AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à M. X... du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la SCP Clerc-Clerc-Soulier ;
Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 5 avril 2001), que par acte authentique dressé le 25 mai 1987 par M. Y..., notaire, M. X... a conclu avec la société Natiocrédibail, filiale du groupe Banque nationale de Paris (BNP), un contrat de crédit-bail immobilier pour une durée de quinze ans ; qu'ayant été victime d'un accident du travail et ne pouvant plus faire face à ses engagements, M. X... a assigné la société Natiocrédibail et la BNP en nullité du contrat pour dol et manquement à leur devoir d'information et de conseil et a recherché également la responsabilité du notaire, rédacteur de l'acte, exerçant au sein d'une société civile professionnelle ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes dirigées contre la société Natiocrédibail, alors, selon le moyen :
1 / que constitue un dol et une violation à l'obligation de contracter de bonne foi le silence conservé par une partie sur un élément décisif de la convention qui a déterminé le consentement de son cocontractant ; que M. X... soulignait, dans ses écritures d'appel qu'en lui faisant signer l'acte de vente avant le contrat de crédit-bail auquel il fait référence et en ne l'informant pas du régime précis des SICOMI, le crédit-bailleur l'avait trompé sur la possibilité de sous-louer partie des locaux par la seule mention faite au paragraphe "sous-location" du contrat de crédit-bail, lui indiquant que "Le preneur ne pourra sous-louer tout ou partie des locaux donnés à bail sans le consentement exprès et par écrit du bailleur, sous réserve encore qu'aucune disposition ne vienne interdire ou à rendre impossible l'application au bailleur du régime fiscal des opérations de crédit-bail traitées par les SICOMI, conformément à la réglementation en vigueur..." ; qu'en ne recherchant pas si, en taisant l'impossibilité de sous-location qu'imposait le régime juridique des SICOMI connu de la société Natiocrédibail et non de M. X..., qui n'est pas un professionnel du droit, la société Natiocrédibail n'avait, par son silence, dissimulé à son cocontractant un fait qui, s'il avait été connu de lui, l'aurait empêché de contracter, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1116 et 1147 du Code civil ;
2 / qu'engage sa responsabilité au titre de son obligation de conseil, vis-à-vis du crédit-preneur, le crédit-bailleur qui souscrit une assurance de groupe ne garantissant pas l'invalidité temporaire ou définitive résultant d'un accident du travail sans en avertir le crédit-preneur, artisan-échafaudeur ; qu'en estimant qu'il appartenait à M. X... de souscrire lui-même des garanties complémentaires couvrant l'invalidité temporaire dont la nécessité n'aurait pas dû lui échapper, la cour d'appel a violé les articles 1147 et L. 140-4 du Code des assurances ;
3 / qu'en se bornant à affirmer , sur le surendettement allégué par M. X..., qu'il n'est "pas démontré que la seule charge du crédit-bail, à l'exclusion des autres crédits ultérieurement souscrits auprès d'une autre société, présentait le caractère excessif ou que l'entreprise n'était pas à l'origine viable sur cette base, alors que le contrat a été régulièrement exécuté les premières années et que les difficultés ont eu pour cause effective l'accident professionnel survenu à M. X... en juin 1991 ..", sans répondre aux conclusions de l'intéressé montrant que la charge du crédit-bail équivalait à 200 % de ses revenus annuels d'artisan et qu'il n'avait pu la supporter qu'au prix d'importants sacrifices et d'une aide familiale, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant, par motifs propres et adoptés, relevé que l'acte notarié mentionnait que M. X... s'engageait à adhérer au contrat d'assurance groupe décès invalidité souscrit par la BNP auprès des Assurances générales de France (AGF) pour une somme de 280 000 francs, d'un montant très notoirement inférieur à l'opération envisagée, et constaté que M. X... avait reçu de la BNP, le 21 mai 1987, les documents relatifs à son affiliation à l'assurance groupe, laquelle se limitait manifestement au décès et à l'invalidité absolue et définitive, la cour d'appel, qui a pu en déduire l'absence de manquement du crédit bailleur à son devoir de conseil et d'information quant à la souscription de garanties complémentaires qui incombait à M. X... et dont la nécessité ne pouvait lui échapper compte tenu des risques inhérents à son activité, et qui a souverainement retenu, répondant aux conclusions prétendument délaissées, que la possibilité de sous-louer n'était pas déterminante du consentement de M. X... et qu'il n'était pas démontré que la seule charge du crédit bail, à l'exclusion des autres crédits ultérieurement souscrits auprès d'une autre société présentait un caractère excessif, a légalement justifié sa décision de ce chef rejetant la demande en nullité du contrat ;
Sur le deuxième moyen, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant constaté que M. X... formait à l'encontre de la BNP des demandes tendant à l'annulation du contrat et du commandement et tirant les conséquences de l'annulation, la cour d'appel n'a pas modifié l'objet du litige en décidant que ces demandes, qui reposaient sur le seul fondement contractuel, ne pouvaient aboutir contre la BNP, personne morale distincte de la société Natiocrédibail, seul contractant ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le troisième moyen :
Vu l'article 47 du décret n° 67-868 du 2 octobre 1967, ensemble l'article 1382 du Code civil ;
Attendu que chaque associé exerce les fonctions de notaire au nom de la société ;
Attendu que pour rejeter les demandes dirigées contre la société titulaire de l'office notarial, l'arrêt retient que la responsabilité du notaire est individuelle et que si elle donne lieu, au sein d'une société civile professionnelle dont il serait membre, à solidarité de cette société, elle ne se transmet pas passivement à la nouvelle société lui ayant succédé ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la société est solidairement responsable avec le notaire associé des conséquences dommageables de ses actes, quels que soient les changements intervenus par la suite dans sa composition, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. X... de ses demandes dirigées contre la SCP Clerc-Hivet, l'arrêt rendu le 5 avril 2001, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;
Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la SCP Clerc-Hivet à payer à M. X... la somme de 1 900 euros ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes de la société BNP Paribas, de la SCP Clerc-Hivet, et de la société Natiocrédibail ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre avril deux mille trois.