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09/10/2003 | FRANCE | N°02-06001

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 09 octobre 2003, 02-06001


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu les articles 1382, 1383 du Code civil, ensemble l'article 47 de la loi du 31 décembre 1991 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que M. X..., né le 26 décembre 1964, citoyen algérien, atteint d'hémophilie B, a été contaminé par le virus d'immunodéficience humaine (VIH) en 1984 au cours d'une hospitalisation en France ; qu'il a sollicité et obtenu du Fonds d'indemnisation des transfusés et hémophiles contaminés par

le VIH (le Fonds) une indemnité de 1 960 000 francs au titre du préjudice spécifique d...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu les articles 1382, 1383 du Code civil, ensemble l'article 47 de la loi du 31 décembre 1991 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que M. X..., né le 26 décembre 1964, citoyen algérien, atteint d'hémophilie B, a été contaminé par le virus d'immunodéficience humaine (VIH) en 1984 au cours d'une hospitalisation en France ; qu'il a sollicité et obtenu du Fonds d'indemnisation des transfusés et hémophiles contaminés par le VIH (le Fonds) une indemnité de 1 960 000 francs au titre du préjudice spécifique de contamination ; qu'ayant perdu son emploi à la Caisse nationale des assurances sociales d'Alger (la CNAS), il a sollicité auprès du Fonds, le 22 janvier 1996, la réparation de son préjudice économique ; que, par décision du 7 septembre 1998, le Fonds a rejeté cette demande ; que M. X... a formé un recours contre cette décision ;

Attendu que pour débouter M. X... de sa demande, l'arrêt, rendu après expertises, retient que M. X... présente une hémophilie majeure depuis l'enfance ; qu'une séroposivité VIH positive a été découverte en mars 1986 ainsi qu'une hépatite virale C évoluant depuis trois ans en juin 1995 ; que M. X... n'a pas repris son travail à la CNAS en février 1994 ; que les experts soulignent n'avoir pu obtenir de précisions sur la cause exacte de la rupture du contrat de travail ; que les explications de M. X... sont sur ce point confuses ; que le certificat de travail produit mentionne que M. X... a quitté la CNAS le 20 février 1994 "libre de tout engagement" ; que ces éléments ne permettent pas de déterminer avec certitude les conditions de la rupture du contrat de travail du requérant, qui ne fournit aucune indication sur le niveau de ses revenus au mois de février 1994 ; que le certificat du docteur Y... du 18 mars 1997 se borne à indiquer que l'intéressé "présente une hémophilie majeure et une infection virale par VIH et que son état de santé entraîne une incapacité de travail" ; que celui du docteur Z... du 11 janvier 1999 indique que M. X..., "atteint d'hémophilie B sévère et contaminé, suite aux transfusions de facteurs anti-hémophiliques d'origine humaine, par les virus du sida et de l'hépatite C, est actuellement dans l'impossibilité d'avoir une activité professionnelle" ; que le docteur A..., après avoir indiqué dans un certificat du 29 octobre 1997 que "l'état de santé de M. X... entraîne une incapacité de travail", a précisé dans une attestation du 7 janvier 1999 que "l'incapacité de travail de M. X... résulte de sa contamination par le VIH et que son hépatite B a été responsable de plusieurs atteintes articulaires mais ne constitue pas en elle-même une raison d'incapacité de travail" ; qu'il ne résulte pas de ces documents, qui se rapportent à l'état de santé du requérant dans un passé très proche, qu'il a été contraint de cesser de travailler en février 1994 en raison de sa contamination par le VIH ; que d'ailleurs, selon les experts, c'est seulement à partir de septembre 1996 que le déficit immunitaire de M. X... a justifié une thérapeutique anti-rétrovirale ; qu'enfin, l'attestation de la CNAS du 3 avril 2000 mentionnant que M. X... a été inscrit à cet organisme en tant qu'assuré social du 9 février 1983 au 25 février 1995, et dont le caractère probant est contesté par le Fonds, n'est en tout cas pas de nature, en l'absence de toute autre information précise sur les conditions de la rupture du contrat de travail, à établir à elle seule un lien de causalité direct et certain entre la contamination par le VIH et l'arrêt des activités professionnelles de M. X... ;

Qu'en statuant ainsi, alors, d'une part, que M. X... réclamait l'indemnisation de son préjudice économique non seulement au titre de la perte de son emploi à la CNAS à compter d'une certaine date mais encore au titre de son incapacité de travail actuelle et future aggravée par la maladie déclarée au titre de la contamination par le VIH, et alors, d'autre part, qu'il ressortait de ses propres constatations et énonciations que l'infection virale invalidante subie par M. X... depuis septembre 1996 avait concouru à l'incapacité de travail qu'il subissait depuis lors, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 mars 2002, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne le Fonds d'indemnisation des transfusés et hémophiles contaminés par le VIH aux dépens ;

Dit que sur les diligences du Procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf octobre deux mille trois.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 02-06001
Date de la décision : 09/10/2003
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

SANTE PUBLIQUE - Transfusions sanguines - Virus d'immunodéficience humaine - Contamination - Indemnisation - Préjudice économique - Arrêt de l'activité professionnelle.

RESPONSABILITE DELICTUELLE OU QUASI DELICTUELLE - Lien de causalité avec le dommage - Santé publique - Transfusions sanguines - Contamination par le virus d'immunodéficience humaine - Arrêt de l'activité professionnelle

Ne donne pas de base légale à sa décision au regard des articles 1382, 1383 du Code civil et 47 de la loi du 31 décembre 1991, une cour d'appel qui, pour débouter une victime, contaminée en 1984 par le virus d'immunodéficience humaine (VIH) et atteinte par la maladie en septembre 1996, de sa demande de réparation de son préjudice économique, retient qu'il n'existe pas de lien de causalité direct et certain entre la contamination et l'arrêt de ses activités professionnelles, en février 1994, alors qu'il ressortait de ses propres constatations que l'infection invalidante que la victime avait subie depuis septembre 1996 avait concouru à l'incapacité de travail qu'elle subissait depuis lors.


Références :

Code civil 1382, 1383
Loi 91-1406 du 31 décembre 1991, art. 47

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 21 mars 2002


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 09 oct. 2003, pourvoi n°02-06001, Bull. civ. 2003 II N° 296 p. 241
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2003 II N° 296 p. 241

Composition du Tribunal
Président : M. Ancel.
Avocat général : Premier avocat général : M. Benmakhlouf.
Rapporteur ?: M. Bizot.
Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié, Me Spinosi.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2003:02.06001
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