AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur les deux moyens, réunis :
Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt attaqué (Reims, 28 novembre 2001) de fixer à une certaine somme l'indemnité allouée à la suite de l'expropriation au profit de la Chambre de commerce et d'industrie de Reims et d'Epernay de parcelles leur appartenant, alors, selon le moyen :
1 / qu'en cas de mutation à titre gratuit ou onéreux de biens expropriés, antérieure de moins de cinq ans à la date de la décision portant transfert de propriété, l'indemnité principale d'expropriation ne peut être limitée à l'estimation du Service des domaines dès lors que la mutation a donné lieu à une déclaration d'un montant supérieur à ladite estimation, ou, le cas échéant, à une déclaration ultérieure rectificative faisant corps avec la déclaration rectifiée, dont la date s'applique à l'acte rectificatif ; qu'en l'espèce, dans la déclaration de succession rectificative produite par les expropriés, faisant corps avec la déclaration de succession rectifiée du 29 juin 1998, et dont la date, antérieure au jugement de première instance, s'appliquait à l'acte rectificatif, l'évaluation des biens expropriés n'était pas inférieure à l'estimation domaniale de sorte qu'en décidant cependant que l'indemnité principale d'expropriation devait être limitée à cette estimation, en raison de la tardiveté de la déclaration rectificative, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L. 13-17 du Code de l'expropriation ;
2 / que le juge n'est pas tenu par l'estimation faite par les services fiscaux lorsque, en cas d'expropriation ne portant que sur une partie des biens ayant fait l'objet de la mutation de référence, l'évaluation donnée à la totalité des biens lors de ladite mutation est supérieure à l'estimation des services fiscaux et que le juge doit se fonder, d'une part, sur l'estimation globale de la valeur des biens expropriés et, d'autre part, sur l'évaluation donnée à la totalité des biens de sorte que, en prenant comme terme de comparaison un prix au mètre carré pour en déduire que l'estimation des services fiscaux était supérieure à l'évaluation de la totalité des biens lors de la mutation, la cour d'appel a violé, par fausse application, les articles L. 13-17 et R 13-44 du Code de l'expropriation ;
3 / que, tenus, en application de l'article L. 13-13 du Code de l'expropriation, d'assurer la réparation intégrale du préjudice causé par l'expropriation, les juges de l'expropriation sont fondés à prendre en considération la situation privilégiée des terrains expropriés qui leur est conférée par leur lieu d'implantation et leur desserte, quelle que soit leur constructibilité à la date de référence, si bien qu'en s'abstenant d'examiner, ainsi qu'elle y était invitée, si l'emplacement spécifique des parcelles litigieuses, dotées d'une excellente desserte, de la proximité urbanisée et très commerciale et de l'existence de réseaux partiels, ne leur conférait pas une situation privilégiée qu'il y avait lieu de prendre en considération, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 13-13 et L. 13-15 du Code de l'expropriation ;
4 / qu'en toute hypothèse, dans leurs écritures d'appel, les consorts X... avaient, en l'espèce, amplement souligné dans leurs écritures en cause d'appel "la situation privilégiée des parcelles expropriées", rappelant à cet égard que celles-ci bénéficiaient de "dessertes extrêmement rapides et pratiques", de la "proximité d'une zone urbanisée et très commerciale", ainsi que de "l'existence de réseaux partiels" de sorte qu'en ignorant totalement les écritures d'appel des expropriés sur ce point déterminant dans l'évaluation des indemnités d'expropriation dues, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
5 / que les consorts X... avaient expressément souligné dans leurs écritures d'appel, d'une part, qu'ils ne revendiquaient pas et n'avaient "jamais revendiqué" le classement de terrains à bâtir pour les parcelles litigieuses et que ces mêmes parcelles étaient néanmoins situées dans une zone constructible, même si leur équipement en VRD ne permettait pas actuellement de retenir la qualification de terrains à bâtir si bien qu'en énonçant à l'appui de sa décision qu'aucune des parcelles litigieuses ne pouvaient "recevoir la qualification de terrain à bâtir", la cour d'appel a, par conséquent, dénaturé par omission les écritures d'appel dans lesquelles les expropriées avaient clairement souligné qu'elles ne revendiquaient pas la qualification de terrain à bâtir, et a violé l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu, d'une part, que les expropriés n'ayant pas soutenu devant les juges du fond que l'expropriation ne portait que sur une partie des biens ayant fait l'objet de la mutation de référence, le moyen est nouveau de ce chef, mélangé de fait et de droit ;
Attendu, d'autre part, qu'ayant constaté qu'il s'était écoulé moins de cinq ans entre l'ordonnance d'expropriation et la mutation à titre gratuit des parcelles expropriées aux consorts X..., que la déclaration de succession du 29 juin 1998 avait attribué à ces parcelles une valeur inférieure à l'évaluation du service des Domaines du 3 février 2000 et relevé que la déclaration de succession rectificative des consorts X... du 27 octobre 2000 était inopérante comme tardive, les biens devant être estimés en se plaçant à la date du jugement de première instance du 11 juillet 2000, conformément à l'article L.13-15 du Code de l'expropriation, la cour d'appel, qui a fait application de l'article L. 13-17 du Code de l'expropriation pour la partie des biens expropriés transmis par succession et qui, pour le surplus, a souverainement fixé le montant de l'indemnité en retenant la méthode d'évaluation et les termes de comparaison qui lui sont apparus les mieux appropriés, compte tenu de leur usage effectif de terres de culture et de la situation des parcelles expropriées, a, sans dénaturation et sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les consorts X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du NCPC, condamne les consorts X... à payer à la Chambre de commerce et d'industrie de Reims et d'Epernay la somme de 1 900 euros ;
Vu l'article 700 du NCPC, rejette la demande des consorts X... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit octobre deux mille trois.