AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique pris en ses trois branches tel qu'il est énoncé au mémoire ampliatif et reproduit en annexe :
Attendu qu'à la fin de l'année 1990, une information a été ouverte des chefs de blanchiment de capitaux provenant du trafic de stupéfiants et de recel à l'encontre de plusieurs personnes dont MM. Georges et Laurent X..., gérants de fait ou de droit de la Société générale de change (la société) ; que, par arrêt du 7 juillet 1995, la cour d'appel de Paris a infirmé le jugement du tribunal de commerce du 27 juin 1991 déclarant la société en état de liquidation judiciaire ; que, par arrêt du 16 juin 1997, la cour d'appel de Paris a confirmé le jugement du tribunal correctionnel de Paris du 17 avril 1996 prononçant la relaxe de MM. Georges et Laurent X... ; que, par acte du 8 décembre 1997, la société a assigné l'Etat français, sur le fondement de l'article L. 781-1 du Code de l'organisation judiciaire, en réparation du préjudice que lui aurait causé le comportement du juge d'instruction chargé du dossier, constitutif selon elle d'une faute lourde ;
Attendu que la société fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué (Paris, 3 mai 2001) de l'avoir déboutée de son action ;
Mais attendu sur les deux premières branches, que, tant par motifs propres qu'adoptés, la cour d'appel a relevé que les graves anomalies constatées, mouvements occultes de capitaux, comptabilité entièrement codée d'une des sociétés du Groupe, opérations non comptabilisées de transferts de fonds vers la Suisse, liens entre les sociétés du groupe et des personnes condamnées par ailleurs pour trafic de stupéfiants, fuite depuis un an de l'un des dirigeants de la société, justifiaient la teneur des deux lettres du juge d'instruction au Parquet invoquées par l'appelante ; que la seconde de ces lettres, datée du 18 août 1992, qui ne comportait qu'une demande d'information sur les sociétés impliquées et d'avis sur leur évolution possible ne pouvait s'analyser comme la preuve d'une intention de nuire, la société étant, à cette date, déjà placée en liquidation judiciaire ; que, prenant en considération l'ensemble des faits qui lui étaient soumis, elle en a déduit, à bon droit, l'absence de faute lourde de nature à mettre en jeu la responsabilité du service public de la justice ;
Attendu que la troisième branche s'attaque à un motif surabondant de l'arrêt, dès lors que l'absence de déficience du service, constatée par la cour d'appel, excluait nécessairement la réparation d'un préjudice ;
D'où il suit que le moyen, non fondé en ses deux premières branches, est inopérant dans la troisième ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la Société générale de change aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la Société générale de change à payer à l'agent judiciaire du Trésor la somme de 1 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept septembre deux mille trois.