AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le six mai deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller CHANET, les observations de la société civile professionnelle TIFFREAU, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DAVENAS ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Michel, partie civile,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de MONTPELLIER, en date du 23 mai 2002, qui, dans l'information suivie sur sa plainte, pour diffamation publique envers un citoyen chargé d'un mandat public contre Roger Y..., après annulation de pièces de la procédure, a constaté l'extinction de l'action publique en raison de la prescription ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 29, 31 de la loi du 29 juillet 1881, 175, 591 et 593 du Code de procédure pénale, violation du principe du contradictoire ;
"en ce que l'arrêt attaqué a constaté que la prescription de l'action publique était acquise depuis le 21 octobre 2000 et en conséquence, a dit n'y avoir lieu à suivre ;
"aux motifs que la loi du 29 juillet 1881 "délimite et protège la liberté de la presse, prévoit des règles de procédure auxquelles il ne peut être dérogé à peine de nullité ;
"que tel est le cas des règles visées aux articles 35 et 55 en ce qui concerne la vérité des faits diffamatoires, la preuve de la vérité des faits diffamatoires ne pouvant résulter que du débat devant la juridiction du fond lorsque le prévenu est admis à rapporter cette preuve conformément aux dispositions de l'article 55 de la loi ;
"qu'il n'appartenait donc pas au juge d'instruction, tout d'abord, de recevoir lors de la première comparution, de la part de la personne mise en examen, des pièces tendant à démontrer la véracité des faits (D23, D24) ;
"que de même il ne pouvait entendre sur la véracité des faits Roger Y... lors de la première comparution (D21 page 3 in fine page 4) ;
"attendu , aussi, que le magistrat instructeur ne pouvait délivrer la commission rogatoire du 20 juillet 2000 (D25) laquelle avait pour but d'établir la véracité des faits que la partie civile déclarait diffamatoires ;
"qu'il s'ensuit que, d'une part, doit être annulée la partie du procès-verbal de première comparution ainsi que les pièces annexées et, d'autre part, la commission rogatoire du 20 juillet 2000 et les pièces d'exécution y faisant suite (D25 à D38) ;
"que, en conséquence des annulations prononcées, il échet de constater que, entre le 20 juillet 2000, date du procès-verbal de première comparution, et le 3 juillet 2001, avis aux parties des dispositions de l'article 175 du Code de procédure pénale, plus de trois mois se sont écoulés et que la prescription est donc acquise ;
"que, de surcroît, et pour faire reste de raison, il échet d'observer que le dernier acte d'exécution de la commission est daté du 1er février 2001 (D36) et que l'acte suivant du 3 juillet 2001 (notification aux parties des dispositions de l'article 175 du Code de procédure pénale) est postérieur de plus de trois mois" ;
"alors que, 1 ), en annulant d'office des actes de procédure antérieurs à l'avis de fin d'information donné le 3 juillet 2001, qui n'avaient pas été attaqués dans le délai prévu à l'article 175 du Code de procédure pénale, et qui ne pouvaient donc plus être remis en cause, la chambre de l'instruction a excédé ses pouvoirs ;
"alors que 2 ), en annulant d'office des actes de procédure antérieurs à l'avis de fin d'information donné le 3 juillet 2001, sans inviter les parties à en débattre, la chambre de l'instruction a violé le principe du contradictoire ;
"alors que 3 ), en déclarant l'action publique prescrite, au regard de la procédure suivie antérieurement à l'avis de fin d'information donné le 3 juillet 2001, procédure qui n'avait pas été critiquée dans le délai prévu à l'article 175 du Code de procédure pénale, la chambre de l'instruction a excédé ses pouvoirs ;
"alors que 4 ), en relevant d'office l'absence d'acte interruptif de prescription entre le dernier acte d'exécution de la commission rogatoire (daté du 1er février 2001) et l'avis de fin d'information donné le 3 juillet 2001, sans inviter les parties à en débattre, la chambre de l'instruction a violé le principe du contradictoire" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et de l'examen des pièces de procédure que Michel X..., maire de Villeneuve les Béziers, a porté plainte et s'est constitué partie civile du chef de diffamation publique contre Roger Y..., le 5 octobre 1999, à la suite de la diffusion par ce dernier d'un courrier insinuant que le maire se serait rendu coupable d'agissements frauduleux qui seraient à l'origine des difficultés financières rencontrées par deux sociétés locales ;
Que le juge d'instruction a rendu une ordonnance de non-lieu ;
Attendu que, pour annuler d'office plusieurs pièces de la procédure, les juges du second degré saisis de l'appel de la partie civile prononcent par les motifs reproduits au moyen ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, les juges ont justifié leur décision ;
Que, d'une part, contrairement à ce qui est allégué, la forclusion de l'article 175 du Code de procédure pénale ne fait pas obstacle à ce que la chambre de l'instruction relève tout moyen de nullité à l'occasion de l'examen de la régularité de la procédure auquel elle se livre en application de l'article 206 du Code de procédure pénale ;
Que, d'autre part, la prescription de l'action publique, même quand elle est régie par l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881, constitue une exception péremptoire d'ordre public qui doit être relevée d'office par le juge, sans qu'il y ait lieu d'en aviser les parties ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Chanet conseiller rapporteur, M. Joly conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : M. Souchon ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;