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10/06/2003 | FRANCE | N°01-41051;01-41189

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 10 juin 2003, 01-41051 et suivant


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu leur connexité joint les pourvois n° S 01-41.051 et S 01-41.189 ;

Attendu que l'Association de développement des équipements sociaux (ADES) Maison Saint-Vincent au sein de laquelle s'applique la convention collective nationale des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966, gère un établissement accueillant des mineurs placés par décision de justice ; que M. X..., employé en qualité d'éducateur spécialisé par cette associat

ion a saisi la juridiction prud'homale en réclamant le paiement de rappels de sala...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu leur connexité joint les pourvois n° S 01-41.051 et S 01-41.189 ;

Attendu que l'Association de développement des équipements sociaux (ADES) Maison Saint-Vincent au sein de laquelle s'applique la convention collective nationale des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966, gère un établissement accueillant des mineurs placés par décision de justice ; que M. X..., employé en qualité d'éducateur spécialisé par cette association a saisi la juridiction prud'homale en réclamant le paiement de rappels de salaire au titre du repos compensateur des jours fériés travaillés, en application des dispositions de l'article 26 de l'ordonnance du 16 janvier 1982, au titre des heures travaillées de 35 heures à 39 heures à compter du 1er janvier 2000 et au titre des heures de surveillance nocturne effectuées dans une chambre dite de "veille" mise à sa disposition dans cet établissement pour lui permettre de répondre aux sollicitations des pensionnaires et à tout incident ; qu'il se prévaut en ce qui concerne cette dernière demande d'une nouvelle jurisprudence selon laquelle ces heures de surveillance nocturne doivent être considérées comme du travail effectif qui ne peut être rémunéré par le régime d'équivalence institué par l'article 11 de l'annexe 3 de la convention collective ;

Sur le pourvoi n° S 01-41051 formé par le salarié :

Sur le premier moyen :

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté sa demande en paiement de rappel de salaire au titre des heures de surveillance de nuit en appliquant l'article 29 de la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 qui valide les paiements effectués au titre de la rémunération de ces périodes, alors, selon le moyen, que le principe de prééminence du droit et la notion de procès équitable, résultant de l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, s'oppose, sauf pour d'impérieux motifs d'intérêt général, à l'ingérence du pouvoir législatif dans l'administration de la justice afin d'influer sur le dénouement judiciaire d'un litige ; qu'il était acquis aux débats que l'association était chargée d'une mission de service public et placée sous le contrôle d'une autorité publique qui en assure le financement par le paiement d'un prix de journée, que le procès l'opposant au salarié était en cours lors de l'entrée en vigueur de l'article 29 de la loi du 19 janvier 2000 et que ce texte, dont il n'est pas établi qu'un motif impérieux d'intérêt général le justifiait, remettait en cause, au profit de l'association, une jurisprudence favorable au salarié en matière d'heures d'équivalence ; qu'au vu de ces constatations, la cour d'appel ne pouvait, sans violer les dispositions de l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, refuser, ainsi qu'il lui était demandé, d'écarter l'article 29 de la loi du 19 janvier 2000 pour juger le litige dont elle était saisie ; qu'à tout le moins, en ne répondant pas à cette argumentation déterminante, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'obéit à d'impérieux motifs d'intérêt général l'intervention du législateur destinée à aménager les effets d'une jurisprudence nouvelle de nature à compromettre la pérennité du service public de la santé et de la protection sociale auquel participent les établissements pour personnes inadaptées et handicapées ; que dès lors, en faisant application de l'article 29 de la loi du 19 janvier 2000, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

Mais sur le second moyen :

Vu les articles 38 de la Constitution et 26 de l'ordonnance n° 82-41 du 16 janvier 1982 ;

Attendu qu'il résulte du premier de ces textes que les ordonnances prises après autorisation du Parlement ne deviennent caduques que si le projet de loi de ratification n'est pas déposé devant le Parlement avant la date fixée par la loi d'habilitation, que selon le second, dans les entreprises entrant dans le champ d'application de l'article L. 212-1 du Code du travail, la durée du travail des salariés travaillant de façon permanente en équipes successives selon un cycle continu ne doit pas être supérieure en moyenne sur une année, à trente-cinq heures par semaine travaillée, au plus tard le 31 décembre 1983 ;

Attendu que pour rejeter la demande du salarié en paiement d'heures supplémentaires fondée sur l'application de l'article 26 de l'ordonnance du 16 janvier 1982, la cour d'appel énonce par motifs propres et adoptés, d'une part, que cette ordonnance, si elle a fait l'objet d'un projet de loi de ratification déposée devant le Parlement dans le délai prévu, n'a pas été effectivement ratifiée et n'a aucune valeur légale, d'autre part, que ce texte est une loi cadre qui n'a pas eu pour effet de réduire à 35 heures la durée du travail dans les entreprises travaillant en continu et par cycle et qu'il n'y a donc pas lieu de vérifier si dans l'association en cause les salariés travaillaient de façon permanente en équipes successives selon un cycle continu ;

Attendu, cependant, qu'il n'est pas contesté que l'ordonnance n° 82-41 du 16 janvier 1982 si elle n'a pas été ratifiée a fait l'objet d'un projet de loi de ratification lui donnant valeur d'un acte administratif dont l'illégalité n'aurait pu être soulevée que par une exception préjudicielle dont l'examen relevait de la compétence de la juridiction administrative ; que, dès lors, en statuant comme elle l'a fait, en refusant de faire application de l'article 26 de l'ordonnance susvisée et de rechercher si le salarié travaillait de façon permanente en équipes successives selon un cycle continu, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Sur le pourvoi n° S 01-41.189 formé par l'Association :

Sur le premier moyen :

Attendu que l'association fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer des rappels de salaire au titre des heures travaillées de 35 heures à 39 heures par semaine depuis le 1er janvier 2000, alors, selon le moyen :

1 / qu'en la condamnant à payer au salarié en contrepartie des heures effectuées au-delà des 35 heures, par application de la loi du 19 janvier 2000, les heures supplémentaires à compter du 1er janvier 2000 bien que cette loi ne soit entrée en vigueur que le 1er février 2000, la cour d'appel a violé par fausse application la loi du 19 janvier 2000 ;

2 / que l'association ayant fait valoir, dans ses conclusions d'appel, que dans les entreprises de plus de 20 salariés, toute heure effectuée au-delà des 35 heures et jusqu'à la 39e heures incluse, donne lieu en l'an 2000 à une bonification de 10 % ; que cette bonification s'effectue sous forme de repos compensateur de 10 %, c'est-à-dire 6 minutes par heure considérée, et qu'elle applique ces dispositions légales, la cour d'appel a dénaturé l'objet et les termes du litige en affirmant que l'association a admis qu'elle ne payait que 10 % pour chacune des heures supplémentaires effectuées et violé en conséquence les articles 4 et 12 du nouveau Code de procédure civile ;

3 / qu'en accordant au salarié, au titre de la rémunération des 4 heures effectuées au-delà des 35 heures, un supplément de salaire égal à 4 fois 110 % du salaire d'une heure de travail bien que celui-ci ait été payé pour ces heures de travail au taux de 110 %, la cour d'appel a entraîné un enrichissement du salarié en rémunérant deux fois le même travail et a ainsi violé l'article 5 de la loi du 19 janvier 2000 et l'article L. 212-5 du Code du travail, l'article L. 140-1 du Code du travail et l'article 1371 du Code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel ayant fondé la condamnation qu'elle a prononcée sur l'application de l'accord cadre dit "Unifed", sa décision n'encourt pas les griefs du moyen qui, en ses diverses branches, n'invoque aucune violation de cet accord ; que le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le second moyen :

Attendu que l'Association fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamnée à payer au salarié une somme au titre du repos compensateur des jours fériés travaillés, alors, selon le moyen, qu'aux termes de l'article 23 de la convention collective des établissements et services pour personnes inadaptées ou handicapées le salarié a droit à un repos compensateur égal au nombre d'heures travaillées les dimanches fériés et autres jours fériés travaillés ; qu'en accordant au salarié la somme que celui-ci avait calculé comme suit : 14 heures travaillées, 8 heures récupérées, reste dû 6 heures multiplié par le nombre de jours fériés, sans constater qu'il avait effectivement travaillé 14 heures les dimanches fériés et autres jours fériés travaillés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 23 de la convention collective applicable ;

Mais attendu que par motifs adoptés des premiers juges, la cour d'appel a constaté que le salarié avait travaillé selon les jours fériés, soit 14 heures, soit 13 heures 30, soit 11 heures ; que le moyen manque en fait ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses dispositions rejetant la demande du salarié en paiement de rappel de salaire fondé sur l'application de l'article 26 de l'ordonnance du 16 janvier 1982, l'arrêt rendu le 22 décembre 2000, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;

Laisse à chaque partie la charge respective de ses dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes de M. X... ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix juin deux mille trois.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 01-41051;01-41189
Date de la décision : 10/06/2003
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Analyses

TRAVAIL REGLEMENTATION - Durée du travail - Travail permanent en équipes successives selon un cycle continu - Article 26 de l'ordonnance du 16 janvier 1982 - Ordonnance non ratifiée - Nature juridique - Détermination - Portée.

LOIS ET REGLEMENTS - Constitution - Article 38 - Ordonnance - Ordonnance du 16 janvier 1982 relative à la durée du travail et aux congés payés - Nature juridique - Détermination - Portée

LOIS ET REGLEMENTS - Constitution - Article 38 - Ordonnance - Caducité - Condition

SEPARATION DES POUVOIRS - Acte administratif - Appréciation de la légalité, de la régularité ou de la validité - Question préjudicielle - Sursis à statuer - Domaine d'application - Ordonnance non ratifiée de l'article 38 de la Constitution - Condition

Il résulte de l'article 38 de la Constitution du 4 octobre 1958 que les ordonnances prises après autorisation du Parlement ne deviennent caduques que si le projet de loi de ratification n'est pas déposé devant le Parlement avant la date fixée par la loi d'habilitation et de l'article 26 de l'ordonnance n° 82-41 du 16 janvier 1982, que les entreprises entrant dans le champ d'application de l'article L.212-1 du Code du travail, la durée du travail des salariés travaillant de façon permanente en équipes successives selon un cycle continu ne doit pas être supérieure en moyenne sur une année, à trente-cinq heures par semaine travaillée, au plus tard le 31 décembre 1983. L'ordonnance du 16 janvier 1982, si elle n'a pas été ratifiée, a fait l'objet d'un projet de loi de ratification lui donnant valeur d'acte administratif dont l'illégalité n'aurait pû être soulevée par une question préjudicielle dont l'examen relevait de la compétence de la juridiction administrative.


Références :

Constitution du 04 octobre 1958 art. 38
Ordonnance 82-41 du 16 janvier 1982 art. 26

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 22 décembre 2000


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 10 jui. 2003, pourvoi n°01-41051;01-41189, Bull. civ. 2003 V N° 194 p. 191
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2003 V N° 194 p. 191

Composition du Tribunal
Président : M. Sargos.
Avocat général : M. Duplat.
Rapporteur ?: M. Merlin.
Avocat(s) : M. Le Prado, la SCP Masse-Dessen et Thouvenin.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2003:01.41051
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