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17/12/2003 | FRANCE | N°01-13419

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 17 décembre 2003, 01-13419


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 26 avril 2001), que la société Interfimo (la société), société de cautionnement mutuel, s'est portée garante au profit du Crédit lyonnais du remboursement d'un prêt consenti le 14 mai 1991 par cette banque à l'EURL Pharmacie X... (l'EURL) pour l'acquisition d'une pharmacie ; que Mme X..., épouse du gérant de l'EURL, s'est portée caution solidaire avec son mari du remboursement de ce prêt au profit de la s

ociété pour le cas où celle-ci devrait exécuter sa garantie ; que l'EURL aya...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 26 avril 2001), que la société Interfimo (la société), société de cautionnement mutuel, s'est portée garante au profit du Crédit lyonnais du remboursement d'un prêt consenti le 14 mai 1991 par cette banque à l'EURL Pharmacie X... (l'EURL) pour l'acquisition d'une pharmacie ; que Mme X..., épouse du gérant de l'EURL, s'est portée caution solidaire avec son mari du remboursement de ce prêt au profit de la société pour le cas où celle-ci devrait exécuter sa garantie ; que l'EURL ayant été mise en liquidation judiciaire, la société a réglé les sommes restant dues au Crédit lyonnais au titre du prêt et a assigné Mme X... en exécution de son engagement de sous-caution ; que Mme X... a formé une demande reconventionnelle en paiement de dommages-intérêts en soutenant que la société lui avait fait souscrire un cautionnement disproportionné au regard de ses revenus et patrimoine ;

Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que la société fait grief à l'arrêt d'avoir accueilli la demande reconventionnelle de Mme X... alors, selon le moyen :

1 / que si le fait pour un créancier de faire souscrire à une caution un engagement disproportionné à son patrimoine et à ses revenus peut constituer une faute, encore faut-il qu'il ait été de mauvaise foi; qu'en se bornant, pour retenir que la société avait commis une faute, à relever que l'engagement de caution souscrit par Mme X... était disproportionné au regard de ses revenus et de son patrimoine, sans constater que la société aurait été de mauvaise foi au moment de la souscription de l'engagement de caution de Mme X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;

2 / que la proportion existant entre, d'une part l'engagement de caution et, d'autre part, les revenus et le patrimoine de celle-ci doit être appréciée en tenant compte de l'ensemble des éléments du patrimoine de la caution, même grevés de sûretés ayant pour objet de garantir le paiement de la dette pour laquelle le cautionnement avait été consenti ;

que, dès lors, en retenant, pour dire l'engagement de caution de Mme X... disproportionné à ses revenus et patrimoine, que l'existence d'un nantissement affectant l'officine de pharmacie en garantie du paiement de la dette principale excluait que la part de Mme X... dans l'officine de pharmacie puisse être mobilisée au profit de son engagement de caution, bien qu'à l'inverse, l'existence de ce nantissement ait été susceptible de diminuer le montant de la dette garantie, la cour d'appel a violé les articles 2015 et 1147 du Code civil ;

3 / qu'il incombe à la caution, qui prétend avoir souscrit un engagement disproportionné à ses revenus et à son patrimoine, de rapporter la preuve de cette disproportion d'où résulte la faute du créancier garanti ; que la société Interfimo avait fait valoir, dans ses conclusions d'appel, que M. et Mme X... étaient propriétaires d'une maison à Melle, circonstance de nature à modifier l'appréciation de la disproportion de l'engagement de la caution ; que dès lors, en énonçant, pour refuser de tenir compte de cette circonstance, qu'aucune pièce n'était versée au dossier pour corroborer cette allégation, et ce alors qu'il incombait à Mme X... de rapporter la preuve de la consistance de son patrimoine pour établir la disproportion de son engagement de caution, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, en violation des articles 1315 et 1147 du Code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel a relevé que Mme X..., qui n'exerçait aucune responsabilité dans l'entreprise de son mari, s'était engagée en qualité de caution à concurrence de la somme principale de 6 091 750 francs, outre intérêts, indemnités, frais et accessoires, tandis que ses revenus n'excédaient pas 7 000 francs par mois et qu'elle n'avait aucun bien ; qu'en l'état de ces constatations, la cour d'appel, qui, en écartant une allégation insuffisante de la société, n'a pas inversé la charge de la preuve et qui, pour apprécier la disproportion, devait tenir compte du succès escompté de l'opération financée et non du montant de la dette garantie, a caractérisé la faute de la société qui a fait souscrire à la caution un engagement disproportionné à ses revenus et à son patrimoine et engagé sa responsabilité à ce titre ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et sur le second moyen :

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à des dommages-intérêts avec intérêts au taux de 10 % à compter du 12 juillet 1996, avec capitalisation, alors, selon le moyen, que le juge ne peut modifier les limites du litige, telles qu'elles sont déterminées par les conclusions respectives des parties ; que la société demandait la condamnation de Mme X... à lui payer, outre le principal, des intérêts à compter du 23 septembre 1998 ; qu'en décidant néanmoins qu'il convenait de condamner la société à payer à Mme X... une somme égale à celle qu'elle réclamait, soit le montant du principal augmenté des intérêts à compter du 12 juillet 1996, la cour d'appel a méconnu les limites du litige, en violation des articles 4 et 5 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que, saisie par Mme X... d'une demande de dommages-intérêts assortie d'intérêts à compter du 10 juin 1996, la cour d'appel n'a pas statué hors des limites du litige en allouant à celle-ci des intérêts à compter du 12 juillet 1996 ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Interfimo aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes de la société Interfimo et de la Compagnie d'assurances Gan ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept décembre deux mille trois.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 01-13419
Date de la décision : 17/12/2003
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

CAUTIONNEMENT - Caution - Action des créanciers contre elle - Responsabilité du créancier envers la caution - Cautionnement disproportionné avec les revenus de la caution - Conditions - Détermination.

CAUTIONNEMENT - Caution - Action des créanciers contre elle - Responsabilité du créancier envers la caution - Cautionnement disproportionné avec les revenus de la caution - Preuve - Charge - Détermination

Ayant relevé qu'une épouse, qui n'exerçait aucune responsabilité dans l'entreprise de son conjoint, s'était engagée en qualité de caution à concurrence de la somme de 6 091 750 francs, outre intérêts, indemnités, frais et accessoires, tandis que ses revenus n'excédaient pas 7 000 francs par mois et qu'elle n'avait aucun bien, une cour d'appel, qui n'a pas inversé la charge de la preuve en écartant une allégation insuffisante du créancier sur le patrimoine de la caution, et qui, pour apprécier la disproportion, devait tenir compte du succès escompté de l'opération financée et non du montant de la dette, a caractérisé la faute du créancier qui a fait souscrire à la caution un engagement disproportionné à ses revenus et à son patrimoine et engagé sa responsabilité à ce titre.


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 26 avril 2001


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 17 déc. 2003, pourvoi n°01-13419, Bull. civ. 2003 IV N° 206 p. 228
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2003 IV N° 206 p. 228

Composition du Tribunal
Président : M. Tricot.
Avocat général : M. Lafortune.
Rapporteur ?: M. Soury.
Avocat(s) : la SCP Richard, la SCP Baraduc et Duhamel.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2003:01.13419
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