AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu qu'à la requête de l'épouse, le divorce des époux X... a été prononcé par jugement rendu par défaut le 5 septembre 1986 par la cour supérieure de Montréal ; que, le 21 septembre 1988, M. Y... a assigné Mme Z... devant le tribunal d'instance de Lyon en contribution aux charges du mariage ; que Mme Z... ayant soulevé l'irrecevabilité de la demande en invoquant le jugement de divorce, le tribunal d'instance a renvoyé M. Y... devant le tribunal de grande instance pour qu'il soit statué sur l'opposabilité de ce jugement ; que l'arrêt confirmatif attaqué, rendu sur renvoi, après cassation (1ère chambre civile, 19 octobre 1999, Bull. n° 279), a dit le jugement du 5 septembre 1986 sans effet et inopposable en France ;
Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :
Attendu que Mme Z... fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen :
1 / qu'en remettant en cause les faits fondant la décision canadienne ayant reconnu la validité de la notification faite à M. Y... par voie de publication dans un journal, alors que les règles canadiennes de signification des actes ne heurtaient pas l'ordre public français, la cour d'appel a violé l'article 1er du titre VII de la Convention franco-québécoise d'entraide judiciaire et l'article 3 du Code civil ;
2 / qu'en procédant à une révision des faits constatés par le juge canadien pour décider, contrairement à ce dernier, qu'elle s'était rendue coupable de fraude, sans relever préalablement que les règles canadiennes en matière de signification des actes de procédure méconnaissaient l'ordre public français et justifiaient la révision au fond de la décision étrangère, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1 du titre VII de la Convention d'entraide franco-québécoise et l'article 3 du Code civil ;
3 / que la conception française de l'ordre public international ne s'oppose pas à la reconnaissance d'une décision étrangère qui a déclaré régulière la requête en divorce formée par une épouse déclarant sous serment ne pas connaître l'adresse de son mari destinataire de la signification, dès lors que cette déclaration est vérifiée par le juge canadien et qu'elle est accompagnée d'une mesure de publication de la requête dans un journal ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article 3 du Code civil ;
Mais attendu que, loin d'avoir violé les textes visés au moyen, les juges du fond en ont fait l'exacte application ; qu'ils ont relevé qu'en déclarant mensongèrement qu'elle ignorait l'adresse de son mari et en sollicitant la permission de l'assigner par voie de publications dans un journal qu'il n'avait aucune chance de lire, Mme Z... avait cherché manifestement à l'empêcher de se défendre en temps utile, circonstances dont il se déduisait que la citation de M. Y... n'avait été conforme à la loi procédurale qu'en apparence puisqu'elle avait été fondamentalement viciée par la fraude aux droits de la défense ; qu'en statuant ainsi, ils n'ont pas révisé la décision au fond, ni ne se sont prononcés sur la conformité à l'ordre public français des règles canadiennes de signification des actes, l'atteinte aux droits de la défense ne résultant pas de celles-ci, mais d'une fraude que le juge canadien n'avait aucun moyen de déceler ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le second moyen :
Attendu que Mme Z... fait encore grief à l'arrêt attaqué d'avoir statué comme il l'a fait, alors, selon le moyen, qu'elle faisait valoir dans ses conclusions d'appel que le jugement de divorce rendu par la Cour supérieure de Montréal était susceptible de rétractation devant les juridictions québécoises, en application des articles 482 et 483 du Code de procédure civile du Québec ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'en retenant que l'une des conditions exigées n'était pas remplie et qu'il n'y avait donc pas lieu d'examiner si les autres l'étaient, la cour d'appel a répondu aux conclusions invoquées ;
qu'ainsi, le moyen est sans fondement ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. Y... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente septembre deux mille trois.