AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trois septembre deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller ARNOULD, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MOUTON ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Pascal,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de NANCY, en date du 17 avril 2003, qui, dans l'information suivie contre lui du chef d'homicide involontaire, a prononcé sur sa demande d'annulation d'actes de la procédure ;
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 3 juillet 2003, prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;
Vu les mémoires produits en demande, en défense et en réplique ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 170, 171, 173, 174, 591, 593, 697, 698, 698-1 et 802 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a refusé d'annuler le réquisitoire introductif en date du 28 janvier 1999 (D. 25) ainsi que les actes de la procédure subséquente ;
"aux motifs qu'il est constant que, dans leur plainte avec constitution de partie civile, les consorts Y... mettaient expressément en cause le corps médical militaire pour un défaut d'attention au militaire David Y... ; que les faits dénoncés constituaient des délits de droit commun commis dans l'exécution du service par les militaires tels que visés par l'article 697-1 du Code de procédure pénale ; que par conséquent, le procureur de la République devait, préalablement à son réquisitoire introductif demander l'avis du ministre chargé de la défense ou de l'autorité militaire habilitée par lui, ainsi que l'édicte l'article 698-1 du même Code ; selon cet article, l'avis doit figurer au dossier de la procédure à peine de nullité ; tel n'est pas le cas en l'espèce ; que cependant, s'agissant de la violation d'une forme prescrite par la loi à peine de nullité, il est nécessaire, conformément aux dispositions de l'article 802 du Code de procédure pénale, de vérifier, préalablement au prononcé éventuel de la nullité, si la violation invoquée "a eu pour effet de porter atteinte aux intérêts de la partie qu'elle concerne" ;
qu'il convient en premier lieu de relever que Pascal X..., à qui il revient de le faire, n'indique pas en quoi la nullité invoquée lui a fait grief ; qu'en second lieu, il faut rappeler que si les dispositions de l'article 698-2 du Code de procédure pénale, dans leur rédaction applicable à l'époque, interdisaient à la partie civile de mettre en mouvement l'action publique par le dépôt d'une plainte avec constitution de partie civile, une dérogation était cependant prévue "en cas de décès, de mutilation ou d'infirmité permanente" ; ces derniers termes étaient de portée générale et ne rattachaient pas le dommage à une infraction particulière ; iI faut donc en déduire qu'en présence du décès d'une personne, fait objectif, ses proches avaient le droit de mettre en mouvement l'action publique à l'encontre des militaires qui, dans l'exécution de leur mission, s'étaient selon eux, aux termes de l'article 223-6 du Code pénal, abstenus volontairement de porter à l'intéressé l'assistance qu'ils étaient en mesure de lui prêter, laquelle aurait pu prévenir la mort de ce dernier ; que, par ailleurs, le procureur de la République ne peut, selon l'article 86 du Code de procédure pénale, saisir le juge d'instruction de réquisitions de non informer "que si, pour des causes affectant l'action publique elle-même, les faits ne peuvent légalement comporter une poursuite ou si, à supposer les faits démontrés, ils ne peuvent admettre aucune qualification pénale" ;
qu'il se déduit de l'ensemble des textes susvisés que, quel qu'ait pu être l'avis du ministre de la Défense, si le procureur de la République l'avait recueilli préalablement comme l'exige l'article 698-1 précité, ledit avis, destiné à éclairer les autorités judiciaires sur les circonstances et le contexte dans lesquels étaient intervenus les faits dénoncés, n'aurait pu faire obstacle à la mise en mouvement de l'action publique par les parties civiles qui a abouti à la mise en examen de Pascal X... ; qu'à défaut de grief résultant pour ce dernier de la violation par le procureur de la République de Nancy des prescriptions de l'article 698-1 du Code de procédure pénale, il n'y a pas lieu d'annuler le réquisitoire introductif et la procédure subséquente ;
"1 ) alors qu'il résulte des dispositions de l'article 698-1 du Code de procédure pénale que, quand bien même, en application des dispositions combinées des articles 1er, alinéa 2, et 698-2 du Code de procédure pénale, les parties civiles avaient elles-mêmes pu mettre l'action publique en mouvement pour une infraction visée à l'article 697 du Code de procédure pénale, le procureur de la République ne pouvait, en l'absence de dénonciation du ministre chargé de la défense ou de l'autorité militaire habilitée par lui, exercer aucun acte de poursuite sans avoir préalablement sollicité l'avis du ministre chargé de la défense ou de l'autorité militaire habilitée par lui et sans que cet avis ait été versé à la procédure en sorte que, selon les propres constatations de l'arrêt, la chambre de l'instruction a violé les textes susvisés ;
"2 ) alors que, l'article 802 du Code de procédure pénale ne saurait trouver application lorsqu'est en cause la méconnaissance de dispositions d'ordre public telles que celles qui sont édictées par l'article 698-1 du Code de procédure pénale, en sorte qu'en refusant d'annuler le réquisitoire introductif irrégulier au regard de ces dispositions en se référant à l'adage "pas de nullité sans grief", la chambre de l'instruction a violé les dispositions des articles 698-1 et 802 du Code de procédure pénale ;
"3 ) alors que, la validité de constitution de partie civile est sans emport sur celle des réquisitions du ministère public, dès lors, que les actes de la partie civile et ceux du ministère public sont de principe, indépendants les uns des autres comme procédant de la défense d'intérêts distincts" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure qu'à la suite du décès de David Y..., militaire au 15ème régiment du génie de l'air à Ecrouves, survenu le 9 octobre 1996 à l'infirmerie de la caserne où il effectuait son service militaire, une plainte avec constitution de partie civile a été déposée par ses parents le 12 janvier 1999, contre personne non dénommée, des chefs de non-assistance à personne en danger et mise en danger de la vie d'autrui ; que, le 28 janvier 1999, une information a été ouverte contre personne non dénommée des mêmes chefs ; que Pascal X..., médecin militaire, mis en examen le 20 novembre 2002, du chef d'homicide involontaire, a demandé l'annulation du réquisitoire introductif du 28 janvier 1999 en soutenant qu'il ne pouvait être pris sans que le procureur de la République ait préalablement demandé l'avis du ministre chargé de la défense ou de l'autorité militaire habilitée par lui, comme le prévoit l'article 698-1 du Code de procédure pénale ;
Attendu que, pour rejeter cette requête, la chambre de l'instruction prononce par les motifs reproduits au moyen ;
Attendu qu'en cet état, l'arrêt attaqué n'encourt pas la censure dès lors que l'article 698-1 du Code de procédure pénale, qui subordonne les poursuites exercées pour les infractions visées à l'article 697-1 dudit Code soit à la dénonciation, soit à l'avis préalable des autorités militaires, ne régit que la mise en mouvement de l'action publique à l'encontre des militaires par le procureur de la République, le juge d'instruction, habilité en matière militaire conformément à l'article 697 du même Code, ayant le pouvoir de mettre en examen toute personne ayant pris part aux faits dont il est saisi ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Et attendu que la condamnation prévue par l'article 618-1 du Code de procédure pénale n'est pas recevable ;
DECLARE IRRECEVABLE la demande au titre de l'article 618-1 du Code de procédure pénale ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, M. Arnould conseiller rapporteur, MM. Le Gall, Pelletier, Mmes Ponroy, Koering-Joulin, M. Corneloup conseillers de la chambre, M. Sassoust, Mme Caron, M. Lemoine conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Mouton ;
Greffier de chambre : Mme Lambert ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;