AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 1134 du Code civil ;
Attendu que Roland X... a vendu, en 1980 à M. Y..., aux droits duquel vient la société Y..., des terrains destinés à l'installation d'une micro-centrale hydro-électrique et a été embauché en qualité de vérificateur, par contrat de travail précisant que lorsque M. Roland X... cessera ses fonctions, il pourra désigner à l'employeur l'un de ses fils ou gendres pour prendre ses fonctions, l'employeur étant tenu d'embaucher ledit fils ou gendre aux mêmes conditions ; que par lettre du 3 septembre 1996, Serge X..., fils de Roland X..., informait la société de son souhait de succéder à son père ; que, par courrier du 10 octobre 1996, l'employeur lui répondait qu'il était prêt à lui confier l'emploi dès que son père aura cessé ses fonctions ; que le 30 avril 1997, cette condition ayant été réalisée et la société lui ayant proposé un contrat de travail à temps partiel au lieu du temps plein dont bénéficiait son père, Serge X... a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de dommages et intérêts en raison du préjudice résultant de la rupture de la promesse d'embauche ;
Attendu que, pour débouter M. Serge X... de sa demande, l'arrêt infirmatif attaqué retient que la liberté d'embauche est une liberté d'ordre général et fondamental, qui se rattache aux libertés publiques, qu'elle ne peut être restreinte que dans les conditions prévues par la loi ; qu'en l'espèce, la clause stipulant que l'employeur sera tenu d'embaucher la personne désignée par le salarié lors de son départ de l'entreprise, porte une atteinte directe et injustifiée au principe du libre choix par l'employeur de ses salariés ; que la clause est à ce titre illicite et de nul effet, que la promesse d'embauche consentie en exécution de cette clause doit également être annulée ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la promesse d'embauche, laquelle aux termes des constatations de l'arrêt, n'était entachée d'aucun vice du consentement, était licite, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 octobre 2000, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;
Condamne la société Eal Y... aux dépens ;
Vu les articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Eal Y... à payer à la SCP Nicolay et de Lanouvelle la somme de 2 200 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze janvier deux mille quatre.