AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que M. René X..., engagé le 19 octobre 1987 en qualité de monteur de grues par M. Y..., a été victime d'un accident du travail le 14 janvier 1991 et a été en arrêt de travail à compter de cette date ; que le médecin du travail l'a déclaré le 13 mars 1997 "inapte à tous les postes danger immédiat santé sécurité" ; que le 9 mai 1997 le salarié a saisi la juridiction prud'homale aux fins de faire constater la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur et obtenir la condamnation de ce dernier au paiement du rappel de salaires par application de l'article L. 122-32-5 du Code du travail ; que l'employeur a alors procédé à son licenciement le 11 juin 1997 ;
Sur le second moyen :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné l'employeur à payer des dommages-intérêts pour absence de notification par écrit des motifs qui s'opposaient à son reclassement alors, selon le moyen, que le manquement à cette obligation n'est pas une simple irrégularité de forme mais rend le licenciement illégitime de sorte que la cour d'appel a violé les dispositions combinées de l'article L. 122-32-5 et celles de l'article L. 122-14-4 du Code du travail ;
Mais attendu que l'absence de notification écrite des motifs s'opposant au reclassement du salarié victime d'un accident du travail n'expose pas l'employeur aux sanctions prévues par l'article L. 122-32-7 mais le rend redevable d'une indemnité en réparation du préjudice subi qui ne se cumule pas avec l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen :
Vu l'article L. 122-32-5 du Code du travail ;
Attendu que, selon ce texte, si le salarié n'est pas reclassé dans l'entreprise à l'issue du délai d'un mois à compter de la date de l'examen de reprise du travail ou s'il n'est pas licencié, l'employeur est tenu de verser à l'intéressé, dès l'expiration de ce délai, le salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail ;
Qu'il en résulte que le salarié peut, soit se prévaloir de la poursuite du contrat de travail et solliciter la condamnation de l'employeur au paiement des salaires, soit faire constater la rupture du contrat de travail pour manquement de l'employeur à cette obligation ; que cette rupture doit s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Attendu que pour dire le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et rejeter en conséquence la demande du salarié en paiement de dommages-intérêts de ce chef, la cour d'appel a énoncé que M. René X... était le seul salarié de M. Y... et qu'il ne pouvait occuper que des emplois n'existant pas dans l'entreprise ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que l'employeur n'avait pas repris le paiement des salaires à l'issue du délai d'un mois après l'examen médical, ni licencié le salarié qui avait dû saisir la juridiction prud'homale pour faire valoir ses droits, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 avril 2001, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;
Condamne la société Y... aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit novembre deux mille trois.