AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen de cassation du pourvoi principal :
Vu l'article 618 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu, selon ce texte, que lorsque deux décisions, même non rendues en dernier ressort et dont aucune n'est susceptible d'un recours ordinaire, sont inconciliables, elles peuvent être frappées d'un pourvoi unique, la Cour de Cassation, si la contrariété est constatée, annulant l'une des décisions ou, s'il y a lieu, les deux ;
Attendu que, le 4 octobre 1991, deux fonctionnaires de police, avisés qu'un cambriolage venait de se commettre, ont poursuivi avec leur véhicule administratif les malfaiteurs qui s'enfuyaient à bord de trois automobiles volées ; que M. X... s'est joint à la poursuite avec un second véhicule administratif ; qu'au cours de cette poursuite, une des automobiles poursuivies a percuté le premier véhicule administratif et a été projetée sur le véhicule conduit par M. X... ; que, blessé, M. X... a demandé à être indemnisé par une commission des victimes d'infraction (CIVI) ; qu'un arrêt de la cour d'appel de Grenoble du 14 mars 1995 a rejeté sa demande en considérant que M. X... avait été victime d'atteintes corporelles entrant dans le champ d'application de la loi du 5 juillet 1985 ;
Attendu qu'à la suite de ce premier arrêt M. X... a assigné la Matmut, assureur d'un des véhicules volés, l'agent judiciaire du Trésor et le Fonds de garantie contre les accidents de la circulation et de chasse (FGA), en réparation de son préjudice ; qu'un arrêt de la cour d'appel de Paris du 26 février 2001 a déclaré sa demande irrecevable en énonçant que la loi du 5 juillet 1985 n'était applicable qu'aux seuls accidents de la circulation, à l'exclusion des infractions volontaires et des conséquences prévisibles de celles-ci et en retenant que le dommage était la conséquence directe et prévisible, tant pour les malfaiteurs que pour ce fonctionnaire de police lancé à leur poursuite, du cambriolage ;
Attendu que du rapprochement de ces deux arrêts, il résulte tout à la fois que la loi du 5 juillet 1985 est applicable et ne l'est pas ; que ces décisions sont inconciliables et aboutissent à un déni de justice ;
Attendu que, pour rejeter la demande de M. X..., l'arrêt de la cour d'appel de Grenoble du 14 mars 1995 retient que pour fuir les policiers qui le poursuivaient, le conducteur d'un véhicule poursuivi a sans hésitation donné un coup de volant, percuté le véhicule administratif qui le pourchassait et projeté celui-ci sur le véhicule administratif qui venait en renfort et qui était conduit par M. X..., que le conducteur du véhicule poursuivi n'a pu agir volontairement à l'encontre de M. X..., dont le véhicule n'a été heurté que par ricochet, que la seule action volontaire de ce conducteur était manifestement d'échapper aux policiers et que, ce faisant, il a occasionné un accident de la circulation ;
Attendu qu'en statuant ainsi alors qu'il résultait de ses propres constatations que le dommage subi par M. X... était la conséquence directe de l'action volontaire du conducteur et ne résultait pas d'un accident de la circulation, la cour d'appel a violé l'article 1er de la loi du 5 juillet 1985 ;
Qu'il y a lieu en conséquence d'annuler l'arrêt rendu par la cour d'appel de Grenoble le 14 mars 1995 ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen du pourvoi principal et sur le moyen unique du pourvoi incident :
ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 mars 1995, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes d'une part de M. X..., de deuxième part de la MATMUT et de troisiéme part de l'Agent judiciaire du Trésor ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux janvier deux mille quatre.