AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
Attendu, selon le jugement attaqué rendu en dernier ressort (tribunal d'instance de Villeurbanne, 6 octobre 2000), qu'en juin 2000, Mme X... a, sur le fondement de deux relevés de compte établis à son nom en octobre 1970 et juin 1971 par la Société générale, organisme dépositaire, et d'un courrier de la société Augis, dont elle avait été la salariée jusqu'en 1972, réclamé à la banque le paiement des droits acquis par elle sur des fonds communs de placement constitués par son ancien employeur, au titre d'un accord de participation des salariés aux résultats de l'entreprise ;
Attendu que la Société générale fait grief au jugement d'avoir accueilli cette demande, alors, selon le moyen :
1 / que si le droit du salarié à restitution de sa participation, à l'égard de l'organisme gestionnaire, se prescrit par 30 ans, il n'en reste pas moins que la banque dépositaire des parts du salarié a seulement l'obligation de conserver 10 ans, en vertu des articles 16, alinéa 2, (article L. 123-22) et 189 bis (L. 110-4) du Code de commerce, les pièces comptables justificatives de ce qu'elle s'est acquittée de son obligation de restitution, d'où il suit, que sauf à violer ces textes, le juge ne peut admettre le salarié à faire la preuve de sa qualité de créancier d'une obligation de restitution qu'à charge par celui-ci de produire des documents d'une ancienneté inférieure à 10 ans ; qu'en jugeant que Mme X... était recevable et fondée à opposer au banquier dépositaire, pour faire preuve contre lui de l'existence d'une obligation de restitution dont il appartenait à ce dernier de justifier de l'exécution, un relevé de compte datant de 28 ans avant l'introduction de son action, le tribunal d'instance a violé les textes susvisés, ensemble les articles R. 442-15 et R. 442-16 du Code du travail ;
2 / que viole le principe de l'égalité des armes, tel qu'il résulte de l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme le tribunal qui autorise le salarié à faire la preuve de son droit à l'aide de documents vieux de 28 ans alors que pour faire la preuve de l'extinction de ce droit, la banque dispose seulement de documents ayant moins de 10 ans ;
3 / qu'à partir du jour où le salarié quitte l'entreprise, la gestion de sa participation est le fait de l'organisme de gestion et non plus de l'employeur, qui, de ce fait, ignore tout des décisions de son ancien salarié relatives à sa réserve de participation, en sorte que viole les articles R. 442-15 et suivants du Code du travail et l'article 1315 du Code civil le jugement qui tire parti de la lettre de l'entreprise Augis du 27 avril 2000 pour conforter la preuve du droit de Mme X..., cette dernière ayant quitté l'entreprise depuis 28 ans et géré depuis lors à sa guise sa réserve de participation ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'il ne résulte pas de l'article 16, alinéa 2, du Code de commerce, devenu l'article L. 123-22 du même Code, que le commerçant ait l'obligation de détruire ses archives à l'expiration du délai de dix ans pendant lequel il doit les conserver ; que c'est donc sans méconnaître le droit à un procès équitable et le principe de l'égalité des armes que le juge a pu statuer comme il a fait ;
Attendu, en second lieu, qu'ayant relevé que, par application des dispositions spéciales de l'article R. 442-16 du Code du travail aux termes desquelles le salarié qui quitte l'entreprise sans demander le déblocage des droits acquis par lui sur la réserve de participation constituée par son employeur peut les réclamer jusqu'à l'expiration du délai de prescription prévue à l'article 2262 du Code civil, l'action en paiement de Mme X... n'était pas prescrite, le juge du fond, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la troisième branche, n'a fait qu'appliquer les textes cités à la première branche en décidant qu'il appartenait à la banque, qui ne contestait pas avoir été dépositaire des fonds, de justifier, fût-ce au-delà du délai de conservation des archives commerciales, de l'exécution de son obligation de restitution ;
D'où il suit que le moyen, mal fondé en ses deux premières branches, ne peut être accueilli pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la Société générale aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf octobre deux mille trois.