AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt et un octobre deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller BLONDET, les observations de la société civile professionnelle LE GRIEL, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FINIELZ ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Jacques,
contre l'arrêt de la cour d'appel de POITIERS, chambre correctionnelle, en date du 16 janvier 2003, qui, pour infraction au Code de l'urbanisme, l'a condamné à 6 000 euros d'amende et a ordonné, sous astreinte, la remise en état des lieux ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme, L. 421-2-1, L. 480-5, R. 480-4 du Code de l'urbanisme et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a ordonné la remise en état des lieux au vu des observations écrites du préfet des Deux-Sèvres en date du 23 octobre 2002 et après audition de son représentant, M. Daniel Y..., à l'audience du 12 décembre 2002 ;
"alors que, d'une part, si l'article L. 480-5 du Code de l'urbanisme impose aux juges, avant d'ordonner la remise en état, de recueillir les observations d'un "assistant technique" pris en la personne du maire ou du fonctionnaire compétent, ce texte est incompatible avec l'article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui impose le respect du principe de l'égalité des armes ;
"alors que, d'autre part, il ne résulte ni de l'arrêt ni du dossier de la procédure que M. Daniel Y..., représentant le préfet des Deux-Sèvres à l'audience du 12 décembre 2002, bénéficiait d'une délégation valable pour s'exprimer à l'audience aux lieu et place du préfet selon les prévisions de l'article L. 480-5 du Code de l'urbanisme ;
"alors qu'enfin, dans le cas où le maire est compétent pour délivrer le permis de construire, c'est son avis qui doit être requis avant que les juges prennent parti sur la mesure de remise en état et qu'en faisant état, en l'occurrence, de l'avis du préfet ou de son représentant au lieu de celui du maire de Noirterre, compétent pour délivrer le permis de construire, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;
Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que la remise en état des lieux a été ordonnée par les juges après audition à l'audience du représentant de la direction départementale de l'Equipement, délégué du préfet des Deux-Sèvres ;
Attendu que, si elles exigent l'audition du maire ou du fonctionnaire compétent, les dispositions de l'article L. 480-5 du Code de l'urbanisme n'impliquent pas que, lorsque la délivrance du permis de construire relève de la compétence du maire, celui-ci soit seul habilité, à l'exclusion du représentant de l'Administration, à fournir son avis sur les mesures de remise en état prévues par la loi ;
Attendu qu'ainsi, il a été fait l'exacte application des dispositions du texte précité, lesquelles ne sont pas contraires aux exigences de l'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme relatives au procès équitable, dès lors que les avis recueillis sont soumis à la libre discussion des parties ;
D'où il suit que le moyen, mélangé de fait en sa seconde branche et, comme tel irrecevable, ne peut qu'être écarté ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme, 1er du premier Protocole additionnel à ladite Convention, L. 480-5 du Code de l'urbanisme et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a ordonné la remise en état des lieux sous astreinte ;
"aux motifs que cette mesure s'impose pour faire comprendre à Jacques X... qu'il doit respecter les lois nationales et surtout pour mettre fin à l'infraction ;
"alors que la démolition d'un ouvrage édifié en contravention avec les règles d'urbanisme qui portent atteinte au droit de propriété ne peut être ordonnée que si elle n'est pas manifestement disproportionnée au but légitime poursuivi et doit faire l'objet d'une décision spécialement motivée et qu'en s'abstenant de rechercher en l'occurrence si la mesure n'était pas disproportionnée eu égard à la gravité de l'infraction, à l'absence de préjudice pour la commune et pour les propriétaires riverains et au classement sans suite intervenu en 1997 qui avait pu laisser espérer à Jacques X... une régularisation, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision" ;
Attendu qu'en ordonnant la remise en état des lieux, la cour d'appel n'a méconnu aucun des textes légaux ou conventionnels visés au moyen ;
Qu'en effet, la mise en conformité des lieux ou des ouvrages, la démolition de ces derniers ou la réaffectation du sol, prévues par l'article L. 480-5 du Code de l'urbanisme, qui a pour objet de réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général, sont des mesures à caractère réel, destinées à faire cesser une situation illicite, et qui relèvent d'une faculté dont les juges ne doivent aucun compte ;
Que, dès lors, le moyen ne peut être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Blondet conseiller rapporteur, M. Farge conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : M. Souchon ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;