AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu leur connexité, joint les pourvois n° U 01-40.639 et V 01-40.640 ;
Sur le moyen de cassation, pris en sa première branche :
Vu les articles L. 412-19, L. 425-3 et L. 436-3 du Code du travail ;
Attendu que Mmes X... et Y..., employées de la société Lener Cordier, ayant le statut de salariées protégées en qualité de délégué du personnel et de membre du comité d'entreprise, ont été licenciées le 6 janvier 1987, après autorisation de l'inspecteur du travail du 5 novembre 1986 ; que cette autorisation a été annulée par jugement du tribunal administratif du 10 août 1988, qui a été confirmé par arrêt du 11 juillet 1994 du Conseil d'Etat ;
Attendu que pour déclarer irrecevables les salariées en leur demande d'indemnité pour la période écoulée entre leur licenciement et l'expiration de la période d'indemnisation, les arrêts attaqués énoncent que l'article L. 412-9 du Code du travail dispose que l'annulation sur recours hiérarchique par le ministre compétent d'une décision de l'inspecteur du travail autorisant le licenciement d'un salarié protégé emporte, pour le salarié concerné et s'il le demande dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision, droit à réintégration dans son emploi ; qu'il en est de même selon l'alinéa 2 du même article dans le cas où, sauf sursis à exécution ordonné par le Conseil d'Etat, le juge administratif a annulé une décision de l'inspecteur du travail autorisant un tel licenciement ; que l'autorisation de licencier Mme X... et Mme Y... a été annulée par le juge administratif le 8 août 1988 ;
que Mme X... et Mme Y... bénéficiaient de la possibilité de se faire réintégrer dans les deux mois de la notification de cette décision ; qu'aux termes du 3e alinéa de l'article L. 412-19 du Code du travail, le salarié, s'il ne demande pas la réintégration, a droit au paiement d'une indemnité "correspondant à la totalité du préjudice subi" au cours de la période qui s'est écoulée entre son licenciement et l'expiration du délai de deux mois suivant la notification de la décision d'annulation ; que cette indemnité, qui doit réparer la totalité du préjudice, recouvre le préjudice moral et financier du salarié dont l'autorisation de licenciement a été annulée ; que l'article L. 412-19 précise que cette indemnité constitue un complément de salaire qu'il soumet au versement des cotisations ; que cette indemnisation a le caractère de salaire et est soumise à la prescription quinquennale des salaires ; que la décision du juge administratif du 8 août 1988 était exécutoire ; que d'ailleurs, les salariées, conformément aux droits que leur ouvrait cette décision, ont pris position sur la demande de réintégration et ont saisi le conseil de prud'hommes d'une demande d'indemnisation, qu'il convenait pour elles de poursuivre cette action sans avoir à attendre la décision du Conseil d'Etat ; qu'en laissant radier l'action qu'elles avaient introduite le 25 novembre 1988 et en s'abstenant de saisir à nouveau le conseil de prud'hommes d'Hazebrouck dans le délai de cinq ans, les salariées ont perdu le droit de réclamer leur créance par application de la prescription quinquennale sans qu'elles puissent soutenir qu'un nouveau délai de prescription se serait ouvert à compter de la décision du Conseil d'Etat qui a rejeté la requête en annulation de la décision du tribunal administratif ; qu'en conséquence, elles sont irrecevables dans leurs demandes ;
Attendu, cependant, que l'indemnisation prévue par les articles L. 412-19, 3e alinéa, L. 425-3, alinéa 4 et L. 436-3, alinéa 4 en cas d'annulation de l'autorisation de licenciement par jugement du tribunal administratif n'est due que lorsque l'annulation de la décision d'autorisation est devenue définitive ; qu'il en résulte que le délai de prescription de l'action au titre de cette indemnisation ne court qu'à compter de cette date ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors que, selon ses propres énonciations, les salariées avaient saisi le conseil de prud'hommes le 19 décembre 1994 d'une demande d'indemnisation au titre des dispositions précitées sur le fondement de l'annulation de l'autorisation administrative de licenciement devenue définitive suite à l'arrêt du Conseil d'Etat du 11 juillet 1994, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes leurs dispositions, les arrêts rendus le 30 novembre 2000, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;
Condamne la société Lener Cordier ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Lener Cordier à payer à Mme X... la somme de 1 100 euros et la même somme à Mme Y... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts cassés ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux juillet deux mille trois.