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27/01/2004 | FRANCE | N°01-12391

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 27 janvier 2004, 01-12391


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à la Caisse d'épargne Ile-de-France Nord de son désistement à l'égard de la société Masteram International Limited, de Mme X... et de la compagnie Les Mutuelles du Mans ;

Sur le moyen unique pris en ses trois branches :

Attendu que, créancière de M. Y... placé en liquidation judiciaire, la Caisse d'épargne Ile-de-France Nord (la Caisse d'Epargne) a assigné la société Masteram international Limited (la société Masteram) ainsi que les avocats

de cette dernière, Mme Virginie Z..., du barreau de Versailles et Mme X..., du barreau d...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à la Caisse d'épargne Ile-de-France Nord de son désistement à l'égard de la société Masteram International Limited, de Mme X... et de la compagnie Les Mutuelles du Mans ;

Sur le moyen unique pris en ses trois branches :

Attendu que, créancière de M. Y... placé en liquidation judiciaire, la Caisse d'épargne Ile-de-France Nord (la Caisse d'Epargne) a assigné la société Masteram international Limited (la société Masteram) ainsi que les avocats de cette dernière, Mme Virginie Z..., du barreau de Versailles et Mme X..., du barreau de Paris, en paiement de la somme de 6 040 000 francs représentant la différence entre le prix d'adjudication sur surenchère à la société Masteram d'un bien immobilier appartenant à son débiteur, le 27 mars 1996 et celui de sa revente sur folle enchère le 19 février 1997 ; qu'agissant en qualité de liquidateur judiciaire de M. Y..., M. A... de B... est intervenu volontairement à l'instance afin de recevoir les sommes susceptibles d'être mises à la charge des défendeurs ; que la compagnie Les Mutuelles du Mans est également intervenue volontairement ; que les premiers juges ont condamné la société Masteram à verser entre les mains de M. A... de B... ès qualités, la somme de 6 040 000 francs et rejeté les demandes formées par la Caisse d'Epargne contre Mme Z... et Mme X... en retenant qu'aucune faute n'était établie à leur encontre ;

Attendu que la Caisse d'Epargne fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué (Paris, 13 février 2001) d'avoir rejeté sa demande dirigée contre Mme Z..., alors, selon le moyen :

1 ) que l'article 711 du Code de procédure civile, qui interdit notamment aux avocats d'enchérir pour des personnes notoirement insolvables, à peine de nullité de l'adjudication et de dommages-intérêts, n'exclut pas que la responsabilité d'un avocat puisse être recherchée en dehors des hypothèses qu'il prévoit, sur le fondement de la responsabilité civile de droit commun, de sorte qu'en énonçant que la Caisse d'Epargne ne pouvait rechercher la responsabilité de Mme Z... qu'en rapportant la preuve de l'insolvabilité notoire de son client au sens de l'article 711 du Code de procédure civile, la cour d'appel a violé ce texte, ensemble l'article 1382 du Code civil ;

2 ) que l'obligation faite à l'avocat par l'article 29-4 du règlement intérieur du barreau de Versailles de demander à son client une provision égale à 1/10ème de l'enchère envisagée constitue une mesure élémentaire de prudence, destinée non seulement à s'assurer de la solvabilité du client, mais également à dissuader celui-ci de s'engager à la légère ; qu'une telle consignation, si elle ne garantit pas de façon certaine le paiement par l'adjudicataire du solde du prix, est de nature à réduire le risque de non paiement, de sorte que l'avocat qui ne respecte pas cette obligation commet non seulement une faute déontologique, mais encore une imprudence engageant sa responsabilité en cas de non-paiement du prix par son client ; qu'en jugeant qu'en acceptant de surenchérir à hauteur de dix millions de francs pour la société Masteram, en se contentant d'une simple provision de 250 000 francs, Mme Z... n'avait commis aucune faute susceptible d'engager sa responsabilité civile, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;

3 ) qu'en subordonnant la condamnation de Mme Z..., dont la faute était à l'origine du préjudice subi par la Caisse d'Epargne du fait du non-paiement du prix par son client, et du manque à gagner résultant de la revente de l'immeuble sur folle enchère pour seulement 3 360 000 francs, à la preuve de l'impossibilité d'exécuter la condamnation prononcée contre la société Masteram sur le fondement de l'article 741 (a) du Code de procédure civile, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu que l'arrêt retient à bon droit que, sauf à risquer de porter atteinte à la liberté des enchères, les personnes désireuses de porter des enchères ne peuvent en être empêchées en dehors des cas où une disposition législative ou réglementaire y fait obstacle ; qu'il relève ensuite qu'à cet effet l'article 711 du Code de procédure civile fait interdiction aux avocats d'enchérir pour les personnes notoirement insolvables, de sorte que les dispositions du règlement intérieur du barreau dont l'objet ne peut être de réglementer la procédure civile ne pouvait de ce chef créer une obligation civile à la charge de l'avocat ; qu'il constate, enfin, qu'était, au contraire, établie l'apparente solvabilité de la société Masteram qui, préalablement aux enchères, avait remis à son avocate un chèque de 250.000 francs et payé les frais et émoluments ; que le moyen, inopérant en sa troisième branche qui critique un motif surabondant, n'est pas fondé en ses deux premières ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la Caisse d'épargne Ile de France Nord aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la Caisse d'épargne Ile-de-France Nord et la condamne à payer la somme de 1 500 euros à M. A... de B... et celle de 2 500 euros à Mme Z... ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept janvier deux mille quatre.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 01-12391
Date de la décision : 27/01/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

AVOCAT - Responsabilité - Faute - Adjudication - Enchères - Interdiction d'enchérir - Fondement - Disposition légale ou réglementaire.

ADJUDICATION - Règles communes - Enchères - Avocat - Interdiction d'enchérir - Fondement - Disposition légale ou réglementaire

AVOCAT - Conseil de l'Ordre - Pouvoir réglementaire - Adjudication - Enchères - Interdiction d'enchérir sans consignation préalable - Portée

AVOCAT - Barreau - Règlement intérieur - Adjudication - Interdiction d'enchérir sans consignation préalable - Portée

ADJUDICATION - Règles communes - Enchères - Avocat - Consignation préalable pour enchérir - Nécessité (non)

Seule une disposition légale ou réglementaire peut porter atteinte à la liberté des enchères. Tel est le cas de l'article 711 du Code de procédure civile qui fait interdiction aux avocats d'enchérir pour les personnes notoirement insolvables. En revanche, les dispositions du règlement intérieur d'un barreau dont l'objet ne peut être de réglementer la procédure civile, ne peuvent créer une obligation civile à la charge de l'avocat. C'est donc à bon droit que l'arrêt qui constate la solvabilité apparente de l'enchérisseur, rejette l'action en responsabilité de l'avocat fondée sur le non-respect de l'obligation résultant pour lui du règlement intérieur d'un barreau de demander à son client une provision égale à 1/10e de l'enchère envisagée.


Références :

Code de procédure civile 711

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 13 février 2001

A RAPPROCHER : Chambre civile 2, 1990-01-04, Bulletin 1990, II, n° 1, p. 1 (rejet) ; Chambre civile 1, 2002-11-26, Bulletin 2002, I, n° 283 (1), p. 220 (cassation partielle).


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 27 jan. 2004, pourvoi n°01-12391, Bull. civ. 2004 I N° 24 p. 19
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2004 I N° 24 p. 19

Composition du Tribunal
Président : M. Lemontey.
Avocat général : Mme Petit.
Rapporteur ?: M. Bargue.
Avocat(s) : la SCP Baraduc et Duhamel, la SCP Gatineau, la SCP Boré, Xavier et Boré.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:01.12391
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