AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu que, selon l'arrêt attaqué, la société Starmi employeur de M. X..., membre du comité d'entreprise, lui a notifié son licenciement le 6 avril 1995 après obtention le 3 avril 1995 d'une autorisation de l'inspection du travail ; qu'après confirmation par le ministre du travail de cette autorisation, le 29 septembre 1995, celui-ci l'a retirée le 17 janvier 1996 ; que postérieurement à sa demande de réintégration le 16 mars 1996, le salarié s'est constitué partie civile dans le cadre de l'instance pénale menée à l'encontre du président directeur général de la société Starmi ; que par arrêt de la cour d'appel de Douai en date du 22 janvier 1998, l'employeur a été relaxé du chef du délit d'entrave poursuivi ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de réintégration dans son emploi et de rappels de salaire y afférents dirigée contre la société Régie France service, venant aux droits de la société Starmi ;
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir débouté de ses demandes en raison de l'autorité de chose jugée de la décision pénale, alors, selon le moyen, qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué, que l'autorisation de licenciement avait été retirée, de sorte que le licenciement était privé d'une des conditions essentielles de sa validité, en violation de l'article L. 436-1 du Code du travail ; que la juridiction pénale avait relaxé l'employeur du chef du délit d'entrave au fonctionnement du comité d'entreprise constituée par la non réintégration de M. X... dans son emploi, dès lors qu'il n'y avait pas eu inobservations fautives des dispositions de l'article L. 436-3 du Code du travail ; qu'il s'en déduit que la réintégration dans l'emploi demandée avait un fondement juridique autonome distinct de la faute écartée par la juridiction pénale ;
que de ce chef, la cour d'appel a faussement appliqué le principe de l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil en violation des articles 1351 du Code civil et 4 du Code de procédure pénale ;
Mais attendu que l'arrêt attaqué a constaté que la chambre correctionnelle de la cour d'appel de Douai avait, par un arrêt irrévocablement passé en force de chose jugée rendu le 22 janvier 1998, relaxé M. Y... du chef des poursuites pénales dont il faisait l'objet pour avoir refusé de réintégrer M. X... au motif que l'annulation sur recours gracieux par le ministre, le 17 janvier 1996, de l'autorisation de licenciement de M. X... n'avait pas ouvert à ce dernier, partie civile, un droit à réintégration ; que la cour d'appel a exactement décidé que l'autorité de la chose jugée attachée à cette décision pénale faisait obstacle à l'action en réintégration engagée devant le conseil de prud'hommes par M. X... et fondée sur la même décision ministérielle ;
Mais sur le moyen relevé d'office après avis donné aux parties :
Vu l'article L. 122-14-3 du Code du travail ;
Attendu qu'il résulte de ce texte qu'il est de l'office du juge d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur pour licencier un salarié ; que cette obligation subsiste lorsque, par l'effet de l'autorité de la chose jugée attachée à une décision du juge pénal, un salarié protégé licencié n'a pas de droit à réintégration ;
Attendu qu'en refusant d'ordonner la réintégration du salarié, la cour d'appel a implicitement mais nécessairement constaté que celui-ci avait été licencié et que dès lors il lui appartenait de rechercher si ce licenciement procédait d'une cause réelle et sérieuse ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qui concerne l'autorité de la chose jugée attachée à la décision pénale, l'arrêt rendu le 30 juin 2000, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;
Condamne les défendeurs aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq novembre deux mille trois.