225-40 du Code de commerce, du décret n° 67-236 du 25 mai 1967, ensemble les articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs ;

"en ce que l'arrêt attaqué a relaxé Marc Y..., commissaire aux comptes, du chef de complicité d'escroquerie et rejeté les demandes formées par l'Etat ;

"aux motifs que "Marc Y... assumait le mandat de commissaire aux comptes de la SA B... depuis sa création ; que, chaque année, sa rémunération s'est élevée, entre 1996 et 1999, à une somme d'environ 86 à 89 000 francs ; que, comme il possédait d'autres mandats dans le groupe, il percevait globalement une rémunération annuelle de 220 000 francs ; que Marc Y... confiait à trois ses collaborateurs, pendant 10 à 15 jours par an, l'exercice concret de sa mission ; que la mission principale du commissaire aux comptes consiste à vérifier les comptes de l'exercice tels qu'ils ont été arrêtés par les dirigeants et tels qu'ils seront soumis à l'approbation de l'assemblée générale des actionnaires ; qu'il doit certifier que les comptes annuels sont essentiellement réguliers et sincères et donnent une image fidèle du résultat des opérations de l'exerce écoulé ; qu'il doit donc contrôler les principaux documents comptables dressés par les dirigeants, notamment le bilan, le compte de résultats et leurs annexes ; que la régularité et la conformité aux lois en général, et aux prescriptions réglementaires applicables à la comptabilité et à la sincérité consiste à préciser les règles qui ont été suivies dans l'établissement des documents comptables en attirant l'attention sur les résultats lorsqu'ils sont inhabituels ; que, comme Etienne Z..., l'attention de Marc Y... a été amoindrie par l'environnement comptable du groupe B... , très structuré, de 12 à 15 salariés selon les époques ; qu'il existait un directeur financier et la présence d'un expert-comptable, dans lequel il avait toute confiance, était un élément supplémentaire de nature à le rassurer ; que Marc Y... avait fait procéder au contrôle de l'activité export par une analyse des factures Mercedes et des factures vers l'acquéreur Car Diffusion ; que toutes les factures Mercedes et Car Diffusion ont été contrôlées pour établir une balance par comparaison de numéros de châssis de chaque véhicule ; qu'il a adressé des mises en demeure écrites à Alain B... , par exemple le 15 décembre 1997 et le 18 mai 1998, mais s'est contenté de la réponse d'Alain B... qui, comme justificatif, lui fournissait un faux fax établi par lui-même ; que les experts Van Den C... et D... ont eux-mêmes noté qu'en l'absence d'une procédure de confirmation directe, les contrôles de substitution qui auraient porté sur des pièces falsifiées auraient été inopérants ; qu'il faut reconnaître que les indicateurs naturels de l'escroquerie n'ont pas fonctionné, puisque le service comptable de la SA B... n'a rien révélé, ni le directeur financier, alors que des formulaires vierges des fausses factures Mercedes ont été retrouvés stockés au service comptable ; que l'expert-comptable n'a exprimé aucun de ses doutes auprès du commissaire aux comptes, alors qu'il avait voulu circulariser, ce à quoi Alain B... s'était opposé ;

que l'administration fiscale, qui dispose de moyens beaucoup plus considérables d'investigation, n'a rien décelé au cours de deux contrôles fiscaux ; que Marc Y... est justifié d'écrire que l'escroquerie était en réalité indécelable, car les schémas comparables habituels, en raison des moyens de faussaire mis en oeuvre par Alain B... comme le faux papier à en-tête, les fausses factures, les fausses correspondances et les faux fax ; que Marc Y... s'est trouvé ainsi dans l'impossibilité de déceler le passage des vraies factures jusqu'en 1993 aux fausses factures à partir de cette dernière date ; que la complicité suppose un acte positif par fourniture de moyen par aide ou assistance, et elle ne peut exister que si aide ou assistance ont été antérieures ou concomitantes du délit principal ; que, cependant, rien ne démontre dans le dossier que Marc Y... ait participé à la préparation ou à l'exécution du délit d'escroquerie alors que la seule négligence ne saurait caractériser l'élément matériel du délit de complicité d'escroquerie ;

quant à l'élément moral, il ne peut s'assimiler à une simple négligence ou à un contrôle insuffisant qui n'est pas une participation active et intentionnelle à la commission de l'infraction, seul mode pour pouvoir retenir un prévenu dans les liens de la prévention, qui n'est pas le cas de Marc Y... en l'espèce" (arrêt pages 10 et 11)" ;

"alors que, premièrement, le commissaire aux comptes se rend coupable de complicité d'escroquerie lorsque, ayant connaissance des faits révélateurs du délit d'escroquerie, il s'abstient, en connaissance de cause, de satisfaire à ses obligations professionnelles, et notamment à son obligation de certifier les comptes et de procéder à toutes les vérifications qu'exige la situation, donnant ainsi l'assurance à l'auteur principal du délit de pouvoir le commettre sans être inquiété ; qu'en l'espèce, les juges du second degré ont retenu que Marc Y... avait connaissance des escroqueries ; qu'il avait néanmoins certifié les comptes de la société et permis à celle-ci de continuer son activité, bien que le remboursement indu de TVA ait causé des dommages considérables à l'Etat (arrêt, page 12 4 et 5) ; qu'en s'abstenant de retenir une complicité d'escroquerie, en l'état de ces énonciations qui établissaient que le commissaire aux comptes s'était volontairement abstenu de satisfaire aux obligations qui lui incombaient, permettant ainsi à l'auteur de l'escroquerie de poursuivre ses agissements frauduleux, les juges du fond ont violé les textes susvisés ;

"et alors que, deuxièmement, les juges du fond ont encore constaté que Marc Y... ayant connaissance des escroqueries, il s'était abstenu de les révéler au procureur de la République comme il aurait dû le faire, et que cette abstention avait permis à l'auteur de la fraude de poursuivre ses activités frauduleuses (arrêt, page 12 4 et 5) ; qu'en refusant de retenir une complicité d'escroquerie, en l'état de ces énonciations, les juges du font ont de nouveau violé les textes susvisés" ;

Les moyens étant réunis ;

Vu l'article 593 du Code de procédure pénale ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu que, pour renvoyer Marc Y..., commissaire aux comptes, des fins de la poursuite du chef de complicité d'escroqueries, l'arrêt attaqué énonce, notamment, que la complicité, supposant un acte positif par fourniture de moyens ou par aide ou assistance, ne peut exister que si l'aide ou l'assistance ont été antérieure ou concomitante au délit principal et que rien ne démontre que le prévenu ait participé à la préparation ou à l'exécution du délit d'escroquerie ; que les juges ajoutent que la seule négligence ne saurait caractériser l'élément matériel du délit de complicité d'escroquerie ; qu'ils retiennent enfin que l'élément moral ne peut être assimilé à une simple négligence ou à un contrôle insuffisant qui n'est pas une participation active et intentionnelle à la commission de l'infraction ;

Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors qu'elle retenait que Marc Y..., déclaré coupable de non-révélation de faits délictueux au procureur de la République, avait connaissance des escroqueries commises par Alain B... et qu'elle relevait que les certifications réitérées des comptes avaient permis la poursuite des activités de la société au préjudice de l'Etat, appelé à rembourser chaque mois le montant de la TVA, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Sur le second moyen de cassation du procureur général près la cour d'appel d'Amiens, pris de la violation des articles 121-6, 121-7, 313-1 du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale ;

Sur le second moyen de cassation, proposé par Me X..., pris de la violation des articles 121-6, 121-7 et 313-1 du Code pénal, de l'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945, ensemble les articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, 2 de l'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945, défaut de motifs ;

"en ce que l'arrêt attaqué a relaxé du chef de complicité d'escroquerie Etienne Z..., expert-comptable, et rejeté les demandes formées par l'Etat ;

"aux motifs que "Etienne Z... ne disposait d'aucune lettre de mission concernant les sociétés dans lesquelles il intervenait ; qu'expert-comptable depuis 1987, il dirigeait depuis 1988 la SECS qui employait 17 collaborateurs et il était présent à la société B... un jour par semaine, qui était sa cliente depuis 1986, le groupe B... représentant 20 % du chiffre d'affaires de son cabinet ; qu'en 1999, il avait sollicité un montant d'honoraires de 235 000 francs pour la SA B... et un total de près de 1 500 000 francs pour le groupe ; que sa mission de présentation des comptes annuels devait comporter diverses diligences ayant pour objectif de lui permettre de rédiger une attestation indiquant qu'il n'a pas relevé d'éléments mettant en cause la cohérence et la vraisemblance des comptes annuels ; que le contrôle de la cohérence devait porter sur le rapprochement formel des documents et informations entre eux et la vraisemblance sur la qualité de l'information produite par le rapport à la connaissance de l'entreprise et de son environnement ; qu'en l'espèce, Etienne Z... ne s'est jamais étonné de l'existence dans la comptabilité de la SA B... d'un compte fournisseur Mercedes, alors que cette société n'était pas concessionnaire Mercedes ; qu'il n'a donc jamais demandé la copie du contrat de concession qui n'existait pas, ne serait-ce que pour vérifier les conditions qui auraient pu y figurer ;

qu'il admettait, cependant, que ce document aurait dû être dans son dossier ; qu'il a pu expliquer aux enquêteurs : "j'ai fait ce que j'ai pu en fonction des informations que j'avais, ma mission a été remplie, sauf pour l'export, car je n'avais pas les documents pour ce faire ; je les ai réclamés, je ne les ai pas obtenus, ce qui m'embêtait ; en fait, c'était les comptes périphériques, les comptes clients Mercedes et Car Diffusion, car il y avait des refacturations" ; qu'il est ainsi établi qu'Etienne Z... s'est montré peu diligent et a accompli sa mission avec de très nombreuses carences ; que, cependant, il convient de remarquer qu'un premier contrôle fiscal d'octobre 1993 à mai 1994 a crédibilisé la cohérence du système mis en place par Alain B... , puisqu'aucune objection n'a été faite à l'égard des paiements par compensation qui pouvaient paraître très surprenants dans une telle configuration ; que le centre des Impôts de Peronne, qui remboursait la TVA tous les mois, s'est satisfait des réponses d'Alain B... , et une seconde vérification fiscale du 14 octobre 1998 au 3 novembre 1999, portant sur les années 1995 à 1999, s'est conclue par une lettre du vérificateur du 3 novembre 1999 à Alain B... , rédigée de la manière suivante : "la vérification comptable pour 1998 n'a donné lieu à aucun redressement ; il m'est agréable de vous en faire part" ; que l'absence de suite de ces contrôles fiscaux a endormi de manière supplémentaire l'attention d'Etienne Z... qui s'est contenté de vivre sur ses errements habituels et d'accepter les réponses évasives de M. B... ; que le dossier n'a pu mettre en évidence aucun acte matériel préalable et concomitant à l'escroquerie commise par Alain B... , alors que rien n'indique qu'Etienne Z... avait connaissance du mécanisme de la fraude ;

qu'il convient d'ajouter un élément d'ordre économique : Alain B... était à la tête du plus grand groupe économique de la région de Peronne, il faisait vivre 640 salariés et il faisait valoir lui-même que certaines des opérations à l'exportation, qui rapportaient 80 % du chiffre d'affaires de la société, étaient couvertes par un certain secret commercial des tractations qui devait perdurer pour ne pas faire capoter certains marchés particulièrement juteux ; qu'Etienne Z..., dans sa grande candeur, s'est contenté de cette explication sans chercher à aller plus loin pour des raisons précitées, puisque tout acteur économique est nécessairement obsédé par le risque de licenciement de personnel si les marchés commerciaux ne sont pas maintenus au même étiage ; que, dans ces conditions, en l'absence d'éléments caractérisés de la complicité du délit d'escroquerie, la relaxe d'Etienne Z... qui a été prononcée en première instance devra être confirmée" (arrêt, page 8, dernier , et page 9) ;

"alors que, premièrement, les juges du fond relèvent qu'Etienne Z..., en tant qu'expert-comptable, ne s'est jamais étonné de l'existence dans la comptabilité de la SA B... d'un compte fournisseur Mercedes alors que cette société n'était pas concessionnaire Mercedes, et qu'il n'a jamais demandé la copie du contrat de concession (qui n'existait pas) pour s'assurer des stipulations de ce contrat ; qu'ils relèvent encore qu'Etienne Z... s'est montré peu diligent et a accompli sa mission avec de très nombreuses carences ; qu'ils observent également qu'il s'est contenté de vivre sur ses errements habituels et d'accepter les réponses évasives d'Alain B... ; qu'en s'abstenant de rechercher, eu égard à ces constatations, si, s'abstenant de satisfaire aux obligations qui étaient les siennes, Etienne Z... n'avait pas fourni une aide ou une assistance à l'auteur principal, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des textes susvisés ;

"alors que, deuxièmement, en admettant même que l'abstention d'Etienne Z... n'ait pu être regardée comme préalable aux escroqueries commises au cours de l'exercice qui faisait l'objet de ses travaux, les juges du fond auraient dû rechercher, en tout état de cause, si cette abstention ne permettait pas à l'auteur principal de poursuivre ses agissements, au cours de l'exercice ultérieur, et si elle ne pouvait être retenue comme étant antérieure aux infractions projetées pour avoir fourni à l'auteur principal l'assurance de pouvoir les commettre sans être inquiété ; qu'à cet égard également, l'arrêt attaqué est entaché d'une décision de base légale ;

"alors que, troisièmement, si l'existence ou l'absence d'intention fait l'objet d'une appréciation souveraine, c'est à la condition que les motifs qui constatent l'intention ou l'absence d'intention soient exempts d'erreur de droit, de contradiction ou d'insuffisance ; qu'en l'espèce, les juges du fond ont relevé que l'activité d'export était pour le groupe stratégique (page 5, 5), qu'elle aurait dû retenir toute l'attention de l'expert-comptable et qu'n soin tout particulier aurait dû être apporté aux opérations mensuelles de compensation (page 5, 5) ; qu'ils observent encore qu'Etienne Z... a fermé les yeux sur l'existence dans la comptabilité d'un compte fournisseur Mercedes alors que la société B... n'est pas concessionnaire Mercedes, et que l'expert-comptable n'a jamais demandé la copie du contrat de concession (page 9, 1er) ; qu'il a cependant établi des attestations pour les années 1996 et 1997 sans aucune réserve et n'a pas hésité à noter sur l'attestation en 1998 et 1999 que les stocks et l'activité export n'avaient pas fait l'objet de contrôle particulier de sa part (page 5, 5) ; qu'en s'abstenant de rechercher si ces différents éléments, rapprochés les uns des autres, n'étaient pas de nature à caractériser la conscience d'Etienne Z... de l'existence d'un mécanisme frauduleux révélateur d'une escroquerie, les juges du fond ont entaché leur décision d'une insuffisance de motifs ;

"et alors que, quatrièmement, faute d'avoir indiqué pour quelles raisons l'expert-comptable pouvait ne pas avoir conscience des faits délictueux qui étaient perpétrés au sein de l'entreprise, après avoir retenu que le commissaire aux comptes avait connaissance de ces escroqueries, les juges du fond, qui ne se sont pas suffisamment expliqués, ont de nouveau entaché leur décision d'une insuffisance de motifs" ;

Les moyens étant réunis ;

Vu l'article 593 du Code de procédure pénale ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu que, pour renvoyer Etienne Z..., expert-comptable, des fins de la poursuite du chef de complicité d'escroquerie, l'arrêt attaqué énonce, notamment, que la procédure n'a mis en évidence aucun acte matériel préalable et concomitant à l'escroquerie commise et que rien n'indique qu'Etienne Z... avait connaissance du mécanisme de la fraude ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, sans rechercher si, en établissant les comptes annuels et les déclarations mensuelles du chiffre d'affaires taxable, dont la fictivité ne pouvait échapper à un professionnel de la comptabilité, et en attestant pourtant leur conformité et leur sincérité, le prévenu n'avait pas sciemment permis à l'auteur principal de commettre et réitérer, chaque mois, les escroqueries commises au préjudice du Trésor public, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;

D'où il suit que la cassation est encore encourue ;

Par ces motifs,

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Amiens, en date du 21 janvier 2003, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Amiens et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, M. Rognon conseiller rapporteur, MM. Pibouleau, Challe, Roger, Dulin, Mmes Thin, Desgrange, M. Chanut conseillers de la chambre, Mme de la Lance, MM. Soulard, Samuel, Mme Salmeron conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Finielz ;

Greffier de chambre : Mme Randouin ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 03-81173
Date de la décision : 25/02/2004
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° COMPLICITE - Eléments constitutifs - Aide ou assistance - Définition - Escroquerie.

1° IMPOTS ET TAXES - Taxe sur la valeur ajoutée - Escroquerie au préjudice du Trésor public - Commissaire aux comptes - Complicité - Cas 1° ESCROQUERIE - Escroquerie au Trésor public - Taxe sur la valeur ajoutée - Commissaire aux comptes - Complicité - Cas.

1° Encourt la censure l'arrêt d'une cour d'appel qui relaxe un commissaire aux comptes du chef de complicité d'escroqueries à la TVA après avoir retenu que le prévenu avait connaissance des faits délictueux commis par l'auteur principal et relevé que les certifications réitérées de comptes annuels fictifs en avaient permis la continuation.

2° COMPLICITE - Eléments constitutifs - Aide ou assistance - Définition - Escroquerie.

2° IMPOTS ET TAXES - Taxe sur la valeur ajoutée - Escroquerie au préjudice du Trésor public - Expert-comptable - Complicité - Cas 2° ESCROQUERIE - Escroquerie au Trésor public - Taxe sur la valeur ajoutée - Expert-comptable - Complicité - Cas.

2° Ne justifie pas sa décision la cour d'appel qui renvoie des fins de la poursuite, du chef de complicité d'escroqueries à la TVA, un expert-comptable qui a établi et attesté la sincérité de comptes annuels et de déclarations de chiffre d'affaires dont il ne pouvait ignorer la fictivité, sans rechercher si le prévenu n'avait pas ainsi permis la réitération de l'infraction, commise, chaque mois, au préjudice du Trésor public (1).


Références :

2° :
Code pénal 121-6, 121-7, 313-1

Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens, 21 janvier 2003

CONFER : (2°). (2) A rapprocher : Chambre criminelle, 1979-01-15, Bulletin criminel 1979, n° 21 (1), p. 63 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 25 fév. 2004, pourvoi n°03-81173, Bull. crim. criminel 2004 N° 53 p. 207
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2004 N° 53 p. 207

Composition du Tribunal
Président : M. Cotte
Avocat général : M. Finielz
Rapporteur ?: M. Rognon
Avocat(s) : Me Foussard, la SCP Bouzidi et Bouhanna, la SCP Peignot et Garreau.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:03.81173
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