AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le seize décembre deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire BEAUDONNET, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, de Me CHOUCROY et de Me SPINOSI, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DAVENAS ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- LA SOCIETE MICROSOFT CORPORATION, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 13ème chambre, en date du 25 novembre 2002, qui l'a déboutée de ses demandes après relaxe de Maurice X... et de Stéphane Y... du chef de contrefaçon de logiciels ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 112-2-13 , L. 122-6 et L. 335-2, alinéa 3, du Code de la propriété intellectuelle, 485, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a relaxé Maurice X... et Stéphane Y... pour avoir commercialisé en France des logiciels originaux réservés exclusivement au marché canadien ;
"aux motifs que les deux prévenus ont commercialisé en France des logiciels originaux dont la vente était réservée au territoire canadien et les enquêteurs ont relevé que le contrat de licence était joint au conditionnement et spécifiait que la concession des droits n'était valable que pour le Canada ; que, dès lors, la vente en France, de produits originaux, régulièrement acquis à l'étranger, portant la marque de leur propriétaire et offerts à la vente sans utilisation abusive de cette marque, ne porte pas atteinte aux droits du propriétaire de la marque ;
"1 ) alors que constitue le délit de contrefaçon la violation de l'un des droits de l'auteur d'un logiciel définis à l'article L. 122-6 du Code de la propriété intellectuelle ; que le droit d'exploitation appartenant à l'auteur d'un logiciel comprend, notamment, le droit d'autoriser la mise sur le marché de ce logiciel ;
que l'auteur peut en conséquence limiter la commercialisation de certains exemplaires de son logiciel à un territoire déterminé ; que la cour d'appel ne pouvait, dès lors, décider que la mise sur le marché français des logiciels litigieux n'était pas constitutive de contrefaçon, après avoir constaté que la vente de ces exemplaires avait été expressément réservée au territoire canadien par la société Microsoft Corporation ;
"2 ) alors que l'utilisation abusive de la marque et par conséquent la mauvaise foi des prévenus résultent nécessairement de la circonstance, selon laquelle les prévenus ont pris soin, avant de mettre en vente les logiciels en cause, d'enlever des packs adressés aux clients, avant l'expédition, l'autocollant et le contrat de licence spécifiant que la concession des droits n'était valable que pour le Canada" ;
Vu les articles L. 122-6 et L. 335-3 du Code de la propriété intellectuelle ;
Attendu que, selon ces textes, est un délit de contrefaçon la violation du droit de l'auteur d'un logiciel d'effectuer ou d'autoriser la mise sur le marché du ou des exemplaires de ce logiciel ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt infirmatif attaqué et des pièces de procédure que Maurice X... et Stéphane Y... ont, sans l'autorisation de la société Microsoft, titulaire des droits d'auteur d'un logiciel, mis sur le marché en France des exemplaires de ce logiciel, importés du Canada et exclusivement destinés par l'auteur à la distribution sur le marché canadien ;
Attendu que, pour relaxer les prévenus du chef de contrefaçon de logiciel, délit prévu par l'article L. 335-3 du Code de la propriété intellectuelle, la cour d'appel, qui n'était pas saisie des faits de contrefaçon de marque, énonce que la vente en France de produits originaux, régulièrement acquis à l'étranger, revêtus de la marque de leur propriétaire et offerts à la vente sans utilisation abusive de cette marque, ne porte pas atteinte au propriétaire de la marque et ne peut constituer le délit de contrefaçon ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs,
CASSE et ANNULE, en ses seules dispositions civiles relatives aux faits de commercialisation en France de logiciels originaux réservés par le titulaire des droits au marché canadien, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 25 novembre 2002, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Versailles, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, Mme Beaudonnet conseiller rapporteur, MM. Farge, Blondet, Palisse, Le Corroller, Castagnède conseillers de la chambre, Mmes Agostini, Gailly, Salmeron, M. Chaumont conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Davenas ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;