AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu qu'à la suite d'un contrôle effectué par un de ses agents le 26 janvier 1998, l'URSSAF a notifié à la société Legris le 26 mai 1998 un redressement de cotisations, et lui a adressé des mises en demeure le 3 juin 1998 ; qu'à la suite de la réclamation de la société, l'agent de l'URSSAF a procédé à un contrôle de la comptabilité le 1er juillet et établi un rapport complémentaire, à la suite duquel l'URSSAF a notifié à la société de nouvelles bases de redressement, puis lui a délivré des mises en demeure rectificatives le 10 septembre 1998 ; que l'arrêt attaqué, retenant que le directeur des ressources humaines de la société Legris avait été nommé administrateur de l'URSSAF le 3 février 1998 au titre du collège employeurs, et qu'en application de l'article R.243-59, alinéa 4, du Code de la sécurité sociale, le contrôle aurait dû être effectué conjointement par un agent de l'URSSAF et un inspecteur des affaires sanitaires et sociales, a annulé le redressement ;
Sur le moyen unique, pris en ses trois premières branches :
Attendu que l'URSSAF fait grief à la cour d'appel d'avoir statué ainsi, alors, selon le moyen :
1 / que l'employeur visé par l'article R.243-59 du Code de la sécurité sociale, dans sa rédaction alors applicable, est le cotisant objet du contrôle, c'est à dire la personne pour le compte de laquelle l'assuré exerce son activité et qui est responsable du versement des cotisations sociales ; que lorsque le contrôle vise une société anonyme, l'"employeur" responsable du versement des cotisations est exclusivement le représentant légal de la
société, à savoir son président-directeur général ; qu'en considérant, pour annuler le redressement, que l' "employeur" ne désignait pas la seule personne mandataire social qui exerce les fonctions de chef d'entreprise mais pouvait désigner un directeur des ressources humaines, la cour d'appel a violé l'article R.243-59 du Code de la sécurité sociale danssa rédaction alors applicable, l'article R.243-60 du Code de la sécurité sociale, et l'article 113 de la loi du 24 juillet 1966 ;
2 / que la qualité de "représentant du collège employeur" au sein du conseil d'administration de l'URSSAF est distincte de la qualité d'"employeur contrôlé" au sens de l'article R.243-59 du Code de la sécurité sociale dans sa rédaction alors applicable ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que M. X..., directeur des ressources humaines de la société anonyme Legris, avait été désigné membre titulaire du conseil d'administration de l'URSSAF en qualité de représentant des employeurs ;
qu'en déduisant de cette désignation au collège employeur que M. X... représentait juridiquement l'employeur contrôlé, à savoir la société anonyme Legris, la cour d'appel a derechef violé l'article R.243-59 du Code de la sécurité sociale dans sa rédaction alors applicable, l'article R.243-60 du Code de la sécurité sociale, et l'article 113 de la loi du 24 juillet 1966 ;
3 / que les jugements doivent être motivés ; que pour dire que le contrôle n'avait pas à être mené conjointement par un inspecteur de l'URSSAF et un inspecteur des affaires sanitaires et sociales, l'URSSAF faisait valoir dans ses conclusions d'appel que M. X... n'avait pris ses fonctions au sein du conseil d'administration de l'URSSAF que le 21 avril 1998, soit trois semaines après la fin de la vérification comptable, ce dont il résultait qu'il n'avait pu influer sur l'issue de cette vérification comptable ; qu'en annulant le redressement opéré par l'URSSAF sans répondre au moyen soulevé par l'URSSAF de nature à démontrer l'inutilité lors du contrôle de la présence d'une autorité indépendante en la personne d'un inspecteur des affaires sanitaires et sociales, la cour a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que l'arrêt retient à bon droit que le salarié de la société Legris siégeant au conseil d'administration de l'URSSAF au titre du collège employeurs, avait été désigné en qualité de représentant de la société Legris, et que sa présence à ce poste justifiait que fût employée la procédure de contrôle organisée par l'article R.243-59, alinéa 4, du Code de la sécurité sociale, dans sa rédaction alors en vigueur ; qu'en ses deux premières branches, le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que la cour d'appel n'était pas tenue de répondre à des conclusions inopérantes, dès lors que c'est à compter du jour de la désignation de l'employeur contrôlé ou de son représentant, et non du jour de sa prise de fonctions effective, que la procédure spéciale est justifiée ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses trois premières branches ;
Mais sur le moyen unique, pris en ses deux dernières branches :
Vu l'article R.243-59, aliéna 4, du Code de la sécurité sociale, alors applicable ;
Attendu que, pour annuler le redressement l'arrêt attaqué retient que l'article R.243-59, alinéa 4, a pour but d'assurer pendant toute la procédure de contrôle le respect du contradictoire dans la transparence et de permettre à l'employeur qui cumule les fonctions de membre de l'organisme de contrôle et celle d'assuré contrôlé de bénéficier de l'assistance d'une autorité indépendante chargée de vérifier la régularité des opérations et l'impartialité de l'organisme de recouvrement ;
Attendu, cependant, que les dispositions de l'article R.243-59, alinéa 4, sont édictées pour la protection de l'organisme de contrôle, et non pour celle de l'employeur contrôlé ; que, dès lors, l'employeur membre du conseil d'administration de l'URSSAF qui est l'objet d'un contrôle de la part de cet organisme n'est pas fondé à se prévaloir de l'absence d'un inspecteur des affaires sanitaires et sociales aux côtés de l'agent de l'URSSAF lors de ce contrôle ;
D'où il suit qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 février 2002, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;
Condamne la société Legris aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Legris à verser à l'URSSAF du Morbihan la somme de 2 200 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf décembre deux mille trois.