AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 3 de l'accord conclu le 13 janvier 1988 entre le gouvernement de la République française et l'Union latine relatif à l'établissement à Paris du secrétariat de l'Union latine et à ses privilèges et immunités sur le territoire français ;
Attendu qu'aux termes de ce texte, l'Union latine jouit de l'immunité de juridiction et de l'immunité d'exécution, sauf :
- si elle a expressement renoncé à ladite immunité dans un cas particulier ;
- en ce qui concerne toute action civile intentée par un tiers, au titre d'un dommage résultant d'un accident causé par un véhicule à moteur appartenant à l'Union latine ou utilisé pour son compte, ou en ce qui concerne une infraction à la réglementation de la circulation des véhicules automoteurs mettant en cause un tel véhicule ;
- en ce qui concerne l'exécution d'une sentence arbitrale rendue conformément à l'article 17 du présent accord ;
- en cas de saisie des traitements, salaires et émoluments dus par l'Union latine à un membre de son personnel ;
Attendu que Mme X... a été engagée le 1er septembre 1987 par l'Union latine en qualité de coordinatrice de la rédaction du journal, "Terminometro", édité par cette organisation internationale, constituée par les Etats membres "de langue et de culture d'origine latine" et ayant pour objet notamment "de renforcer les liens spirituels et moraux qui les unissent" ; qu'après avoir fait l'objet d'un avertissement, Mme X... a été licenciée le 25 avril 1994 ; qu'elle a saisi le conseil de prud'hommes d'une instance pour obtenir le paiement, par l'Union latine, notamment de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de l'avertissement qu'elle estime abusif, des indemnités de rupture et d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que l'Union latine a soulevé l'irrecevabilité de l'action formée à son encontre par Mme X..., en invoquant l'immunité de juridiction prévue par l'accord de siège ;
Attendu que pour déclarer recevable l'action de Mme X..., l'arrêt attaqué énonce que l'immunité prévue par l'accord de siège n'existe qu'autant que l'acte qui donne lieu au litige constitue un acte de puissance publique ou a été accompli dans l'intérêt d'un service public et ne peut donc concerner que les employés que leurs fonctions amènent à participer à ce service ; que, dès lors, si les actes d'autorité sont couverts par ce privilège, les actes de gestion en sont exclus ; que, d'autre part, cette distinction s'applique non seulement aux Etats étrangers mais également aux organisations intergouvernementales telles que l'Union latine ; qu'en l'espèce, il résulte d'une attestation établie le 9 novembre 1993 par M. Y..., directeur du deuxième programme de l'Union latine, que Mme X..., dans le cadre de ses fonctions de coordinatrice générale du journal de l'Union latine (Terminometro), effectuait des tâches de traduction, de révision de traductions et des corrections de texte en langue française ; qu'il résulte de cette description de fonction que Mme X... n'était chargée d'aucune responsabilité particulière dans l'exercice du service public ; que son licenciement constitue donc un acte de gestion ne bénéficiant pas de l'immunité de juridiction ;
Attendu, cependant, que l'article 3 de l'accord de siège détermine, de manière limitative, les dérogations à l'immunité de juridiction dont bénéficie l'Union latine ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'elle a constaté que le litige soumis à la juridiction prud'homale, portant sur l'exécution et la rupture du contrat de travail, n'était pas compris dans les exceptions conventionnellement prévues excluant le bénéfice de l'immunité de juridiction, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé ;
Et attendu qu'en application de l'article 627, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile, la Cour est en mesure, en cassant sans renvoi, de mettre fin au litige en ce qu'il porte sur l'application de l'immunité de juridiction ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 décembre 2000, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
DECLARE irrecevable l'action de Mme X... à l'encontre de l'Union latine ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes de Mme X... et de l'Union latine ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par M. Le Roux-Cocheril, conseiller le plus ancien en ayant délibéré conformément à l'article 452 du nouveau Code de procédure civile, en l'audience publique du trente septembre deux mille trois.