AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que dans son numéro (2758) daté du 9 au 15 juillet 1999, l'hebdomadaire France-Dimanche, édité par la société Hachette Filipacchi associés (HFA), a publié un article annoncé en page de couverture sous le titre "Caroline - Maman pour la 4e fois", "C'est une fille", illustré d'une photographie de Caroline X..., épouse de Y..., princesse de Y... et de Monaco (Mme de Y...) ;
qu'à l'intérieur du magazine, étaient reproduites trois photographies de l'intéressée prises en public, à l'occasion du 32e concours international de bouquets qu'elle avait présidé à Monaco au mois de mai 1999, encadrant un article écrit sur cinq colonnes et intitulé :"Elle tient à mettre au monde à Monaco sa petite princesse" ; que Mme de Y... a assigné la société HFA en réparation du préjudice subi à la suite des atteintes portées au respect de sa vie privée et de son image ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 9 du Code civil ;
Attendu que pour condamner la société HFA à payer à Mme de Y... la somme de un franc à titre de dommages-intérêts et ordonner une mesure de publication judiciaire, l'arrêt, après avoir exactement énoncé qu'une naissance dans une famille régnante peut répondre aux nécessités de l'information et être portée à la connaissance du public si elle est susceptible d'avoir des conséquences politiques ou dynastiques, comme cela était le cas au sein des familles X... et Y..., retient que le journal France-Dimanche a entouré l'annonce de la naissance de multiples détails concernant principalement les préparatifs et le lieu d'accouchement de Mme de Y... ainsi que les interrogations supposées autour de ce dernier, que ces révélations gratuites ne sont justifiées par aucune nécessité de l'information et qu'elles constituent de ce fait une immixtion manifeste du journal France-Dimanche dans sa vie privée ;
Qu'en statuant ainsi, alors que ces détails et ces interrogations étaient anodins, de sorte qu'ils ne caractérisaient pas une atteinte au respect de la vie privée de Mme de Y..., la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le moyen unique, pris en ses troisième et quatrième branches :
Vu l'article 9 du Code civil ;
Attendu que pour condamner la société HFA à payer à Mme de Y... la somme de un franc à titre de dommages-intérêts et ordonner une mesure de publication judiciaire, l'arrêt après avoir relevé que les photographies représentant Mme de Y... avaient été prises en public, fin mai 1999, dans le cadre des activités officielles de la princesse, énonce que la publication de photographies pour illustrer un événement autre que celui ayant donné lieu à la prise de celles-ci, et ce, sans autorisation de l'intéressée, constitue une atteinte à son droit au respect de son image ;
Qu'en statuant ainsi alors que, sur les photos litigieuses, prises moins de deux mois avant la parution de l'article, l'état de grossesse de Mme de Y... était manifeste, ce dont il résultait l'existence d'un lien direct entre ces photos et l'article qu'elles illustraient, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les deuxième, cinquième et sixième branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 novembre 2001, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne Mme de Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de Mme de Y... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf février deux mille quatre.