AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt déféré, qu'une ordonnance du 26 janvier 1995 a condamné M. X..., en instance de divorce, à payer une pension alimentaire à son épouse, Mme Y... ; que M. X... a été mis en liquidation judiciaire le 7 mars 1995 ; que le divorce des époux, prononcé le 18 décembre 1997, et qui a acquis force de chose jugée, a mis fin à l'obligation alimentaire de M. X... ; que Mme Y... a demandé que le liquidateur judiciaire de M. X... soit condamné à lui verser l'arriéré de pension ;
Sur le moyen, pris en sa première branche, après avertissement délivré aux parties :
Attendu que M. Z..., liquidateur judiciaire, reproche à l'arrêt d'avoir dit qu'il devait régler le montant des pensions alimentaires dues à Mme Y... conformément à l'article 40, alinéa 2, de la loi du 25 janvier 1985 et fixé la somme due à 18 300 francs, alors, selon le moyen, que le privilège accordé aux créances de procédures ne s'applique pas à celles dont le fait générateur est antérieur au jugement d'ouverture de la procédure collective ; qu'en l'espèce, le fait générateur de la créance de Mme Y... est l'ordonnance du juge de la mise en l'état, en date du 26 janvier 1995, lui ayant alloué une pension alimentaire de 1 000 francs par mois ; que la procédure de liquidation judiciaire a été ouverte à l'encontre de M. X... par jugement du 7 mars 1995 ; qu'ainsi, le fait générateur de la créance alimentaire de Mme Y... est antérieur au prononcé du jugement et ne peut bénéficier des dispositions de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 ; que la cour d'appel a pourtant considéré que la créance alimentaire de Mme Y... devait être payée par priorité aux créances antérieures à la liquidation ; qu'en statuant ainsi, elle a violé les dispositions de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 ;
Mais attendu que la créance née de la pension alimentaire peut être payée sans avoir été déclarée au passif du débiteur soumis à procédure collective ; que par ce motif de pur droit, substitué à ceux de la cour d'appel, l'arrêt se trouve justifié ; que le moyen ne peut être accueilli ;
Mais sur le moyen, pris en sa seconde branche :
Vu les articles 40 et 50 de la loi du 25 janvier 1985, devenus les articles L. 621-32 et L. 621-43 du Code de commerce ;
Attendu que, pour accueillir la demande, l'arrêt retient que la créance de pension alimentaire, qui est une créance à exécution successive, est née à chaque échéance et donc postérieurement à la liquidation judiciaire, et que l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 ne concerne pas seulement les créances relatives à la poursuite de l'activité ou professionnelles ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la créance d'aliments, qui est une dette personnelle du débiteur soumis à une procédure collective, doit être payée sur les revenus dont il conserve la disposition, ou bien être recouvrée par la voie de la procédure de paiement direct ou de recouvrement public des pensions alimentaires, la cour d'appel a violé, par fausse application, les dispositions susvisées ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 février 2000, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du huit octobre deux mille trois.