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29/10/2003 | FRANCE | N°03-84617

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 29 octobre 2003, 03-84617


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-neuf octobre deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller ARNOULD, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DAVENAS ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Gabriel,

1 ) contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de BORDEAUX, en date du 29 octobre 2002, qui,

dans l'information suivie contre lui, des chefs de viols et agressions sexuelles agg...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-neuf octobre deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller ARNOULD, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DAVENAS ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Gabriel,

1 ) contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de BORDEAUX, en date du 29 octobre 2002, qui, dans l'information suivie contre lui, des chefs de viols et agressions sexuelles aggravés et viols, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure ;

2 ) contre l'arrêt de la même chambre de l'instruction, en date du 3 juillet 2003, qui l'a renvoyé devant la cour d'assises de la GIRONDE sous l'accusation de viols et agressions sexuelles aggravés et viols ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu le mémoire produit ;

I - Sur le pourvoi formé contre l'arrêt du 29 octobre 2002 :

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, article préliminaire, 158, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, violation de la présomption d'innocence et des droits de la défense ;

"en ce que l'arrêt attaqué du 29 octobre 2002, a refusé d'annuler les rapports d'expertise psychologique concernant Gabriel X... et les parties civiles Samuel Y... et Marc Z...
A... ;

"aux motifs qu'aux termes de l'article 158 du Code de procédure pénale la mission de l'expert "ne peut avoir pour objet que l'examen de questions techniques" ; que cependant, si l'article 158 précité prohibe l'accomplissement de tout acte d'instruction ou toute prise de position sur le fond du droit de la part de l'expert, il est de jurisprudence constante qu'il n'est pas interdit à l'expert d'envisager, à titre de simple hypothèse, la culpabilité du sujet ;

qu'en l'espèce, l'emploi des termes par l'expert de "victime", "agresseur", "passage à l'acte" ne peut en aucun cas être analysé comme une prise de position par l'expert sur la culpabilité et qu'il convient d'interpréter les termes litigieux au regard de l'ensemble du document d'expertise ; qu'en effet le psychologue décrit une relation des faits tels qu'ils sont relatés par le mis en examen lui-même qui reconnaît les faits reprochés même s'il conteste leur qualification pénale ; qu'à aucun moment l'expert n'a affirmé la culpabilité de Gabriel X... ; qu'aucun texte ni aucun principe de procédure n'interdit aux psychologues d'envisager la culpabilité alors que leur mission leur prescrit comme, en l'espèce, d'analyser les dispositions de la personnalité, de préciser si les dispositions de la personnalité ou des anomalies mentales ont pu intervenir dans la commission de l'infraction et d'indiquer dans quelle mesure le mis en examen est susceptible de se réadapter et préciser quels moyens seraient nécessaires pour favoriser sa réadaptation ou encore, en ce qui concerne les parties civiles, d'indiquer la crédibilité qui peut être accordée à leurs dires et d'apprécier le retentissement des faits sur le psychisme, la personnalité et la vie sexuelle ; que l'expert B... a tiré des conclusions qu'il avait faites en exécution de ses missions et il a émis seulement une hypothèse qui sera soumise au débat contradictoire ;

"alors, d'une part, que les experts psychologues, qui ont pour seule mission l'examen de questions techniques ne peuvent pas affirmer la culpabilité du mis en examen ; qu'ainsi, en affirmant dans ses rapports d'expertise que "Gabriel X... (...) n'arrive à exprimer ni honte, ni culpabilité, ne reconnaissant pas la gravité des actes sur la victime" ou que "Gabriel X... a choisi sa victime dans le cadre d'un contexte familial ; il a pu organiser un mode relationnel de manipulation et de séduction qui a englué la victime" et aussi en qualifiant Gabriel X... "d'agresseur" et la partie civile Samuel Y... de "victime", l'expert B... a excédé ses pouvoirs et violé la présomption d'innocence ;

"alors, d'autre part, qu'en affirmant que, par les termes employés, l'expert B... avait simplement envisagé, à titre de simple hypothèse, la culpabilité du sujet, la chambre de l'instruction a dénaturé les rapports d'expertise qui avaient tenu cette culpabilité pour certaine" ;

Attendu que, pour rejeter la requête en annulation des rapports d'expertise psychologique présentée par Gabriel X..., qui soutenait que l'expert psychologue avait pris parti sur la question de la culpabilité et ainsi porté atteinte aux droits de la défense, l'arrêt attaqué prononce par les motifs reproduits au moyen ;

Attendu qu'en cet état, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ; qu'en effet, il ne résulte d'aucun des textes visés au moyen, ni d'aucun principe de procédure pénale, que l'accomplissement d'une mission d'expertise psychiatrique, relative à la recherche d'anomalies mentales susceptibles d'annihiler ou attténuer la responsabilité pénale du sujet, interdise aux médecins experts d'examiner les faits, d'envisager la culpabilité de la personne mise en examen, et d'apprécier son accessibilité à une sanction pénale ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

II - Sur le pourvoi formé contre l'arrêt du 3 juillet 2003 :

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 222-22, 222-23, 222-24, 222-27, 222-28 et 222-29 du Code pénal, 198, 214, 215, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué du 3 juillet 2003, a prononcé la mise en accusation de Gabriel X... des chefs de viols et agressions sur la personne de Marc Z...
A... et l'a renvoyé devant la cour d'assises de la Gironde ;

"aux motifs que l'information établit des charges suffisantes contre lui de s'être rendu coupable des faits qui lui sont reprochés ; que cela résulte (...) des circonstances dans lesquelles se sont déroulés les faits dont a été victime Marc Z...
A... qui caractérisent l'élément de surprise prévu par l'article 222-22 du Code pénal ; que l'enfant n'avait en effet aucune raison de s'attendre à ce que Gabriel X..., qui jouissait d'une bonne réputation et auquel il n'avait aucune raison de ne pas faire confiance, agisse comme il l'a fait lorsqu'il l'a rejoint dans le lit ; que Marc Z...
A... sous l'effet de la surprise a été, comme il le dit, complètement tétanisé et s'est trouvé dans l'impossibilité de consentir à ces actes ; que Gabriel X... ne pouvait pas ne pas s'en rendre compte et d'ailleurs Marc Z...
A... a indiqué que Gabriel X... avait dû appuyer sur sa tête pour

l'obliger à pratiquer une fellation et lorsqu'il lui avait demandé d'arrêter parce qu'il avait mal, Gabriel X... lui avait répondu que ce n'était pas grave exerçant ainsi sur lui une véritable contrainte ; (...) que (cela résulte) des éléments recueillis au cours de l'information qui démontrent bien que Gabriel X... s'est en fait livré à de véritable stratagème (comme par exemple faire coucher Z...
A... dans sa chambre sur un matelas trop petit afin de l'amener à le rejoindre dans son lit (...), de nature à tromper de jeunes victimes, à les déstabiliser et à surprendre leur consentement ; que les adolescents ainsi conditionnés ne pouvaient se soustraire à ses avances (...) ;

"alors, d'une part, que la surprise élément constitutif du viol et des agressions sexuelles au sens des articles 222-22 et 222- 23 du Code pénal, consiste à surprendre le consentement de la victime et ne saurait se confondre avec la surprise exprimée par cette dernière ; qu'en se bornant à constater que Marc Z...
A... n'avait aucune raison de s'attendre à ce que Gabriel X... agisse comme il l'a fait lorsqu'il l'a rejoint dans le lit et qu'il a sous l'effet de la surprise été complètement tétanisé, la chambre de l'instruction n'a caractérisé que la surprise exprimée par Marc Z...
A... ; qu'ainsi, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

"alors, d'autre part, que la violence, la contrainte, la menace ou la surprise doit avoir été la cause directe et déterminante des actes non consentis ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué s'est borné à relever que le stratagème utilisé par Gabriel X... n'a eu pour résultat que d'amener Marc Z...
A... à le rejoindre dans son lit ; qu'ainsi, en ne caractérisant pas une contrainte directe et déterminante de l'obtention des comportements de nature sexuelle auxquels Marc Z...
A... n'aurait pas consentis, la chambre de l'instruction a privé son arrêt de tout fondement légal ;

"alors, enfin, que la chambre de l'instruction s'est abstenue de répondre au mémoire de Gabriel X... qui soutenait qu'il n'avait jamais employé quelque contrainte que ce soit et que plusieurs témoins font état de ce que l'intéressé n'a jamais abusé de leur consentement, ni usé de quelque contrainte" ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 222-23, 222-24 du Code pénal, 198, 214, 215, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt du 3 juillet 2003 attaqué a prononcé la mise en accusation de Gabriel X... du chef de viols sur la personne de Samuel Y... et l'a renvoyé devant la cour d'assises de la Gironde ;

"aux motifs que l'information établit des charges suffisantes contre lui de s'être rendu coupable des faits qui lui sont reprochés ; que cela résulte (...) des circonstances dans lesquelles se sont déroulés les faits (...) ; que c'est par surprise que les premiers faits commis sur Samuel Y... ont eu lieu alors que Gabriel X... lui avait demandé d'aller à la cave avec lui sous prétexte de l'initiation au choix des vins ; que Samuel Y... a été surpris par la tournure des événements et n'a pu lui non plus librement consentir à ces actes ; que, par la suite, il a été dans l'incapacité de les dénoncer et de mettre un terme aux actes que Gabriel X... a continué à commettre à son égard en raison de la contrainte qu'il subissait de la part de celui-ci qui l'avait menacé au cas où il ferait des révélations ; que (cela résulte) des éléments recueillis au cours de l'information qui démontrent bien que Gabriel X... s'est en fait livré à de véritable stratagème (comme par exemple (...) trouver divers prétextes pour se trouver seul avec Samuel Y... ) de nature à tromper de jeunes victimes, à les déstabiliser et à surprendre leur consentement ; que les adolescents ainsi conditionnés ne pouvaient se soustraire à ses avances (...) ;

"alors, d'une part, que la surprise élément constitutif du crime de viol au sens de l'article 222-23 du Code pénal, consiste à surprendre le consentement de la victime et ne saurait se confondre avec la surprise exprimée par cette dernière ; qu'en se bornant à constater que Samuel Y... a été surpris par la tournure des événements, la chambre de l'instruction a caractérisé uniquement la surprise exprimée par Samuel Y... ; qu'ainsi, la chambre de l'instruction n'a pas donné de base légale à sa décision ;

"alors, d'autre part, que la violence, la contrainte, la menace ou la surprise doit avoir été la cause directe et déterminante des actes non consentis ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué s'est borné à relever que le stratagème utilisé par Gabriel X... n'a eu pour résultat que de se trouver seul avec Samuel Y... ; qu'ainsi, en ne caractérisant pas une contrainte directe et déterminante de l'obtention des comportements de nature sexuelle auxquels Samuel Y... n'aurait pas consentis, la chambre de l'instruction a privé son arrêt de tout fondement légal ;

"alors, enfin, que la chambre de l'instruction s'est abstenue de répondre au mémoire de Gabriel X... qui soutenait que Samuel Y... avait affirmé qu'il avait pris du plaisir aux relations sexuelles qu'il avait eues avec lui et qu'il allait de lui-même le retrouver, ce qui excluait de toute évidence l'emploi de violence, contrainte, menace ou surprise" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les motifs de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la chambre de l'instruction, après avoir exposé les faits et répondu comme elle le devait aux articulations essentielles du mémoire dont elle était saisie, a relevé l'existence de charges qu'elle a estimé suffisantes contre Gabriel X... pour ordonner son renvoi devant la cour d'assises sous l'accusation de viols aggravés et viols ;

Qu'en effet, les juridictions d'instruction apprécient souverainement si les faits retenus à la charge de la personne mise en examen sont constitutifs d'une infraction, la Cour de Cassation n'ayant d'autre pouvoir que de vérifier si, à supposer ces faits établis, la qualification justifie la saisine de la juridiction de jugement ;

Que, dès lors, les moyens ne peuvent qu'être écartés ;

Et attendu que la procédure est régulière et que les faits, objet de l'accusation, sont qualifiés crime par la loi ;

REJETTE les pourvois ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Arnould conseiller rapporteur, M. Le Gall conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Randouin ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 03-84617
Date de la décision : 29/10/2003
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

EXPERTISE - Expert - Pouvoirs - Etendue - Examen psychiatrique - Examen de la culpabilité et de l'accessibilité à une sanction pénale de la personne mise en examen.

L'accomplissement d'une mission d'expertise psychiatrique, relative à la recherche d'anomalies mentales susceptibles d'annihiler ou atténuer la responsabilité pénale du sujet, n'interdit pas aux médecins experts d'examiner les faits, d'envisager la culpabilité de la personne mise en examen, et d'apprécier son accessibilité à une sanction pénale (1).


Références :

Code de procédure pénale 158

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux (chambre de l'instruction) 2002-10-29, 2003-07-03

CONFER : (1°). (1) Cf. Chambre criminelle, 1991-04-09, Bulletin criminel 1991, n° 169, p. 432 (rejet)

arrêt cité.


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 29 oct. 2003, pourvoi n°03-84617, Bull. crim. criminel 2003 N° 205 p. 856
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2003 N° 205 p. 856

Composition du Tribunal
Président : M. Cotte
Avocat général : M. L. Davenas.
Rapporteur ?: M. Arnould.
Avocat(s) : la SCP Waquet, Farge et Hazan.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2003:03.84617
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