AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Angers, 6 novembre 2000), que la banque Courtois (la banque) a consenti en 1989 à la société La Gerbe d'Or une ouverture de crédit en compte courant de 2 000 000 francs garantie par le nantissement à due concurrence du fond de commerce de celle-ci ; qu'en juillet 1992, la société SCJ a été mise en redressement judiciaire avec confusion de patrimoines des sociétés de l'ensemble du "groupe" dont la société La Gerbe d'Or faisait partie ; que le 21 février 1994, un plan de continuation du "groupe" SCJ prévoyant pour les prêts garantis des modalités de remboursement distinctes et plus favorables que celles des autres créances a été homologué par le tribunal ; que la banque a été admise au passif par ordonnance du juge en avril 1994 pour 1 890 949,69 francs à titre privilégié ; que s'estimant être en droit d'être remboursée dans les conditions prévues au titre des prêts garantis, la banque a demandé au tribunal la condamnation de la société La Gerbe d'Or au paiement intégral des sommes dues à ce titre ;
Attendu que la société La Gerbe d'Or fait grief à l'arrêt d'avoir accueilli cette demande, alors, selon le moyen :
1 ) que dans ses conclusions signifiées le 24 août 2000, la société La Gerbe d'Or faisait valoir que par sa lette du 9 février 1994, la banque s'est placée au rang des créanciers qui ont refusé le plan de continuation tel qu'il a été proposé ; qu'en conséquence, elle ne peut pas prétendre bénéficier des modalités de remboursement plus favorables des prêts garantis par une sûreté réelle ; qu'en considérant que la banque a une créance qui doit être apurée conformément aux dettes de prêts garantis et non aux autres dettes sans répondre à ce moyen péremptoire, la cour d'appel a méconnu les dispositions de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
2 ) que l'ouverture de crédit est une promesse de prêt par laquelle le banquier s'engage à remettre les fonds dès que son client aura levé l'option ; qu'en considérant que l'ouverture de crédit en compte courant accordée par la banque à la société La Gerbe d'Or constituait un contrat de prêt, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ;
3 ) que par un jugement du 21 février 1994, le tribunal de commerce du Mans a arrêté le plan de continuation avec apurement du passif de la SA CSJ avec confusion des patrimoines des sociétés de l'ensemble du groupe CSJ dont faisait partie la société La Gerbe d'Or ;
que le plan d'apurement du passif prévoyait concernant les créanciers de prêts garantis, le remboursement du capital sur une durée de quinze ans au taux de 5% par échéances mensuelles à compter du 1er février 1994 et le versement d'intérêts de retard au taux de 5% sur le capital restant dû au 20 juillet 1992 et pour les autres créanciers, le remboursement de 100% des autres dettes sur 12 ans par mensualités à compter du 1er juillet 1994 ; qu'en considérant que la banque qui était créancière de la société La Gerbe d'Or au titre d'un découvert en compte courant garanti par un nantissement devait bénéficier des modalités de remboursement des créanciers de prêts garantis, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, que l'ouverture de crédit, qui constitue une promesse de prêt, donne naissance à un prêt, à concurrence des fonds utilisés par le client ;
Attendu que l'arrêt retient que l'arrêté provisoire du compte de la société ouvert dans la banque au jour du redressement judiciaire a révélé un débit de 1 890 949,69 francs admis à titre privilégié, faisant ainsi ressortir que l'ouverture de crédit a été utilisée par le client à concurrence de cette somme ; qu'il en résulte que la banque est titulaire d'une créance qui doit être réglée conformément aux prévisions du plan de continuation de l'entreprise relatives aux prêts garantis ;
Attendu, en second lieu, qu'ayant retenu, sans dénaturation, que la proposition de plan élaboré par le débiteur, à laquelle la banque a répondu par la lettre du 9 février 1994, était un élément de fait soumis à son appréciation, la cour d'appel a répondu, en les écartant, aux conclusions prétendument délaissées ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société La Gerbe d'Or aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un janvier deux mille quatre.