AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Vu les articles 693 et 694 du Code civil ;
Attendu qu'il n'y a destination du père de famille que lorsqu'il est prouvé que les deux fonds actuellement divisés ont appartenu au même propriétaire, et que c'est par lui que les choses ont été mises dans l'état duquel résulte la servitude ; que si le propriétaire de deux héritages, entre lesquels il existe un signe apparent de servitude, dispose de l'un des héritages sans que le contrat contienne aucune convention relative à la servitude, elle continue d'exister activement ou passivement en faveur du fonds aliéné ou sur le fonds aliéné ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 24 octobre 2000), que M. X..., qui avait acquis un immeuble issu de la division d'un fonds unique, dont le restant, demeuré appartenir au vendeur, avait ensuite été acheté par les époux Y..., reprochant à ces derniers d'avoir élevé sur leur propriété un mur qui obstruait une porte de son propre édifice ouvrant sur celle-ci, les a assignés pour obtenir la reconnaissance de l'existence d'une servitude de passage et subsidiairement, d'une servitude de vue ou tout au moins de jour, ainsi que la démolition du mur ;
Attendu que pour débouter M. X... de ses demandes, l'arrêt retient que les différents droits réclamés ne peuvent être fondés sur le fait que les propriétaires originels étaient les mêmes car si ceux-ci, lors de la première vente, alors qu'ils gardaient une partie de leur propriété, avaient voulu consentir une servitude quelconque à M. X..., ils auraient demandé au notaire rédacteur de rédiger une clause claire et précise déterminant les droits et obligations de chacun, que cela n'ayant pas été fait, il n'est pas possible de retenir la notion de "destination du père de famille" ;
Qu'en statuant ainsi, tout en retenant, par motifs propres et adoptés, qu'il n'était pas contestable qu'une porte existait lors de la vente consentie par l'auteur commun à M. X..., et alors qu'il résultait de ses propres constatations que l'acte de division n'avait rien prévu relativement à la servitude, la cour d'appel, qui n'a pas relevé d'éléments de nature à démontrer la volonté de l'auteur d'écarter la présomption légale qui s'attachait à la situation de fait constatée, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 octobre 2000, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Limoges ;
Condamne les époux Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande des époux Y... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mai deux mille trois.