AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société ACRR, que sur le pourvoi provoqué de la société Helvetia, de la société Saffer et de Mme X..., agissant en qualité de liquidateur de la liquidation judiciaire de cette société :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, confirmatif des chefs déférés, que la société ACRR qui avait été chargée par la société Automobiles Peugeot (société Peugeot) de la remise en état d'un moteur, a confié à la société Ziegler France (société Ziegler) l'acheminement de ce moteur de Sochaux à ses ateliers de Richwiller, que la société Ziegler s'est substitué la société Saffer ; que le moteur étant tombé sur la chaussée au cours du transport, cette société a chargé la société Lucchina de le relever et de le recharger sur le véhicule ; qu'en raison du poids du moteur, celle-ci a demandé à la société Sogecofa de mettre une grue à sa disposition ;
qu'au cours de l'opération de relevage, le moteur est retombé sur la chaussée ; que celui-ci étant arrivé endommagé, la société Peugeot a assigné les sociétés ACRR, Saffer et Sogecofa en réparation de son préjudice ; que la société ACRR, ayant indemnisé la société Peugeot, a demandé la condamnation des sociétés Saffer, Sogecofa et Lucchina à réparer le dommage tant en sa qualité prétendue de subrogée dans les droits de la société Peugeot qu'à titre personnel ; que la société Saffer et son assureur, la compagnie Helvetia ont appelé en garantie la société Sogecofa ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal :
Attendu que la société ACRR fait grief à l'arrêt de n'avoir pas été signé par un greffier présent lors du prononcé, alors, selon le moyen, que l'arrêt qui n'est pas signé par le greffier ayant assisté à son prononcé est nul ; qu'en l'espèce, il résulte des mentions de l'arrêt que Mme Y..., adjoint administratif faisant fonction de greffier, était présente lors des débats mais que celui-ci a été signé par Mme Z..., greffier ; qu'il n'est nullement indiqué que Mme Z..., greffier, aurait assisté à son prononcé ; qu'ainsi, la cour d'appel a violé les articles 456, 457 et 458 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que Mme Z..., greffier, qui a signé l'arrêt, est présumée avoir assisté à son prononcé ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le troisième moyen, pris en ses trois branches du même pourvoi :
Attendu que la société ACRR fait encore grief à l'arrêt d'avoir déclaré prescrits et, en conséquence, irrecevables ses recours en garantie à titre personnel dirigés contre les sociétés Saffer, Lucchina et la compagnie d'assurances Helvetia en tant qu'ils sont fondés sur les articles 98, 99 et 103, devenus les articles L. 132-5, L. 132-6 et L. 133-1 du Code de commerce, ainsi que sur les contrats de transport et de dépannage, alors, selon le moyen :
1 / que des conclusions constituent une demande en justice et sont, à ce titre, interruptives de prescription ; qu'en l'espèce, les conclusions de la société ACRR déposées le 10 octobre 1996 aux termes desquelles cette dernière avait, notamment, déclaré intervenir également en tant que subrogée dans les droits de la société Peugeot, ce qui impliquait nécessairement que la société ACRR agissait également à titre personnel sur le fondement du contrat de transport auquel elle était liée, constituaient donc nécessairement une demande en justice à l'encontre du commissionnaire de transport, du voiturier et des entreprises ayant procédé au levage et au rechargement du moteur ; qu'en retenant néanmoins que ces conclusions ne valaient pas interruption de la prescription, ayant commencé à courir à compter du 23 janvier 1996, dans le cadre de l'action exercée à titre personnel par la société ACRR et fondée sur le contrat de transport, contre le commissionnaire de transport, la société Ziegler, le voiturier, la société Saffer, et les entreprises chargées de lever et de recharger le moteur, les sociétés Sogecofa et Lucchina, la cour d'appel a violé l'article 53 du nouveau Code de procédure civile ainsi que l'article 108 du Code de commerce ;
2 / qu'il n'est pas nécessaire que l'acte interruptif soit porté à la connaissance personnelle du débiteur dans le délai de prescription ;
qu'il suffit que l'acte interruptif s'adresse à celui qu'on veut empêcher de prescrire ; qu'en l'espèce, il importait donc peu, au regard de la prescription de l'action exercée à titre personnel par la société ACRR et fondée sur le contrat de transport contre le commissionnaire de transport, le voiturier et les entreprises chargées du levage et du chargement du moteur accidenté, que les conclusions de la société ACRR déposées le 10 octobre 1996 aux termes desquelles cette dernière avait, notamment, déclaré intervenir également en tant que subrogée dans les droits de la société Peugeot et qui étaient dirigées contre, outre la société Peugeot, la société Ziegler, la société Saffer et la société Sogecofa n'aient pas été signifiées ou notifiées aux adversaires de la société ACRR ; qu'en retenant que ces conclusions de la société ACRR, qui avaient été déposées dans le délai de la prescription annale, ne valaient pas interruption de cette prescription ayant commencé à courir à compter du 23 janvier 1996 faute d'avoir été signifiées ou notifiées aux adversaires de la société ACRR, la cour d'appel a violé les articles 53 du nouveau Code de procédure civile, 108 du Code de commerce et 2244 du Code civil ;
3 / que l'assignation en réparation introduite, avant l'expiration du délai de prescription visée à l'article 108 du Code de commerce, par le destinataire de la marchandise contre le voiturier, le commissionnaire de transports et les différentes entreprises intervenues lors du dommage subi par cette marchandise a pour effet de profiter à l'expéditeur de cette marchandise dans le cadre de son recours en garantie exercé contre les autres défendeurs sur le fondement du contrat de transport et d'interrompre la prescription annale en sa faveur ; qu'ainsi en retenant que l'assignation en réparation introduite par la société Peugeot et dirigée contre les sociétés ACRR, Ziegler, Saffer, Sogecofa et Lucchina ne pouvait profiter qu'à elle seule et n'avait pu exercer d'effets interruptifs en faveur de la société ACRR dans le cadre de son recours en garantie contre les autres défendeurs, la cour d'appel a violé les articles 2244 du Code civil et 108 du Code de commerce ;
Mais attendu, d'une part, qu'après avoir estimé par une interprétation que les termes obscurs et ambigus des conclusions de la société ACRR, déposées le 10 octobre 1996, rendaient nécessaire, que celles-ci ne sont rien d'autre qu'une simple information de ce que cette société déclare intervenir en tant que subrogée dans les droits de la société Peugeot, la cour d'appel en a déduit à bon droit, que ces conclusions n'étaient pas interruptives de prescription dans le cadre de l'action personnelle de la société ACRR ;
Attendu, d'autre part, que la cour d'appel n'a pas dit que les conclusions de la société ACRR, déposées le 10 octobre 1996, ne valaient pas interruption de la prescription faute d'avoir été signifiées ou notifiées aux adversaires ;
Attendu, enfin, que par motifs adoptés, la cour d'appel a retenu exactement que l'assignation en réparation introduite par la société Peugeot et dirigée contre les sociétés ACRR, Saffer, Sogecofa et Lucchina, si elle devait interrompre une prescription, ne pouvait profiter qu'à elle seule et n'a pu exercer d'effet interruptif de prescription en faveur de la société ACRR dans le cadre de son recours en garantie contre les sociétés Saffer, Sogecofa et Lucchina ;
D'où il suit que le moyen qui manque en fait en sa deuxième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
Mais sur le deuxième moyen, pris en ses deuxième et troisième branches du même pourvoi :
Vu l'article 1251-3 du Code civil ;
Attendu qu'il résulte de ce texte que celui qui s'acquitte d'une dette qui lui est personnelle bénéficie de plein droit de la subrogation s'il a, par son paiement, libéré envers leur créancier commun celui sur qui doit peser la charge définitive de la dette, peu important que l'obligation de ce dernier n'ait pas été établie judiciairement ;
Attendu que pour déclarer irrecevable les demandes en réparation de la société ACRR en tant qu'elle se prétend subrogée dans les droits et actions de la société Peugeot contre les sociétés Saffer, Sogecofa, Lucchina et la compagnie d'assurances Helvetia, assureur de la société Saffer, l'arrêt retient, par motifs adoptés, que les dettes de réparation des sociétés Saffer, Sogecofa et Lucchina envers la société Peugeot sur le fondement de la responsabilité délictuelle ou quasi-délictuelle n'étaient pas déterminées lors du paiement effectué le 10 juin 1996, par la société ACRR au profit de la société Peugeot ; qu'à cette date, les rôles respectifs de chacune d'elles dans la survenance du sinistre et la production des dommages restaient à établir en l'absence de jugement et que la société ACRR ne peut invoquer à l'encontre de ces sociétés des dettes virtuelles de réparation les obligeant pour le tout envers la société Peugeot ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, après avoir relevé que la société ACRR qui devait restituer un moteur en bon état de conservation matérielle était tenue d'indemniser la société Peugeot et sans rechercher si les avaries du moteur n'avaient pas engagé la responsabilité délictuelle ou quasi délictuelle des sociétés Saffer, Lucchina et Sogecofa envers la société Peugeot, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Et attendu qu'en application de l'article 625 du nouveau Code de procédure civile, la cassation de l'arrêt sur le deuxième moyen entraîne l'annulation par voie de dépendance nécessaire des dispositions qui sont critiquées par le quatrième moyen et par le moyen unique du pourvoi provoqué ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré la société ACRR irrecevable en ses demandes en réparation en tant qu'elle se prétend subrogée dans les droits et actions de la société Automobiles Peugeot contre les sociétés Saffer, Sogecofa, Lucchina et la compagnie d'assurances Helvetia, en ce qu'il a débouté la société ACRR de ses recours en garantie personnels dirigés contre ces sociétés sur le fondement de leurs responsabilités délictuelles ou quasi-délictuelles et en ce qu'il a débouté la société Saffer et son assureur la compagnie Helvetia de leur appel en garantie dirigé contre la société Sogecofa, l'arrêt rendu le 10 avril 2001, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ;
remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Dijon ;
Condamne les défenderesses au pourvoi principal aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes des sociétés ACRR, Lucchina, Helvetia, et Saffer et de Mme X..., agissant en qualité de liquidateur de la société Saffer, de la société Sogecofa et de la société Generali France assurances venant aux droits de la compagnie La France ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre juin deux mille trois.