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11/06/2003 | FRANCE | N°99-14612

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 11 juin 2003, 99-14612


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses cinq branches :

Attendu que les époux X..., en instance de divorce sur demande conjointe, ont choisi d'un commun accord M. Gras, avocat ;

que M. Y..., notaire associé de la SCP Z... , devenue la SCP Guichard et Larricq, a établi le 25 octobre 1983, une convention définitive portant règlement complet des effets du divorce qui a été homologuée par le juge aux affaires matrimoniales ; qu'un immeuble, propre du mari qui, propriéta

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AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses cinq branches :

Attendu que les époux X..., en instance de divorce sur demande conjointe, ont choisi d'un commun accord M. Gras, avocat ;

que M. Y..., notaire associé de la SCP Z... , devenue la SCP Guichard et Larricq, a établi le 25 octobre 1983, une convention définitive portant règlement complet des effets du divorce qui a été homologuée par le juge aux affaires matrimoniales ; qu'un immeuble, propre du mari qui, propriétaire d'un quart par succession, et des trois quarts par la licitation, avait mis fin à l'indivision existant avec ses frères et soeurs, a été porté dans cet acte comme immeuble de la communauté dont les deniers avaient servi à payer les emprunts contractés en vue de la licitation ; qu'en 1994, reprochant au notaire d'avoir procédé à cette qualification de bien propre en bien commun, M. A..., l'a assigné en responsabilité ; que la SCP notariale et M. Y... ont appelé M. Gras en garantie ;

Attendu que M. A... fait grief à l'arrêt attaqué (Nîmes, 9 février 1999), d'avoir rejeté ses demandes, alors, selon le moyen :

1 / qu'il n'est pas permis de déroger aux dispositions impératives de l'article 1408 du Code civil, même avec le prétendu accord des époux et même dans le but de parvenir à une convention définitive de divorce, de sorte que la cour d'appel a violé ce texte ;

2 / qu'en donnant l'authenticité à un acte illicite par lequel il aurait été convenu de qualifier un bien propre de bien commun, au mépris de l'article 1408 du Code civil, le notaire a commis une faute, de sorte qu'en statuant comme elle a fait, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;

3 / que l'autorité de la chose jugée, par le jugement portant homologation de la convention définitive qualifiant l'immeuble propriété de M. A... de bien commun, jugement qui ne procède pas à la vérification de la réalité et, partant de la licéité de cette qualification à l'époque non contestée et résultant d'un acte notarié, interdit la remise en cause de cette convention dans les rapports entre époux, mais ne constitue pas un obstacle à l'action en responsabilité contre le notaire qui a procédé à cette qualification illicite et réparation par ce dernier, du préjudice qui en est résulté pour l'époux privé de sa propriété, de sorte que la cour d'appel a violé les articles 232 et 1351 du Code civil par fausse application ;

4 / que si l'acte dressé par le notaire mentionnait l'origine de propriété de l'immeuble litigieux, il ne précisait pas pour autant que cet immeuble était un propre de M. A..., et encore moins que sa qualification de bien commun constituait une prestation compensatoire déguisée pour régler au mieux les effets du divorce, de sorte qu'aucune stipulation de l'acte ne permet de vérifier que M. A... avait été informé de ses droits propres sur cet immeuble et que la constatation par le notaire d'un "commun accord" pour dire que l'immeuble en cause faisait partie de la communauté, ne peut être de nature à caractériser à elle seule une renonciation éclairée et dépourvue d'équivoque, par M. A..., à son droit de propriété ; qu'ainsi la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ;

5 / que ni le notaire ni l'avocat n'ont conclu à la prescription de l'action exercée par M. A... de sorte que, dès lors, à supposer que la cour d'appel ait entendu par ce motif opposer à M. A... la prescription de son action, l'arrêt attaqué serait en tout état de cause entaché d'une violation des articles 2223 du Code civil et 4 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, d'abord, que si, le mariage une fois célébré, il ne peut être apporté de changement au régime matrimonial que par l'effet d'un jugement, et que si les dispositions de l'article 1408, aux termes desquelles l'acquisition faite à titre de licitation ou autrement de portion d'un bien dont l'un des époux était propriétaire par indivis, ne forme point un acquêt, sont impératives, ces dernières peuvent être écartées par une convention passée pendant l'instance en divorce ou postérieurement à la dissolution de la communauté ; que, dès lors, la cour d'appel qui a retenu à bon droit que rien n'interdisait aux époux, pour parvenir à une convention définitive de divorce, de considérer, sous réserve des droits des tiers, cet immeuble, initialement propre du mari, comme étant un bien commun, a pu décider qu'en instrumentant la clause litigieuse, qui était licite, le notaire n'avait commis aucune faute, de sorte que le grief qui n'est pas fondé en sa première branche, est inopérant en sa seconde ;

qu'ensuite, l'arrêt constate qu'il résultait de l'état liquidatif que c'était par un commun accord des époux que l'immeuble dépendait de la communauté et que la finalité de cette convention était de régler au mieux les effets du divorce, l'épouse se voyant octroyer à titre de prestation compensatoire l'usufruit du mari sur la moitié de l'immeuble et ce tout en acceptant de régler la plus grande part des crédits afférents audit immeuble, en contrepartie de la part lui revenant sur l'autre moitié de l'immeuble ; que, dès lors, la qualification de bien commun de l'immeuble ne constituant pas un acte unilatéral, le grief de la quatrième branche invoquant le principe selon lequel la renonciation à un droit ne se présume pas, ne peut qu'être écarté ; qu'enfin, les griefs des troisième et cinquième branches, qui s'adressent à des motifs surabondants, sont inopérants ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. A... aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne M. A... à payer à la SCP Guichard-Larricq la somme de 1 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze juin deux mille trois.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 99-14612
Date de la décision : 11/06/2003
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

REGIMES MATRIMONIAUX - Immutabilité des conventions matrimoniales - Dérogation - Condition.

COMMUNAUTE ENTRE EPOUX - Propres - Article 1408 du Code civil - Dérogation - Condition

INDIVISION - Vente - Vente de droits indivis - Achat par un coïndivisaire commun en biens - Article 1408 du Code civil - Portée

OFFICIER PUBLIC OU MINISTERIEL - Notaire - Responsabilité - Faute - Convention définitive de divorce - Clause qualifiant un bien propre en bien commun (non)

Le principe de l'immutabilité du régime matimonial et les dispositions de l'article 1408 du Code civil, aux termes desquelles l'acquisition faite à titre de licitation ou autrement de portion d'un bien dont l'un des époux était propriétaire indivis ne forment point un acquêt, peuvent être écartés, sous réserve des droits des tiers, par une convention passée pendant l'instance en divorce ou postérieurement à la liquidation de la communauté ; ne commet dès lors aucune faute engageant sa responsabilité professionnelle, le notaire qui avait inséré à l'acte de licitation une clause selon laquelle l'immeuble, initialement propre au mari, était un bien commun.


Références :

Code civil 1408

Décision attaquée : Cour d'appel de Nîmes, 09 février 1999

A RAPPROCHER : Chambre civile 2, 1981-03-18, Bulletin 1981, II, no 64, p. 42 (rejet) ; Chambre civile 1, 1983-06-28, Bulletin 1983, I, no 190 (1), p. 167 (cassation) ; Chambre civile 1, 1993-10-13, Bulletin 1993, I, no 276, p. 191 (cassation partielle).


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 11 jui. 2003, pourvoi n°99-14612, Bull. civ. 2003 I N° 141 p. 110
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2003 I N° 141 p. 110

Composition du Tribunal
Président : M. Lemontey.
Avocat général : Mme Petit.
Rapporteur ?: M. Bargue.
Avocat(s) : la SCP Waquet, Farge et Hazan, la SCP Boré, Xavier et Boré, la SCP Defrenois et Levis.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2003:99.14612
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