AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que la société Aulafi fait grief au jugement attaqué (tribunal d'instance d'Evry, 9 avril 2002) statuant sur renvoi après cassation d'un précédent jugement (tribunal d'instance de Palaiseau, 21 mars 2000) prononcée par arrêt n° 3443 F-D de la Chambre sociale de la Cour de cassation, le 11 juillet 2001, d'avoir dit que les sociétés Aulafi, CPCT, Réalis, Concepti Chaudronnerie de Camargue, Airvotec, Occitanis, Francilis, Rhonalis, Phoceis, Vikis, Valtim Tigso, Tidest, Picardis, Valoiris, Azurtec, Marbris, Nordalis, Chaudronnerie de la Scarp et Servimi, constituent entre elles une unité économique et sociale, alors, selon le moyen :
1 ) que l'existence d'une unité économique et sociale doit être appréciée à la date de la requête introductive ; qu'il résulte des constatations mêmes du tribunal d'instance que la requête aux fins de reconnaissance de l'unité économique et sociale a été introduite par la Fédération nationale des travailleurs de la construction CGT le 5 février 2002 ; qu'en se fondant sur l'arrêt de la Cour de cassation en date du 11 juillet 2001 pour dire que les sociétés constituent une unité économique et sociale, le tribunal d'instance qui s'est placé à une date antérieure à la requête introductive d'instance du 5 février 2002 pour apprécier l'existence de l'unité économique et sociale contestée par les sociétés, a violé l'article L. 431-1 du Code du travail ainsi que l'article 1351 du Code civil ;
2 ) qu'il résultait uniquement des termes clairs et précis de l'arrêt de la Cour de cassation du 11 juillet 2002 que la restructuration d'une société et son éclatement en plusieurs sociétés ne suffisaient pas à remettre en cause l'unité économique et sociale qui existait au sein de la société CPCT ; que la Cour de cassation n'a nullement reconnu que l'ensemble des sociétés en cause forme, une unité économique ; qu'il appartenait donc au tribunal d'instance d'Evry, statuant en tant que juridiction de renvoi, de rechercher si les critères d'identification de l'unité économique étaient ou non réunis ; qu'en affirmant que par arrêt en date du 11 juillet 2001, la Cour de cassation a reconnu que l'ensemble des sociétés en cause formaient une unité économique et en omettant en conséquence, d'examiner si les différents critères caractérisant l'existence d'une unité économique étaient réunis, le tribunal d'instance a violé l'article 1351 du Code civil ;
3 ) que l'existence d'une unité économique et sociale entre plusieurs personnes juridiquement distinctes nécessite notamment que les éléments qui la composent soient soumis à un pouvoir de direction unique ; qu'en ne constatant pas que les sociétés concernées qui constitueraient une unité économique et sociale seraient soumises à un pouvoir de direction unique, le tribunal d'instance a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 431-1 du Code du travail ;
4 ) que la seule reconnaissance d'un groupe constitué de différentes sociétés nécessitant la mise en place d'un comité de groupe ne permet pas de déduire l'existence d'une unité économique (sociale entre les mêmes sociétés que dans leurs conclusions, les sociétés Aulafi, CPCT et Réal avaient fait valoir qu'un comité de groupe avait été annoncé le 10 janvier 2000 et doit être mis en place au cours du premier semestre 2002 et que leurs activités de services et de conseils sont très différentes de celles des autres filiales qui ont des activités purement techniques ; qu'en déduisant de ce que les sociétés concernées constituent un groupe, l'existence d'une unité économique sociale, le tribunal d'instance a violé l'article L. 431-1 du Code du travail ;
5 ) qu'une unité sociale entre plusieurs entités juridiquement distinctes se caractérise par une communauté de travailleurs résultant de l'analogie de leur statut social, de leur soumission à une même convention collective, de conditions de travail similaires, d'une similitude de gestion de situations individuelles et par une certaine permutabilité des salariés, qu'en l'espèce pour dire que les sociétés en cause constituent une unité sociale, le tribunal d'instance s'est contenté de relever un certain nombre d'éléments communs de politique sociale et par le maintien d'une cohérence et d'une homogénéité impulsée par le niveau central ; qu'en ne constatant ni l'analogie de statuts de salariés de ces différentes sociétés juridiquement distinctes et dispersées sur le territoire national en matières d'horaires, de congés, de salaires, de règlement intérieur ou d'activités sociales et culturelles, ni que les salariés de ces sociétés seraient soumis à la même convention collective des conditions de travail similaires, ni l'existence d'une similitude de gestion des situations individuelles et d'une permutabilité du personnel entre toutes ces sociétés, le tribunal d'instance n'a pas caractérisé l'existence de l'unité sociale entre les sociétés concernées et privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 431-1 du Code du travail ;
6 ) que dans leurs conclusions, les sociétés Aulafi, CPCT et Réalis avaient fait valoir qu'elles faisaient partie du même groupe mais qu'elles ne pouvaient être intégrées dans une unité économique et sociale en raison de la nature très différente de leurs activités du statut social de leur personnel, de leurs conditions de travail ou de leur gestion ; qu'en particulier, les sociétés avaient souligné l'absence de communauté de travailleurs entre elles en raison de l'absence de similitude de statut social et de toute mobilité professionnelle ou de permutabilité entre les postes de travail ; qu'en ne répondant pas aux conclusions des sociétés Aulafi, CPCT et Réalis prises de ce qu'elle ne pouvaient constituer une unité économique et sociale ni entre elles ni avec les autres sociétés du groupe composé de l'ensemble de ces sociétés, le tribunal d'instance a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, d'abord, que la date de la requête en reconnaissance de l'unité économique et sociale est celle de l'acte de saisine de la juridiction dont la décision a été cassée et non celle de l'acte saisissant la juridiction de renvoi ;
Attendu, ensuite, que le moyen qui en ses deuxième et troisième branches, invite la Cour de cassation à revenir sur la doctrine de son précédent arrêt, alors que la juridiction de renvoi s'y est conformée, est irrecevable ;
Attendu, encore, que la simple annonce de la constitution d'un groupe pouvant inclure les diverses sociétés en cause, ne peut à elle seule faire obstacle à la reconnaissance d'une unité économique et sociale entre ces sociétés, antérieurement à la mise en place d'un comité de groupe ;
Attendu, enfin, que caractérise une unité économique et sociale, entre personnes juridiques distinctes, le tribunal d'instance qui constate l'unicité de direction, l'existence d'activités complémentaires ou connexes et celle d'une communauté de travailleurs ;
Que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne les demanderesses à payer à la fédération nationale des travailleurs de la construction CGT la somme de 2 300 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept décembre deux mille trois.