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09/07/2003 | FRANCE | N°03-82163

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 09 juillet 2003, 03-82163


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le neuf juillet deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire DESPORTES, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE et de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DI GUARDIA ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Daniel,

- Y... Loïc,

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contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, en date du 14 mars 2...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le neuf juillet deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire DESPORTES, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE et de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DI GUARDIA ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Daniel,

- Y... Loïc,

- Z... Christian,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, en date du 14 mars 2003, qui, dans l'information suivie contre eux pour association de malfaiteurs, complicité de vols avec arme et en bande organisée, tentative d'homicide volontaire, tentative d'homicide volontaire sur agent de la force publique, destruction par substances explosives ou incendiaires et infraction à la législation sur les armes et les munitions, a rejeté partiellement leurs demandes d'annulation d'actes de la procédure ;

Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle en date du 19 mai 2003 joignant les pourvois en raison de la connexité et prescrivant leur examen immédiat ;

I - Sur le pourvoi de Christian Z... ;

Attendu qu'aucun moyen n'est produit ;

II - Sur les pourvois des autres demandeurs ;

Vu les mémoires produits ;

Sur le premier moyen de cassation proposé pour Daniel X..., pris de la violation et de la fausse application des dispositions des articles 53 de la Constitution du 4 octobre 1958, 39, 40 et 53 de la Convention de Schengen, 170, 171, 173, 174, 694 à 696 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, ensemble violation des règles de compétence ;

"en ce que l'arrêt attaqué a refusé d'annuler le versement au dossier de la procédure du rapport des autorités espagnoles en date du 22 janvier 2001 (D 188) et des pièces qui en sont la conséquence ;

"aux motifs que les requérants soutiennent à tort que la procédure d'observation prévue à l'article 40 de la convention d'application de l'accord de Schengen du 19 juin 1990 qui, au titre de la coopération policière, permet aux agents de l'une des parties contractantes qui observent dans leur pays une personne présumée avoir participé à un fait punissable pouvant donner lieu à extradition, de poursuivre cette observation sur le territoire d'une autre partie contractante sur la base d'une demande d'entraide judiciaire, ne peut donner lieu à la transmission d'une procédure écrite ; qu'en effet, dans la mesure où l'observation peut également être confiée aux agents de la partie contractante sur le territoire de laquelle elle est effectuée (art. 401, alinéa 2, de la convention), une telle hypothèse ne peut que conduire à l'établissement d'une procédure ou d'un compte rendu de cette observation transmis à la partie requérante ; qu'au demeurant, si les services de police espagnols ont fondé sur ce texte la transmission effectuée par le canal d'Interpol à leurs homologues de la BRB d'un rapport concernant des investigations conduites en Espagne sur les activités de plusieurs individus en relation avec Daniel X... soupçonnés de se livrer à des activités criminelles et ce, sur la base de "renseignements reçus en 1998 de la police française", toutes indications reprises dans le rapport de transmission établi le 22 janvier 2001 par les fonctionnaires de la BRB à l'attention du magistrat instructeur, l'article 39 de la convention précitée autorisait en tout état de cause, au titre de la même coopération policière, la transmission d'informations écrites telles que celles contenues dans le rapport espagnol annexé au rapport du 22 janvier 2001 établi par la BRB pour transmission au juge d'instruction et dont la nullité est invoquée ; qu'à ce titre, l'article 39-2 de la convention dispose que les informations écrites peuvent être transmises et utilisées par la partie contractante requérante aux fins d'apporter la preuve des faits incriminés avec l'accord des autorités judiciaires compétentes de la partie contractante requise ; que le magistrat instructeur a bien satisfait à cette obligation en l'espèce ; qu'en effet, les dispositions de la convention n'imposent pas que l'accord des autorités judiciaires de l'Etat requis intervienne avant ou concomitamment à la réception des documents, la régularisation pouvant procéder d'une autorisation obtenue à bref délai après réception et analyse de leur contenu et décision de les exploiter dans le cadre de la recherche de la preuve des infractions dont le magistrat est saisi ;

"1 - alors que le principe général d'entraide applicable entre les pays signataires de la convention de Schengen est, aux termes de l'article 53, alinéa 1, de cette convention, celui de Ia transmission d'autorités judiciaires à autorités judiciaires ; qu'il ne peut être fait exception à ce principe que dans les conditions limitativement définies par les autres dispositions de ladite convention ; que l'article 39 n'autorise la transmission de documents entre autorités policières qu'autant que le droit national ne réserve pas la demande aux autorité judiciaires et que la demande ou son exécution n'impliquent pas application de mesures de contrainte par la partie contractante requise ; qu'en droit espagnol comme en droit français, l'initiative, la transmission et le contrôle des interceptions de correspondances émises par la voie des télécommunications relèvent de la seule compétence du juge d'instruction ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que le rapport transmis directement de policiers espagnols à policiers français concernait les filatures et surveillances téléphoniques prescrites par les autorités judiciaires espagnoles ; qu'en conséquence, la transmission directe du rapport de policiers espagnols à policiers français était exclue, les premiers n'ayant pas compétence pour le transmettre à leurs collègues et les seconds n'ayant pas compétence pour le recevoir directement et qu'en cet état la chambre de l'instruction ne pouvait, sans méconnaître ses pouvoirs et violer ce faisant les textes susvisés, refuser d'annuler cette transmission ainsi que les pièces dont elle était le support ;

"2 - alors que la méconnaissance de l'article 53 de la Convention de Schengen est d'autant plus certaine que, comme le soulignait Daniel X... dans son mémoire régulièrement déposé devant la chambre de l'instruction et de ce chef délaissé, au mois de janvier 2001, date de transmission du rapport aux policiers français, la présente information était déjà ouverte en France depuis le 29 décembre 2000 et que par conséquent la transmission directe entre autorités judiciaires constituait sans aucun doute le seul mode de transmission possible" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que le 12 janvier 2001, les policiers espagnols ont transmis à leurs homologues français par le canal d'Interpol un rapport relatant diverses investigations effectuées en Espagne, dont des écoutes téléphoniques autorisées par les tribunaux de Gava et Malaga, portant sur les activités criminelles de plusieurs personnes en relation avec Daniel X... ; que, le 22 janvier suivant, ce rapport a été communiqué par un officier de police judiciaire au juge d'instruction saisi de divers crimes et délits qui auraient été commis par les intéressés ;

Attendu que, pour écarter le moyen de nullité, selon lequel la transmission du rapport avait été effectuée en violation des dispositions de la Convention de Schengen du 19 juin 1990, la chambre de l'instruction retient, notamment, qu'une telle transmission était autorisée par l'article 39.2 de ladite convention qui, au titre de la coopération policière entre les Etats parties, prévoit qu'il peut être procédé à des échanges d'informations écrites aux fins d'apporter la preuve d'une infraction ;

Attendu qu'en prononçant ainsi, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;

Que, d'une part, la circonstance qu'un juge d'instruction ait été saisi des faits auxquels se rapportaient les informations détenues par les autorités espagnoles n'imposait pas la mise en oeuvre des dispositions de l'article 53 de la Convention de Schengen du 19 juin 1990 relatives à l'entraide judiciaire pour en obtenir la communication, dès lors que ces informations pouvaient être régulièrement obtenues en application de l'article 39 de cette convention, au titre de la coopération policière ;

Que, d'autre part, contrairement à ce qui est soutenu au moyen, au demeurant pour la première fois devant la Cour de Cassation, les policiers espagnols, qui se sont bornés à communiquer des informations tirées d'investigations effectuées dans des procédures suivies en Espagne, n'ont accompli, au titre de la coopération policière, aucun acte coercitif ou ressortissant exclusivement à l'autorité judiciaire, telle une interception de correspondances, qui eût été prohibé en application du premier paragraphe de l'article 39 précité ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le deuxième moyen de cassation proposé pour Daniel X..., pris de la violation des articles 53, 1 de la Convention de Schengen, 170, 171, 173, 174, 591, 593, 695 et 696 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, ensemble violation de règles de compétence ;

"en ce que l'arrêt attaqué a refusé de prononcer l'annulation du versement des enregistrements téléphoniques effectués en Espagne et rapportés en France par les officiers de police judiciaire de la BRB (scellés non numérotés) et les actes de la procédure qui en sont la conséquence ;

"aux motifs, d'une part, que s'il ressort des dispositions des articles 695 et 696 du Code de procédure pénale que, pour l'application des dispositions de l'article 53 de la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 entre les parties signataires, le procureur général du ressort de chaque cour d'appel est chargé de transmettre les demandes d'entraide auprès des autorités judiciaires compétentes et d'assurer le retour des pièces d'exécution, cette mission lui incombant également pour le retour des pièces en urgence, ce magistrat recevant les attributions confiées jusqu'alors, en cette hypothèse, au ministère de la justice par l'article 15, 2 de la convention européenne d'entraide judiciaire du 20 avril 1959 ; que ces règles, édictées dans le seul but de donner aux autorités judiciaires les moyens les plus efficaces pour traiter les missions en provenance de l'étranger et pour leur fournir un circuit plus adapté au traitement de leurs propres dossiers à l'étranger en désignant, dans le cadre de l'application de l'accord précité, en Ia personne du procureur général, une autorité susceptible d'assurer de façon centrale et en liaison directe avec les correspondants français et étrangers la transmission et le suivi des demandes d'entraide judiciaire internationale, sont sans incidence sur la validité des actes de procédure exécutés à l'étranger selon les formes légales en vigueur dans chaque Etat partie à la convention, actes sur lesquels le procureur général n'exerce pas de contrôle ;

"aux motifs, d'autre part, que constitue également un acte relevant de la souveraineté de chaque Etat le fait d'agréer, au-delà des engagements constituant la base des obligations contractées au titre d'un traité international contenant des dispositions d'entraide judiciaire et de coopération en matière de police judiciaire, la demande émanant d'une autorité judiciaire prévoyant notamment, comme en l'espèce, la remise directe au magistrat mandant ou à des OPJ délégués par lui et dont le déplacement aura été agréé par les autorités de l'Etat requis, des pièces à conviction ou actes de procédures exécutés dans le cadre d'une commission rogatoire internationale, afin de permettre leur exploitation en urgence ;

que ces modalités n'empêchent nullement dans ces hypothèses, le procureur général habilité à interroger le pays vers lequel la commission rogatoire avait été acheminée d'obtenir tous les renseignements utiles sur le caractère effectif ou au contraire sur les difficultés éventuelles ainsi que les délais d'exécution de la délégation, de répondre ou servir d'intermédiaire pour répondre aux demandes de précisions susceptibles d'être demandées par l'Etat requis, toutes prérogatives et diligences relevant de la mission définie par l'article 695 du Code de procédure pénale ; qu'en tout état de cause, cette modalité particulière de transmission et d'acheminement des pièces qui a procédé d'une demande de l'autorité judiciaire française, mais a procédé d'un acte de souveraineté de l'Etat requis, n'a, contrairement à ce qui est soutenu aux mémoires, d'aucune façon porté atteinte aux règles d'ordre public touchant en droit interne à l'organisation judiciaire ; que, dès lors, il suffit d'observer qu'en l'espèce les commissions rogatoires internationales établies par le juge d'instruction de Créteil ont été régulièrement transmises via le parquet de Créteil par le parquet général de la cour d'appel de Paris au président de "l'Audiencia Provincial" en Espagne ; qu'elles ont reçu l'agrément des autorités judiciaires espagnoles pour être exécutées sur le territoire de cet Etat, accord étant donné par ces mêmes autorités à la demande du magistrat instructeur français sollicitant remise de pièces d'exécution et de scellés établis conformément aux règles de procédure applicables dans cet Etat par l'intermédiaire des officiers de police judiciaire français autorisés à assister en Espagne à l'exécution de ces délégations ;

"1 - alors que la rédaction des articles 695 et 696 du Code de procédure pénale, édictés pour l'application des dispositions de l'article 53 de la convention de Schengen, implique clairement un monopole de compétence du procureur général du ressort de la cour d'appel en ce qui concerne le retour des pièces d'exécution des demandes d'entraide auprès des autorités étrangères et que la chambre de l'instruction, qui constatait expressément que le retour des pièces d'exécution des commissions rogatoires internationales établies par le juge d'instruction de Créteil avait eu lieu par remise à des officiers de police judiciaire délégués par ce magistrat, ne pouvait refuser d'annuler la procédure pour violation des règles de compétence qui sont d'ordre public ;

"2 - alors que la chambre de l'instruction pouvait d'autant moins refuser de procéder à cette annulation que la procédure de retour des pièces en cause avait été utilisée à l'instigation du juge d'instruction mandant qui avait lui-même prescrit au magistrat instructeur de l'Etat requis de procéder à la remise aux officiers de police judiciaire délégués par lui ce qui impliquait une violation par le juge français de sa propre loi ;

"3 - alors que la chambre de l'instruction a compétence pour contrôler l'acte par lequel des autorités françaises acceptent de se voir remettre des pièces par une autorité étrangère et de les acheminer ensuite en Espagne, de tels actes, parfaitement détachables de l'action de l'Etat requis, ne procèdent pas d'actes de souveraineté de celui-ci et que les officiers de police judiciaire français s'étant estimés compétents pour procéder à de tels actes en Espagne en méconnaissance des dispositions d'ordre public des articles 695 et 696 du Code de procédure pénale, la chambre de l'instruction ne pouvait dénier sa compétence pour refuser de procéder à leur annulation" ;

Attendu qu'en exécution d'une commission rogatoire internationale délivrée par le juge d'instruction le 9 février 2001 dans le cadre des dispositions de l'article 53 de la Convention de Schengen, les autorités judiciaires espagnoles ont remis aux policiers français, autorisés à assister à l'exécution de la délégation, plusieurs bandes magnétiques, placées sous scellé, constituant le support d'enregistrements de conversations téléphoniques ; que, conformément aux instructions du magistrat mandant, les policiers ont remis directement le scellé à l'expert désigné par le juge en vue de l'exploitation des enregistrements ;

Attendu que, pour écarter le moyen de nullité pris de ce qu'en violation des articles 695 et 696 du Code de procédure pénale, le scellé n'avait pas été adressé préalablement au procureur général, la chambre de l'instruction prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, les juges ont justifié leur décision ;

Qu'en effet, les dispositions des article 695 et 696 du Code de procédure pénale, selon lesquelles le procureur général est chargé d'assurer le retour des pièces d'exécution des commission rogatoires délivrées aux autorités judiciaires d'un Etat partie à la Convention de Schengen, instituent une mesure d'administration judiciaire qui n'intéresse pas les droits des parties ; que la méconnaissance de telles dispositions ne saurait constituer une cause de nullité de la procédure ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen de cassation proposé pour Daniel X..., pris de la violation des articles 97, alinéa 2, 163, 170, 171, 173, 174, 591, 593, 695 et 696 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, ensemble violation des règles de compétence et violation des droits de la défense ;

"en ce que l'arrêt attaqué a refusé d'annuler le rapport d'expertise rédigé par Norbert Pheuplin ainsi que ses annexes contenant les retranscriptions (D 343) et les actes de la procédure qui en sont la conséquence ;

"aux motifs, d'une part, que le rôle dévolu au procureur général par l'article 695 du Code de procédure pénale ne porte pas, comme il a été déjà rappelé, sur le contrôle du contenu des actes de la procédure ou des scellés transmis par les autorités judiciaires étrangères au titre de la demande d'entraide judiciaire résultant de l'exécution d'une commission rogatoire internationale délivrée par un juge d'instruction ;

"aux motifs, d'autre part, que s'il résulte de la combinaison des articles 97, alinéa 3, et 163 du Code de procédure pénale que le juge d'instruction doit inventorier les scellés avant de les remettre à l'expert, l'expert devant en cas d'ouverture ou de réouverture des scellés les inventorier, il suffit, pour la régularité de la procédure, qu'un inventaire constate la description, l'identification de leur contenu et leur intégrité avant toute ouverture, toutes conditions permettant de s'assurer de l'identité des pièces répertoriées aux mentions du procès-verbal en constatant la saisie ; qu'il ressort de la procédure que les autorités judiciaires espagnoles ont fait procéder à la confection d'un scellé parfaitement identifiable et décrit comme contenant neuf boîtiers cartons BASF renfermant les retranscriptions de surveillances téléphoniques autorisées en Espagne telles que mentionnées dans le rapport initial transmis le 22 février 2001 par les fonctionnaires de la BRB au juge d'instruction de Créteil (D 188) et que le placement sous scellés a été réalisé dans le cadre de l'exécution des commissions rogatoires internationales délivrées les 21 janvier et 9 février 2001 adressées par ce magistrat ; que ce scellé a été remis aux fonctionnaires de la BRB autorisés à assister aux opérations accomplies en Espagne en exécution de ces délégations conformément à la demande du juge d'instruction mandant et avec l'accord des autorités judiciaires espagnoles, opérations dont ces fonctionnaires ont rendu compte par rapport du 5 mars 2001 (D 197) ; que le juge d'instruction a commis Norbert Pheuplin en qualité d'expert pour procéder, notamment, à l'écoute et à la retranscription des conversations téléphoniques contenues dans ces enregistrements et a donné pour instruction de remettre directement le scellé à l'expert ; qu'à défaut du magistrat instructeur lui-même, l'expert a décrit le scellé, n'a constaté aucune trace d'effraction antérieure, l'a ouvert et en a inventorié précisément le contenu comme composé de 9 boîtiers référencés par l'expert A à I, chacun de ces boîtiers étant étiqueté, l'inventaire précisant les mentions contenues sur chacune des étiquettes correspondant aux mentions manuscrites portées sur la bobine contenue dans chaque boîtier identifiant les lignes téléphoniques et les titulaires concernés ; que cet inventaire, en l'absence d'effraction constatée sur l'emballage portant les sceaux et mentions d'origine apposées par les autorités espagnoles, remplit les conditions exigées par les textes susvisés comme garantissant suffisamment l'identité des pièces placées sous scellés en Espagne avec celles extraites du même scellé et soumises à l'examen de l'expert sans que l'absence d'inventaire préalable par le magistrat lui-même, soit de nature à porter atteinte de quelque façon que ce soit aux intérêts des mis en examen ;

"1 - alors que si le procureur général du ressort de la cour d'appel n'a pas compétence pour contrôler le contenu de la procédure ou des scellés transmis par les autorités judiciaires étrangères, il a compétence pour s'assurer de l'identité entre les pièces supposées lui avoir été adressées par les autorités judiciaires étrangères et les pièces qu'il a effectivement reçues et que dans le cas, qui est celui de l'espèce, où, selon les constatations de l'arrêt, la transmission s'est opérée non d'autorités judiciaires à autorités judiciaires mais d'autorités policières à autorités policières, en sorte que le procureur général a été mis dans l'impossibilité d'opérer ce contrôle, la chambre de l'instruction aurait dû sanctionner cette carence comme constituant une conséquence inacceptable de la violation des règles d'ordre public édictées par les articles 695 et 696 du Code de procédure pénale ;

"2 - alors que le juge d'instruction est impérativement tenu de procéder à l'inventaire des scellés avant de les faire parvenir à l'expert toutes les fois qu'il n'y a pas déjà été procédé par une autorité française, ce qui, selon les constatations de l'arrêt était précisément le cas en l'espèce, les enregistrements téléphoniques mis sous scellés provenant d'Espagne ayant été remis à l'expert par les policiers français qui les avaient reçus des autorités espagnoles sans qu'ils aient eux-mêmes procédé à cet inventaire" ;

Attendu que, pour écarter le moyen de nullité pris de ce que le scellé constitué par les enregistrements téléphoniques remis aux policiers français par les autorités espagnoles n'avait pas fait l'objet d'un inventaire par le juge d'instruction avant sa transmission à l'expert désigné en vue de son exploitation, la chambre de l'instruction énonce que l'expert a relevé que le scellé portait les sceaux et mentions d'origine apposées par les autorités espagnoles et n'a constaté aucune trace d'effraction ; que les juges en déduisent qu'est ainsi suffisamment établie l'identité des pièces placées sous scellé en Espagne avec celles soumises à l'examen de l'expert et que l'absence d'inventaire par le juge d'instruction n'a pas porté atteinte aux intérêts du requérant ;

Attendu qu'en prononçant ainsi, et dès lors que, d'une part, contrairement à ce qui est soutenu par le demandeur, aucune disposition légale ou conventionnelle n'imposait au procureur général de procéder à un inventaire, et que d'autre part, les enregistrements saisis sont soumis à la libre discussion des parties, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne peut être admis ;

Sur le moyen unique de cassation proposé pour Loïc Y..., et pris de la violation des articles 56, 57, 60, 163 et 802 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a refusé d'annuler le scellé n° 270, ainsi que les expertises génétiques (D.449 et D.550), et le procès-verbal d'interrogatoire de première comparution de Loïc Y..., ainsi que toute la procédure subséquente ;

"aux motifs qu'en présence d'une identification précise de la localisation des pièces à conviction saisies au lieu de la perquisition, les mégots étant placés sous scellé dont l'intégrité a été constatée lors de sa remise à l'expert, l'inventaire du contenu de ce scellé étant alors régulièrement effectué par le seul expert, les différents mégots ayant été répertoriés par attribution d'un numéro d'ordre précis rapporté à chaque empreinte génétique mise en évidence et elle-même répertoriée, il n'est pas résulté de la remise directe du scellé 270 à l'expert, pas plus que du défaut de précision allégué dans la description du procès-verbal de saisie de son contenu, une cause de nullité susceptible d'avoir porté atteinte aux droits de Loïc Y... ;

"alors que tous objets et documents saisis par un officier de police judiciaire doivent, aux termes de l'article 56 du Code de procédure pénale, être immédiatement inventoriés et placés sous scellés ; que l'article 163 du même Code précise qu'avant de faire parvenir les scellés aux experts, il y a lieu de procéder à leur inventaire dans les conditions prévues à l'article 97 ; qu'en l'espèce, la chambre de l'instruction a elle-même constaté qu'aucun inventaire du scellé 270 n'avait été effectué avant la transmission de ce scellé à l'expert ; que dès lors, l'inventaire effectué par le seul expert ne pouvait, en l'absence d'inventaire initial fait par l'officier de police judiciaire, permettre de s'assurer de l'intégrité et de la conformité du scellé à la saisie pratiquée lors de la perquisition ; que cette irrégularité portait nécessairement atteinte aux droits de Loïc Y..., en sorte qu'en refusant de constater la nullité du scellé et de la procédure subséquente, l'arrêt a violé les faits susvisés" ;

Attendu que Loïc Y... a soutenu que les pièces de la procédure ne permettaient pas d'établir l'identité entre les mégots de cigarettes saisis par les policiers lors d'une perquisition effectuée dans les locaux de l'entreprise Morelli et ceux sur lesquels les experts commis par le juge d'instruction avaient relevé son empreinte génétique ;

Attendu que, pour écarter ce moyen de nullité, la chambre de l'instruction énonce qu'à l'issue de la perquisition dans l'entreprise précitée, les policiers ont saisi et placé sous un scellé numéroté 270 des mégots de cigarettes en indiquant leur marque et l'endroit exact où ils avaient été trouvés ; que les juges retiennent que ce scellé, parfaitement identifié par son numéro et les mentions qui y étaient portées, a été régulièrement inventorié par les experts désignés qui ont constaté son intégrité avant de procéder à l'analyse des mégots ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il résulte que les dispositions des articles 97 et 163 du Code de procédure pénale n'ont pas été méconnues, les juges ont justifié leur décision ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, M. Desportes conseiller rapporteur, MM. Le Gall, Challe, Mme Anzani, M. Dulin, MmeThin conseillers de la chambre, MMes Agostini, Caron, Menotti conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Di Guardia ;

Greffier de chambre : Mme Daudé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 03-82163
Date de la décision : 09/07/2003
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

INSTRUCTION - Commission rogatoire - Commission rogatoire internationale - Convention d'application de l'accord de Schengen du 19 juin 1990 - Retour des pièces d'exécution - Mesure - Nature - Portée

CONVENTIONS INTERNATIONALES - Convention d'application de l'accord de Schengen du 19 juin 1990 - Instruction - Commission rogatoire internationale - Retour des pièces d'exécution - Mesure - Nature - Portée

Les dispositions des articles 695 et 696 du Code de procédure pénale, selon lesquelles le procureur général est chargé d'assurer le retour des pièces d'exécution des commissions rogatoires délivrées aux autorités judiciaires d'un Etat partie à la Convention de Schengen du 19 juin 1990, instituent une mesure d'administration judiciaire qui n'intéresse pas les droits des parties. Il s'ensuit que la méconnaissance de telles dispositions ne saurait constituer une cause de nullité de la procédure (2)


Références :

2° :
3° :
Code de procédure pénale 695, 696
Convention d'application de l'accord de Schengen du 19 juin 1990 art. 39, art. 53

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris (chambre de l'instruction), 14 mars 2003


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 09 jui. 2003, pourvoi n°03-82163, Bull. crim. criminel 2003, n° 134, p. 523
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2003, n° 134, p. 523

Composition du Tribunal
Président : M. Cotte (président)
Avocat général : M. Di Guardia
Rapporteur ?: M. Desportes
Avocat(s) : la SCP Piwnica et Molinié, la SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2003:03.82163
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